Blood Machines : pourquoi est-il compliqué de réaliser un film en réalité virtuelle ?

 

Le cinéma en réalité virtuelle est loin d’être parfaitement développé et encore plus loin d’être largement démocratisé. Cela est dû à de nombreuses contraintes que les réalisateurs de BLOOD MACHINES, un court-métrage de science-fiction, nous ont exposées. Ces derniers envisagent en effet de proposer une expérience VR en plus de leur film.

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Mise à jour du 28 décembre : nous avons ajouté la première vidéo en VR du projet BLOOD MACHINES qui a récemment été postée après que le seuil requis a été dépassé sur Kickstarter.

La réalité virtuelle peut être considérée comme un média à part entière. L’expérience d’un jeu vidéo est en effet complètement transformée lorsqu’on la vit en immersion dans l’univers de celui-ci. Pour les films, la logique voudrait que ce soit également le cas. Et de nombreux projets cinématographiques font la part belle à la VR. Les cinémas mk2, qui ont récemment ouvert un espace dédié à cette technologie, estiment même qu’il s’agit de l’avenir du 7e art.

Pourtant, cette évolution, aussi enthousiasmante soit-elle, mettra très probablement beaucoup de temps à se démocratiser, car beaucoup d’obstacles s’opposent à son déploiement généralisé.

 

L’exemple de BLOOD MACHINES

Il y a quelques jours,  nous découvrions BLOOD MACHINES et sa page Kickstarter. Il s’agit d’un projet de court-métrage de science-fiction, porté par deux Français, en quête de financement. Le film promet d’être somptueux et riche en effet spéciaux. Celui-ci partage d’ailleurs la même diégèse que le clip Turbo Killer, réalisé par le même duo. Rythmée par une musique electro, la vidéo conçue avec peu de moyens nous avait bluffés.

Or l’un des objectifs des deux réalisateurs — Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard — est de proposer une expérience de réalité virtuelle en plus de leur film. Mais le challenge est de taille et pose de nombreuses problématiques. Nous les avons rencontrés afin d’en savoir plus.

 

Contraintes techniques

Les deux hommes œuvrent sous le pseudonyme de Seth Ickerman et il est clair qu’ils souhaitent que ce nom soit associé à du contenu de qualité. Sur le plan esthétique notamment. Et on sent effectivement un travail minutieux sur chaque scène, rien n’est laissé au hasard. Or, dans le cadre d’une expérience en réalité virtuelle, de telles exigences sont forcément revues à la baisse.

Seth Ickerman nous a fait essayer à Vincent, et moi, un prototype d’expérience VR à 360 degrés avec un Cardboard. Plongé dans un décor futuriste, les textures n’étaient pas trop mal faites et on s’est facilement plongé dans cet univers bien mieux modélisé que dans bon nombre d’applications sur le Google Play Store. Néanmoins, on sentait bien que ce n’était pas parfait et relativement éloigné de l’esthétisme de l’œuvre originale.

Pour remédier à ce problème, Seth Ickerman envisage plutôt de se tourner vers des formats cinéma IMAX qui utilisent des pellicules de 70 mm — contre 35 pour le format classique. Cette technique permet de diffuser sur des écrans plus larges et favorise « une vision humaine » élargie à plus ou moins 180 degrés de la scène qui se déroule devant nous. Il suffit de s’équiper d’un casque dédié pour s’y croire.

Ce format respecterait plus les exigences esthétiques puisqu’il suffirait, grosso modo, de réaliser le film en format IMAX et de découper dedans par la suite pour l’adapter aux écrans plus petits. Le casque de réalité virtuelle permettrait donc, non pas d’être dans la scène, mais d’être face à cette scène immense, comme si vous étiez au cinéma.

 

VR = gros budget

Réaliser un film coûte cher. Le faire en réalité virtuelle est encore plus onéreux. L’argent étant le nerf de la guerre, c’est l’une des questions qui se posent forcément au duo qui forme Seth Ickerman. Après notre rencontre, le projet BLOOD MACHINES a atteint son objectif de 75 000 euros, destiné au seul court-métrage.

Pour offrir une première vidéo en réalité virtuelle, le projet nécessiterait 105 000 euros — il a presque atteint les 101 000 euros au moment où j’écris ces lignes. Une somme conséquente pour une courte vidéo à regarder avec Cardboard. Pour THE expérience en VR, qui s’ajouterait au court-métrage, Seth Ickerman annonce un objectif de 500 000 euros. On ne sait pas cependant si ladite expérience sera en 360 degrés ou simplement en format élargi.

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Autrement dit, alors qu’on est loin des gros blockbusters hollywoodiens, il faut au moins un demi-million d’euros pour pouvoir proposer une vraie immersion en réalité virtuelle qui soit satisfaisante pour le public et pour les réalisateurs. L’avis de ces derniers compte évidemment dans la balance puisqu’il est hors de question pour eux « de faire de la VR juste pour faire de la VR. Il faut que ça apporte quelque chose ».

 

Une vision artistique à respecter

L’art n’est évidemment pas à négliger dans une expérience en réalité virtuelle. Se servir des nouvelles technologies est une entreprise parfaitement louable, mais il ne faut pas qu’elle devienne une fin. La 3D au cinéma, par exemple, est souvent critiquée par les spectateurs quand elle n’apporte rien à l’expérience de visionnage.

La même exigence doit s’appliquer à la réalité virtuelle selon Seth Ickerman. Le duo français veut avant tout faire passer un propos à travers l’univers de science-fiction qu’il a créé. Et la VR doit être au service de cette vision artistique. « C’est un média que l’on explore et on va voir ce qu’il peut nous apporter », expliquent les réalisateurs.

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Pour Seth Ickerman, le vrai défi est de « faire oublier » la 3D ou la réalité virtuelle au public, car, dans ces conditions, la personne est totalement immergée. Mais une autre question se pose alors : faut-il guider le regard du spectateur ? En 360 degrés, celui-ci doit-il se déplacer ou rester assis ?

Toutes ces interrogations n’ont pas encore trouvé leurs réponses. Par conséquent, le cinéma en réalité virtuelle reste, pour l’instant, encore un secteur de niche. Nous n’avons pas la prétention de prédire quand la rencontre entre cette technologie et le septième art pourra se démocratiser, mais on a tout de même envie d’être optimiste, malgré les nombreuses contraintes.


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