Tout ne va pas bien pour Android

 

Si 2015 restera pour Google l’année de sa transformation en Alphabet, le A d’Android est loin d’avoir vécu sa meilleure année. Retour sur la période la plus mouvementée dans le monde du petit bonhomme vert depuis sa création, en 2007.

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Illustration par Marie Schweiz

Les ratés de Lollipop

Côté OS tout d’abord, cette année 2015 n’a pas démarré sous les meilleurs auspices. En cause, Android 5.x, alias Lollipop, annoncé en novembre 2014 et mis à disposition au grand public dans les mois qui ont suivi. En effet, alors que les versions précédentes n’ont souffert que de peu de contestation, Lollipop a connu des débuts difficiles. En effet, au-delà d’une interface graphique fortement remaniée, basée sur de nouvelles règles baptisées Material Design, qui n’ont pas immédiatement fait l’unanimité (et que Google mettra lui-même longtemps à adopter dans ses propres applications), cette nouvelle version enchaîne un lancement raté, des suspicions de baisse de performances (finalement démenties) une mise à jour difficile pour la Nexus 7 2012, ainsi que des fonctionnalités pas toujours réussies (rappelons la gestion calamiteuse du mode silencieux). Mais ce sont surtout d’importantes fuites de mémoire qui allaient occuper Google durant ce début d’année 2015.

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Illustration par Marie Schweiz

Ce problème, loin d’être anodin, a rendu certains terminaux difficilement utilisables. Il a obligé la firme de Mountain View à déployer de lourdes corrections (mais pas forcément complètes) au travers d’une version majeure (Android 5.1) publiée dès mars 2015. Restait aux constructeurs à réaliser cette mise à jour sur leurs terminaux durant le reste de l’année 2015, ce qui a bien évidemment été loin d’être le cas : certains constructeurs ont choisi de rester sous la version précédente, Android 4.4 KitKat qui, bien que la version Android 6.0 soit aujourd’hui disponible, équipe encore la majorité des smartphones Android du marché (plus d’un tiers).

Une bien mauvaise opération pour Google, jusque là irréprochable en termes de qualité dans ses mises à jour, et qui se retrouve piégé par la rationalité économique des constructeurs.

Comme un fiasco n’arrive jamais seul, une faille de sécurité monstrueuse dans le code source d’Android a été révélée par des chercheurs en sécurité de l’entreprise Zimperium en juillet 2015. Elle permettait la prise de contrôle à distance et de manière totalement silencieuse d’environ 95% des appareils sous Android. Stagefright (traduisez “effroi”), car c’est ainsi que la faille a été nommée, a eu le mérite de relancer le sujet épineux de la gestion de la sécurité sur une plateforme aussi fragmentée.

Si Adrian Ludwig, responsable de la sécurité sur Android, annonçait en août la plus grande mise à jour logicielle que le monde du mobile ait jamais vue, il n’en reste pas moins en ce début 2016 plusieurs millions de smartphones sur le marché mondial, toujours actifs et vulnérables.

 

Le loupé de Qualcomm

Côté smartphones justement, l’année 2015 a débuté par des chiffres exceptionnels de vente pour le concurrent Apple. Ce dernier s’est en effet décidé fin 2014 à aligner la taille des écrans de l’iPhone sur celle des smartphones et phablettes Android, proposant des iPhone 6 et 6 Plus aux écrans de 4,7 et 5,5 pouces, contre une taille maximale de 4 pouces auparavant. Et cela fonctionne : Apple signe en 2015 une belle progression de ses ventes, répondant à la forte demande de grands écrans et grâce à une meilleure pénétration sur le marché chinois.

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Illustration par Marie Schweiz

Mais cette concurrence renouvelée a vite laissé place à l’évènement marquant de cette année 2015 : la sortie de route surprise de Qualcomm, qui anentraîné dans son sillage une partie des smartphones les plus attendus de l’année.

L’entreprise, qui sort chaque année un nouveau processeur censé équiper 90 % des fleurons de la gamme Android, aura cette année failli à la mission qu’il s’était octroyée ces quatre dernières années. En effet, le Snapdragon 810, annoncé comme un  processeur sans commune mesure en termes de puissance par rapport aux processeurs 2014, a rencontré en 2015 les pires difficultés : chauffant exagérément en début d’année, il a réussi à plomber l’expérience utilisateur des M9 de HTC et Flex 2 du constructeur LG. Et surtout, il a refroidi plus d’un utilisateur d’Android. Le séisme a été tel que ce dernier a décidé de décaler la sortie de son produit phare, le G4, alors que Sony a tout simplement annulé la sortie mondiale du Xperia Z4, qui restera réservé à quelques pays asiatiques.

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Illustration par Marie Schweiz

La réponse de Qualcomm n’a été satisfaisante pour personne : la version Snapdragon 808, équipant un LG G4 finalement sorti en mai (lire le test), n’est, comme son nom l’indique, qu’une pâle copie du processeur initial. Le Sony Xperia Z5, sorti de son côté en octobre, a vanté sans trop y croire les mérites de la version 2.1 du Snapdragon 810 qui, au final, n’a su résoudre les problèmes de surchauffe que grâce à une réduction de puissance affichée.

Ce cataclysme inédit dans le monde des smartphones haut de gamme, n’a pas été la seule mauvaise nouvelle pour Google en 2015, puisqu’elle a entraîné mécaniquement le retour en grâce d’un de ses concurrents les plus redoutables, Samsung. En effet, ce constructeur, qui a connu des années 2013 et 2014 en demi-teinte (du fait d’un Samsung Galaxy S4 chahuté en fin d’année 2013 et d’un Galaxy S5 assez banal), réussit là où Snapdragon avait échoué : grâce à un Samsung Galaxy S6 au design renouvelé et disposant surtout d’un processeur maison, bien plus puissant que la concurrence (et encore inégalé en ce début 2016), le constructeur coréen a repris ainsi la main en 2015 sur l’univers Android. Mauvaise nouvelle pour Google, qui préfère évidemment un marché de constructeurs relativement équilibré pour éviter les partenaires commerciaux trop puissants.

Le comble pour Google est que ce problème, dont il n’est pas à l’origine, n’a pas affecté les autres OS : ni iOS, Apple utilisant son propre processeur, ni Windows 10 (Mobile), ce dernier n’ayant actuellement pas besoin pour fonctionner d’autant de puissance que les dernières créations sous Android, n’ont rencontré ce type de difficultés. Du moins a-t-il fallu attendre la fin 2015 pour voir sortir les Lumia 950 et 950XL, tous deux équipés chez Qualcomm.

Microsoft n’avait d’ailleurs pas besoin de ça pour briller en 2015 : avec Windows 10 sorti en juin, la firme de Redmond annonce dès le début d’année un système qui réunit son OS mobile, né en 2010 et à présent abouti, et son nouveau système d’exploitation pour PC, en cours d’installation durant l’année dans la plupart des entreprises et foyers du monde. Encore un mauvais coup pour Google : bien loin des prévisions alarmistes d’il y a quelques années, Microsoft se donne en 2015 les moyens de réussir, grâce à une démarche enfin multiplateforme (dont Android pour la suite Office) et agressive en termes de tarif, puisque la mise à jour est tout simplement gratuite pour tout PC à partir de Windows 7 pendant 1 an. Malheureusement, Windows 10 Mobile est présent sur peu de produits, et la firme de Redmond n’arrive pas à convaincre, pour le moment, beaucoup d’acteurs.

Autre signe du réveil de Microsoft, sa tablette Surface Pro 4 a gagné en maturité en 2015. Désormais impressionnante (mais toujours onéreuse), elle rend à Microsoft une partie de la crédibilité perdue dans le domaine de la mobilité depuis l’arrêt de Windows Phone 6 (6 ans, maintenant) et la chute vertigineuse qui s’en est suivie.

En face, Google balbutie en 2015, hésite toujours entre Chrome OS et Android. Il retient finalement ce dernier pour équiper sa tablette, qu’il choisit ironiquement, après quatre différentes Nexus, de nommer Pixel C (Pixel étant le nom réservé jusqu’à présent à sa gamme de Chromebook).

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Illustration par Marie Schweiz

L’impression d’inachevé reste néanmoins tenace : la tablette Pixel C offre au final une expérience utilisateur peu éloignée des Nexus 9 et Nexus 10, sorties les années précédentes. Devant cet accueil mitigé, Google occupe le terrain par des annonces prématurées sur la prochaine évolution d’Android qui disposera du mode fenêtres très attendu (et implémenté par Samsung depuis plus de 2 ans sur ses modèles Galaxy Tab) et sur une unification de ces deux environnements Chrome OS et Android prévue pour 2017. Même si l’information n’est pas encore officielle, on s’en doute fortement. Pas de quoi être rassuré pour 2016 quant au retour en grâce de Google sur le marché professionnel, malgré la bonne tenue de Chrome OS aux États-Unis.

 

Facebook étend son champ d’applications pendant que Google revoit sa copie

Côté applications, 2015 n’a pas non plus été une de ces années extraordinaires auxquelles la firme de Mountain View nous avait habitués, mais bien l’année de la restructuration.

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Illustration par Marie Schweiz

Après la remise en cause de Google+ et son intégration dans l’ensemble de ses produits (entraînant ainsi la démission de son directeur de l’époque, Vic Gundotra), 2015 a été l’année de la destruction de chaque application liée à Google+ et sa reconstruction à l’identique, à l’extérieur du réseau social. Un revirement qui, au final pourrait coûter cher à Google tant il s’est montré avare en évolutions de fonctionnalités pour Hangouts (avec la disparition des SMS ?), YouTube (l’arrivée de YouTube Gaming et Music), Contacts, Google Photos (dont les fonctions se développement), en passant par le profil public et la gestion de la sécurité.

Sans parler des applications peu stabilisées, Google est allé vite et a revu en profondeur la conception de tous ses produits mobiles. Effectivement, en 2015, Google a pris des risques importants : alors que la firme nous avait habitués à des applications impeccables en évolution constante, cette stratégie a peut-être poussé certains utilisateurs vers des applications concurrentes.

Surtout que dans ce milieu, celui qui n’avance pas recule : pendant ce temps, Facebook, non content d’engranger encore plusieurs millions de nouveaux utilisateurs, est devenu maître dans l’art de diversifier ses activités, afin étendre son aura au-delà du réseau social, à toute la sphère Internet. Avec la sortie de son moteur de recommandation et en améliorant son moteur de recherche en fin d’année, Facebook se pose un peu plus en 2015 comme le véritable rival de Google pour les années à venir.

 

Du mieux pour Android en 2016

Même si l’année 2015 s’apparente à un enchaînement de déconvenues pour Android, cela reste évidemment tout relatif. Le petit bonhomme vert aura tout de même réussi à maintenir sa domination, avec toujours 80 % des parts de marché des OS mobiles. D’autant qu’il serait étonnant que cette guigne se poursuive en 2016.

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Illustration par Marie Schweiz

Côté smartphone, il parait peu probable cette année que Qualcomm commette les mêmes erreurs avec son Snapdragon 820, d’autant que des concurrents sont en embuscade. Intel, désormais implanté sur le marché des smartphones grâce notamment au succès du Asus ZenPhone 2, et pourquoi pas MediaTek avec sa toute nouvelle architecture haut de gamme Helio X10, sont sur les rangs pour prendre sa place de leader du marché des processeurs pour smartphones.

Au rayon des OS, Lollipop a fait place pour 2016 a une version Android 6.0 alias “Marshmallow” bien plus mature et aboutie, et qui a fait l’unanimité. “Material Design” est à présent adopté et bien implanté à travers tout le Play Store, y compris sur toute la gamme d’applications et sites Web du géant de Mountain View.

Chez les applications justement, le temps de la reconstruction semble révolu, et Google commence à capitaliser autour de solutions plus solides et unifiés, comme en témoigne l’apparition des tâches dans l’agenda Android à la toute fin 2015. Il y a de fortes chances que les évolutions laissées dans les cartons en 2015 fleurissent en 2016, pour le plus grand bonheur des aficionados de la marque.

Reste une concurrence toujours plus forte dans le domaine de la mobilité, qui ne s’arrêtera pas grâce à des vœux de fin d’année. Nous pouvons sur ce point faire confiance à Google, toujours prompt à trouver les réponses appropriées aux diverses annonces de ses concurrents.

 

Par Alexis Breithoff


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