Comment préparer ses longs trajets en voiture électrique ?

Entre casse-tête et simplicité

 

En 2021, les grands trajets en voiture électrique peuvent être soit une formalité, soit un casse-tête. Des outils sont à notre disposition pour anticiper les consommations et les durées de charge, mais peut-on vraiment bien planifier ses déplacements à travers le pays ?

Tesla
Source : Jp Valery via Unsplash

Selon le véhicule électrique que vous utilisez, vous serez sans doute amené à planifier vos grands trajets avec autre chose que l’ordinateur de bord intégré. En effet, que ce soit la gestion des étapes, le choix du réseau de charge ou encore l’autonomie restante que vous voulez une fois arrivé à destination, il est impossible de tout avoir dans le système proposé par le constructeur. C’est là que d’autres outils, comme A Better Route Planner, entrent en compte.

Les limites des systèmes embarqués

Lorsqu’on prévoit un trajet plus long que l’autonomie de notre véhicule électrique, il est évident qu’une ou plusieurs recharges seront nécessaires. Selon les cas de figure, cela peut-être des charges rapides, ou bien des haltes la nuit avec une recharge lente pour repartir avec une voiture chargée au petit matin. Prendre en compte ces paramètres via l’ordinateur de bord est souvent compliqué, voire même impossible. En effet, même chez Tesla qui possède son propre réseau de recharge intégré à l’ordinateur de bord dans la planification des trajets, c’est loin d’être idéal.

Aller à Brest en Tesla Model 3, recharge nécessaire compte tenu du niveau de batterie actuel // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Rien que le fait de ne pas pouvoir proposer d’étapes dans un itinéraire sera rédhibitoire pour beaucoup. Si vous prévoyez un week-end à l’autre bout du pays, avec quelques trajets sur place, puis le retour, l’ordinateur de bord d’une Tesla ne tiendra compte que de la destination finale pour faire ses prévisions de charges.

De plus, aucun paramètre n’est modifiable par l’utilisateur, pas même le niveau de charge souhaité à destination, chose pourtant importante lorsque l’on va passer un peu de temps sur place.

A Better Route Planner, un outil indispensable

Pour éviter une gymnastique du cerveau trop compliquée, le premier allié de tout conducteur de voiture électrique souhaitant voyager assez loin se nomme A Better Route Planner (littéralement un meilleur planificateur de trajet). Il a un but simple : rendre les longs trajets en véhicule électrique plus aisés, en proposant de modifier tous les paramètres possibles et inimaginables pour que le trajet planifié soit le plus proche de la réalité.

Quelques options disponibles sur A Better Route Planner

Si avoir autant de paramètres différents à saisir peut faire peur, A Better Route Planner fonctionne aussi en mode « automatique » pour les véhicules qui permettent une remontée d’informations via une API (c’est le cas pour Tesla, mais aussi pour les Volkswagen ou Porsche par exemple).

Votre véhicule communiquant avec A Better Route Planner, les informations de niveau de charge, de température extérieure, mais aussi de consommation seront automatiquement récupérées et analysées pour offrir une prédiction qui collera le plus possible avec la réalité.

Planification d’un grand trajet Nantes – Strasbourg avec le réseau IONITY

En plus des informations de consommation, durée de charge et autres itinéraires alternatifs, A Better Route Planner affichera le coût prévisionnel en fonction des informations actuelles. À titre d’exemple, la facturation chez IONITY se fait aujourd’hui en France à la minute, avec un tarif de 0,79 euro par minute.

Privilégier deux pauses de 15 minutes (23,70 euros pour 30 minutes) plutôt qu’une seule de 45 minutes (35,55 euros pour 45 minutes) pour recharger la même quantité d’énergie aura alors beaucoup de sens : ce sera moins long, et moins cher.

A Better Routeplanner (ABRP)

A Better Routeplanner (ABRP)

Consommation : les paramètres qui influent

En utilisant une voiture électrique en grands trajets fréquemment, on se rend compte de ce qui influe le plus sur la consommation : la vitesse et le vent. Si le premier est évident pour tout le monde (en moyenne, plus on roule vite, plus on va consommer), le second ne vient pas nécessairement en tête immédiatement.

Sur des trajets comparables, entre du vent de face et du vent de dos, la consommation sur autoroute aux vitesses limites peut varier de 20 % sans problème. Ainsi, il faut en tenir compte entre deux étapes, pour savoir si 60 % de batterie suffira, ou si au contraire 75 % de batterie seront nécessaires pour arriver au prochain chargeur.

Le résultat d’un fort vent de face : la batterie fond ! // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Concernant la température, il est vrai que celle-ci peut faire varier l’autonomie d’une voiture électrique. Cela dépend surtout si la voiture dispose ou non d’une pompe à chaleur et si votre trajet intègre des recharges ou non (qui permettent de réchauffer la batterie). Ainsi, sur un trajet autoroutier de 200 km que nous effectuons régulièrement avec une Model 3 SR+ de 2020 sans pompe à chaleur, il existe une différence d’environ 15 % d’autonomie entre les saisons. Ainsi, en hiver, nous arrivons péniblement autour de 0 % à destination, alors qu’en été, il nous reste environ 15 % à l’arrivée. Nous avons simulé ce même trajet avec ABRP sur une Model 3 SR+ de 2021 avec pompe à chaleur. La différence n’est que de 5 % ! Comme quoi, la pompe à chaleur est très utile en hiver.

Sur les trajets nécessitant un ou plusieurs arrêts de recharge, la différence sera parfois moins importante. En effet, même si la voiture consomme un peu plus, les chargeurs rapides permettront de rattraper cette surconsommation en quelques minutes. Ainsi, un trajet Bordeaux – Paris sur une SR+ de 2020 sans pompe à chaleur réclamera 15 minutes de plus en hiver qu’en été à cause notamment d’une consommation plus importante pour réchauffer l’habitacle. Un allongement modéré pour un trajet qui dure plus de 6h.

L’immense majorité des véhicules électriques aujourd’hui permettent de préchauffer l’habitacle et/ou la batterie avant le départ, via une prise électrique pour ne pas utiliser l’énergie de la batterie, limitant d’autant l’effet négatif de la température extérieure.

Enfin, si le grand trajet que vous prévoyez comprend une forte élévation, ou au contraire, une grande perte d’altitude, la consommation s’en ressentira : en descente en véhicule électrique, non seulement on ne consomme rien, mais mieux, on charge la batterie.

À bord du Tesla Model X sur Autoroute // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Sur un véhicule thermique, les mêmes paramètres ont également de l’influence sur la consommation, mais on les remarque moins. Il y a deux raisons à cela. La première, c’est que dans l’immense majorité des cas, devoir rajouter de l’essence 100 km plus tôt que d’habitude n’aura aucune conséquence : les stations-service étant extrêmement nombreuses et réparties sur tout le territoire.

La seconde, c’est que le froid (et le chaud, mais de manière moins spectaculaire) empêche les batteries lithium-ion de fonctionner de manière optimale. Ainsi, leur densité énergétique est plus faible lorsque la température s’approche de 0 degrés celsius. Ce qui oblige donc la voiture à réchauffer la batterie, ou à la refroidir en été, une opération qui utilise de l’énergie supplémentaire.

Un moteur de Porsche Taycan // Source : Porsche

Notez enfin que dans certains cas, baisser la vitesse de croisière vous fera gagner du temps, soit en évitant une recharge, soit en chargeant moins longtemps. C’est un calcul à faire selon vos préférences, mais faire 300 kilomètres à 110 km/h sans charger pourra être plus opportun que faire ces 300 km à 130 km/h en chargeant 15 minutes.

Même durée pour ce Nantes – Paris : à gauche à 110 km/h, à droite à 130 km/h

Réduire sa vitesse sera particulièrement adapté si votre véhicule ne charge pas très rapidement. Avec une Renault Zoé par exemple, rouler à 100 km/h aura du sens, car à 130 km/h, la batterie fond à vue d’œil, et la recharger à 50 kW au maximum ne permettra de rajouter de quoi faire 200 km d’autoroute qu’en 45 minutes à une heure.

Le choix des réseaux de recharge rapide

Sur une Tesla par exemple, impossible de prendre en compte des chargeurs IONITY sur un grand trajet. Alors qu’il est bien souvent plus rapide et moins cher d’utiliser ces derniers par rapport aux Superchargeurs Tesla, le système embarqué ne prend en compte les charges que sur son réseau propriétaire.

Pour aller charger à une station IONITY sur grand trajet, la seule solution revient à la mettre en destination finale. On oublie donc la planification intégrée des différentes charges avec les durées associées : il faut tout faire avec sa tête.

A Better Route Planner a là une fonction très intéressante, qui consiste à dire quels réseaux de charge on veut utiliser, et même ajouter une préférence (par exemple, on souhaite utiliser les superchargeurs Tesla et les chargeurs IONITY, avec une préférence pour IONITY). Les trajets seront adaptés en conséquence, selon ce qui permet de passer le moins de temps sur la route au total, en conduite et en charge.

Tesla Model 3 en charge grâce au réseau Porsche Destination Charging // Source : Bob Jouy pour Frandroid

En France, le choix de réseaux de charge rapide est limité : outre Tesla et IONITY, il existe actuellement quelques bornes du réseau Total qui peuvent délivrer jusqu’à 175 kW, mais à part cela, il faudra se contenter des bornes de recharge ne dépassant pas 50 kW l’immense majorité du temps, ce qui oblige à prendre des pauses bien plus longues pour les véhicules pouvant bénéficier de puissances de recharge plus élevées, comme les Tesla, Audi ou autres Peugeot e-208.

La théorie et la pratique

Deux trajets n’étant jamais identiques, notamment au niveau de la météo, il faut d’abord considérer les outils de planification comme une aide, et non pas comme une science exacte. À titre personnel, sur les grands trajets qui me sont inhabituels, j’utilise A Better Route Planner uniquement pour savoir où seront placées nos recharges, mais pas pour savoir précisément jusqu’à combien charger, et quelle sera la consommation.

Par contre, ce que je regarde parfois, ce sont les prévisions de vent, à l’aide de Windy. En un coup d’œil, je verrai le sens du vent, et accessoirement sa vitesse. Cela permet d’anticiper un minimum pour savoir si l’on va consommer plus ou moins que d’habitude.

Windy permet de vérifier le sens du vent, paramètre important en grand voyage en véhicule électrique

Si, par contre, vous cherchez à utiliser des outils de planification pour de la prise de décision avant achat (par exemple pour comparer les influences des différentes tailles de batterie d’un même véhicule), il peut être intéressant de jouer avec certains paramètres pour éviter les mauvaises surprises.

Sur un exemple récent de retour de vacances, nous avions fait une simulation via A Better Route Planner pour savoir jusqu’à combien nous devions charger la nuit avant le départ. Avec les valeurs par défaut, cela nous donnait une consommation de 70 % de la batterie de notre Tesla Model 3 Grande Autonomie pour arriver jusqu’au point de charge que l’on souhaitait.

La théorie, sans se soucier du vent

Un petit tour sur Windy m’a fait voir que du vent de face serait de la partie le lendemain matin. Nous avons donc laissé la limite de charge à 90 % pour être tranquille. Résultat, au lieu d’arriver avec 20 % comme le prédisait A Better Route Planner la veille, nous sommes arrivés avec 5 % de batterie (ce qui est idéal pour une charge rapide). Sur un trajet de 250 kilomètres, cela fait une grosse différence.

La réalité : avec le vent, une arrivée à 5 % au lieu des 20 % annoncés

Tout était noté comme il le fallait sur A Better Route Planner, sauf le vent. Et c’est lui le responsable de cette différence. Il est donc important d’en tenir compte pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Si nous étions partis avec moins de batterie, il aurait fallu ajuster la vitesse de croisière : à 110 km/h sur autoroute, on va consommer autour de 20 % de moins qu’à 130 km/h, permettant ainsi de contrer l’effet néfaste du vent en cas de besoin.

Les bornes de recharge « exotiques »

Outre IONITY et les Superchargeurs Tesla, on peut être amené lors de road trips sur plusieurs jours, à utiliser des réseaux de recharge moins connus, ou avec de faibles puissances de charge. N’ayez crainte, cela ne veut pas dire pour autant que vous allez passer des heures à attendre dans votre voiture pour pouvoir faire 200 kilomètres de plus.

Il s’agit là plutôt d’optimiser les grands arrêts, que ce soit pour visiter un lieu ou pour passer la nuit quelque part. En effet, si vous passez la journée au parc Disneyland Paris par exemple, et que vous êtes à quelques centaines de kilomètres de là, une Tesla vous invitera à recharger au Superchargeur non-loin de là sans aucun doute, alors qu’il y a de quoi charger entièrement une voiture sur le parking du parc, pendant que vous le visiterez.

Recharge gratuite sur le parking de Disneyland Paris // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Pour connaître ces points de charge, Chargemap est un allié de taille. Utiliser des recharges lentes pendant de longues pauses a un triple avantage : c’est bien souvent moins cher que de la charge rapide, cela préserve les batteries, et vous ne perdrez pas une minute de votre temps pour recharger, puisqu’il sera dédié à autre chose.

Le point négatif de ces bornes de recharges moins connues est qu’elles souffrent d’une mauvaise publicité — parfois à raison — où l’on considère d’avance qu’elles seront soit inutilisables (en panne, occupées), soit que le processus de lancement de charge sera quasi impossible à mettre en œuvre (application spécifique à installer, badge de recharge nécessaire, etc.).

Les commentaires peuvent éviter une mauvaise surprise // Source : Chargemap

Là aussi, chaque point de charge enregistré sur Chargemap a une section « commentaires », où les utilisateurs peuvent faire leur retour d’expérience en toute sincérité. Et s’il est vrai que certains points de charge sont à éviter, l’immense majorité des bornes réparties sur le territoire sont désormais utilisables sans encombre.

Dans un petit village de Bretagne, Renault Zoé en charge // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Que ce soit des bornes dans des centres commerciaux où l’on passe quelques heures, ou bien des places de parking dans des petits villages, les opérateurs français on fait le nécessaire pour que tout un chacun avec un smartphone et une connexion internet puisse se brancher.

Cela peut en rebuter certains, mais il faut tout de même garder en tête l’avantage que constitue cette possibilité lors de longs voyages où on reste quelques heures garé pour découvrir les environs.

L’électrique impose-t-elle de nouvelles manières de voyager ?

Selon les habitudes que vous avez, il est fort possible qu’envisager une voiture électrique pour les grands trajets vous inquiète. Si les recommandations de la sécurité routière sont appliquées à la lettre toutefois (une pause de 20 minutes toutes les deux heures), les trajets autoroutiers en véhicule électrique peuvent ressembler à un voyage classique.

Ce n’est pas tant l’allongement du trajet qui peut faire peur, mais plutôt l’inégalité qui persiste encore entre les stations-service où il y a de l’essence, et celles où on peut recharger — de préférence rapidement — son véhicule électrique.

Le superchargeur de Mâcon : 20 bornes disponibles // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Si l’arrêt de l’exploitation du réseau Corri-Door a pu marquer les esprits, le futur de la mobilité électrique s’annonce tout de même bien plus agréable. Actuellement, Tesla propose en France 87 Superchargeurs avec entre 4 et 24 bornes de recharge réservées à la marque, mais ce n’est plus le seul acteur de la mobilité électrique. Le réseau IONITY continue son déploiement dans l’Hexagone, avec aujourd’hui plus de 50 stations de charge ultra-rapide réparties sur le réseau autoroutier national, comptant entre 4 et 8 bornes à chaque endroit.

Les stations IONTY en France // Source : IONITY

Les investissements vont continuer et la densité du réseau va augmenter, rendant ainsi possible le voyage en véhicule électrique plus sereinement au fil du temps. Si les premières expériences de charge rapide sur IONITY étaient parfois décevantes (charge qui ne démarre pas ou puissance de charge trop faible), c’est un souci qui n’existe plus.

Ce que l’on est en droit d’espérer pour le futur toutefois, c’est l’implémentation plus globale du « plug & charge » (branche et charge), qui est possible avec le standard utilisé en Europe pour la charge rapide (Combo CCS). Actuellement en France, seul Tesla propose cette expérience, qui est excellente pour le client. Pas besoin d’application, de badge NFC ou autre.

Le réseau IONITY se densifie // Source : Bob Jouy pour Frandroid

Lorsque la mobilité électrique sera aussi simple que de s’arrêter sur l’aire la plus proche et se brancher 20 minutes pour repartir deux heures, nous ne serons pas loin de pouvoir considérer les contraintes liées aux grands trajets en électrique comme de l’histoire ancienne. Mais aujourd’hui, trop peu de véhicules électriques peuvent se vanter de pouvoir aller à l’autre bout du pays sans réfléchir.


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