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Comment le cloud gaming chamboule le journalisme jeux vidéo pour mieux séduire les joueurs

Travailler de chez soi, de manière forcée durant le confinement -- et plus volontairement depuis pour beaucoup --, n’a pas toujours que des avantages. Au-delà des difficultés et de l’usure mentale qui peuvent parfois survenir, comme l’a démontré Microsoft dans une étude sur les réunions vidéo en télétravail, cela pose des questions tout simplement pratiques au quotidien.

Pour des personnes comme nous, journalistes Tech, il fut plus compliqué d’échanger au sujet de produits qu’on ne pouvait prendre en main immédiatement, de discuter de ceux-ci avec leurs concepteurs ou autres responsables. Certes, les présentations en ligne et les réunions en visioconférences, ainsi que les envois des produits en parallèle, ont pallié ces manques de contacts humains et d’informations. Néanmoins, dans un métier basé sur la communication, s’informer et débattre autour d’un produit de visu n’a pas la même saveur à travers un écran.

Mais, dans d’autres domaines, cela s’avéra encore plus compliqué. Notamment pour tester des jeux vidéo en amont de leur sortie, sur des versions souvent non définitives et frappées du sceau du secret. Pour la petite histoire, la possibilité nous est souvent offerte d’avoir un premier aperçu d’un titre en venant dans des locaux tâter de la manette sur console ou PC, sur des versions tests déterminées par les éditeurs et sur du matériel fourni. Sauf que rien de tout cela ne fut possible en temps de confinement et les présentations groupées ne sont pas encore à l’ordre du jour. Alors, le secteur a dû se réinventer.

Réfléchir à une alternative sécurisée et performante

Parmi les chantres du futurisme technologique, Shadow* mise depuis toujours sur le cloud computing pour bousculer les habitudes et les usages. Les derniers mois ont montré à quel point sa promesse pouvait séduire, avec des chiffres d’abonnement qui ont bondi à travers le monde durant le confinement à mesure que les personnes devaient s’équiper à domicile. Et la possibilité offerte de profiter de manière dématérialisée d’un ordinateur dernier cri sur ses appareils compatibles, quels qu’ils soient, répondait grandement aux besoins. Mais la technologie Shadow a trouvé un autre débouché : le cloud gaming dans lequel la firme se cherche une légitimité depuis longtemps, en promettant « de jouer à n’importe quel jeu sur n’importe quel support, ancien ou récent. »

« On a réfléchi à la façon dont l’industrie aller pouvoir montrer ses jeux avec le confinement et l’annulation des principaux salons ou événements physiques », explique Florian Giraud, responsable de la stratégie chez Shadow. « On a envisagé une alternative pour faciliter les présentations et les tests des futurs jeux en assurant les performances et la sécurité pour que ceux-ci restent exclusifs et confidentiels ». Et c’est avec l’éditeur Bandai Namco que le projet a pris forme.

« Cela faisait déjà plus d’un an que nous étudiions de près la technologie Shadow, bien avant le Covid-19 », reconnaît Wouter Van Vugt, Directeur de la communication et des événements chez Bandai Namco Europe. « Nous attendions le bon contenu pour le déployer. Le fait que la version de The Dark Pictures Anthology : Little Hope (sortie le 30 septembre, ndrl) tourne en 4K sur PC était la meilleure occasion pour nous de tester. »

https://www.youtube.com/watch?v=SXUORtlXL5U

Dix journalistes et créateurs de contenus à travers le monde (France, Allemagne, Espagne, États-Unis, Italie, Japon, Mexique, Pologne, Royaume-Uni, Russie) ont donc pu tester le jeu et la technologie de “streaming interactif” de Shadow qui permet une faible latence et une haute qualité d’image. « Notre principale inquiétude, c’était la qualité de la connexion internet du journaliste. Nous ne savions pas d’où il testerait le jeu et nous devions être certains que la connexion serait aussi rapide que possible pour proposer une expérience de qualité, pour Shadow comme pour Little Hope », se rappelle Wouter Van Vugt.

Jouer sur une meilleure machine que sa propre machine, quand on veut

Car, à distance, sans personne à côté pour régler les problèmes ou donner des explications, les considérations technologiques sont au cœur des réflexions. Tout a ainsi été simplifié au maximum. Depuis son bureau, Romain Mahut, journaliste chez Gameblog, a servi de cobaye français à l’expérience. « Je devais simplement télécharger le client Shadow et me connecter à un compte fourni par Bandai Namco, faire authentifier mon Mac via un code envoyé. Une fois connecté à Shadow, le jeu s’est lancé automatiquement », raconte-t-il, soulignant la facilité du processus. Car pour cette version, ce n’était pas sur l’habituel environnement PC Shadow que se trouvait l’utilisateur connecté, mais directement sur le jeu.

« On a adapté la configuration et l’offre au type de connexion du journaliste et des besoins », confirme Florian Giraud d'un point de vue technique. « Quand notre offre Ultra était disponible (le très haut de gamme avec une carte graphique RTX 2080 ou équivalent, 16 Go de RAM, un processeur 4 GHz-4 cœurs, ndlr), on l’a mise. Mais on a aussi dû tester Shadow dans des pays où nous n’étions pas implantés comme le Japon ou la Russie. Il fallait placer les journalistes dans des datacenters proches, aux États-Unis pour le premier, ailleurs en Europe pour le second. Et cela a fonctionné », se félicite-t-il, expliquant que cela serait néanmoins plus compliqué pour des jeux de tir ou de courses avec le besoin d'une excellente latence.

Et Romain Mahut en tire, lui aussi, un bilan plutôt positif, reconnaissant de n'avoir connu aucun souci technique : « Les avantages sont relativement évidents : tu peux jouer à un jeu avec la configuration au max même si tu n'as pas de machine adaptée et il y a l'immédiateté du lancement. Tu peux reprendre quand tu veux. Il faut juste avoir une très bonne connexion pour jouer dans les meilleures conditions. » Les avantages sont nombreux aussi pour Bandai Namco : « la possibilité de tout préparer en amont et de sécuriser le tout, de n’avoir que des identifiants à fournir à un journaliste, de savoir aussi sur quel matériel le jeu serait testé et que ce serait sur la meilleure configuration possible proposée par Shadow", explique Wouter Van Vugt.

Des tests sur Cyberpunk 2077 et chez Ubisoft, une semaine de démos chez Xbox

Contraints par les événements, d’autres éditeurs s’y sont essayés pour promouvoir leur jeu en amont de leur sortie. CD Projekt Red a fait appel au système mis au point par Parsec pour faire tester Cyberpunk 2077 à la presse, avec plus ou moins de réussite selon certains testeurs (quelques soucis de compression rencontrés). Cette startup propose un SDK à intégrer à ses outils pour travailler à distance grâce au streaming vidéo et au shareplay. Il suffit alors de télécharger le logiciel ou l'application habituelle.

Ubisoft a également eu recours à cette même technologie de streaming et l'a intégrée à sa plateforme de contenus en ligne Uplay pour offrir un avant-goût de Watch Dogs Legion et Assassin’s Creed : Valhalla. Aucun téléchargement nécessaire autre que Uplay pour les journalistes, mais une inquiétude côté éditeur : « Si la qualité de l’image était trop mauvaise, et même si le journaliste est au courant que le jeu ne tournait pas directement sur sa machine, son avis sur le jeu pourrait changer. Même chose en cas de latence dans les actions », s’inquiétait Loïc Petit, data Engineer chez Ubisoft Bordeaux au sein de la Team Harbour Streaming en charge du projet, dans un post sur le blog Ubisoft Stories.

L’éditeur français a dû installer des machines d’hébergement sur plusieurs sites Ubisoft à travers le monde, avec un démonstrateur ou une démonstratrice attitrée pour accompagner la session live du journaliste (de 30 minutes à plusieurs heures), s’assurer techniquement que chaque testeur avait la connexion adéquate, n’était pas trop loin (2 000 km maximum du serveur), et disposait du matériel compatible, car Uplay ne fonctionne que sur PC. Et le résultat a été plutôt encourageant.

Le grand public dans le viseur

Faut-il voir en cela l’avenir du test de jeu vidéo ? Chez Shadow, l’expérience a été forcément une excellente vitrine pour la technologie maison et des discussions avec d’autres éditeurs sont en cours. « On fait tourner des jeux qui ne sont pas encore sortis, même sur un très vieux PC. Ce n’est que du positif et certainement l’avenir des présentations presse, sans déplacement à l’autre bout de la planète », entrevoit-on. Même son de cloche du côté d’Ubisoft : « Cette solution, même s’il s’agit de son premier déploiement, va vraiment marquer l’avenir des événements quand elle sera plus mature. À terme, cela deviendra une solution incontournable », explique Pascal Nguyen, directeur associé des événements internationaux.

Des journalistes qui essuient les premiers plâtres d'ambitions aussi plus grandes pour beaucoup : toucher le grand public. « Peut-être qu'à l'avenir, cela pourrait devenir une toute nouvelle façon d'offrir du contenu à nos consommateurs », admet Wouter Van Vugt. Romain Mahut se montre plus réservé sur le sujet : « Je pense que cela en donne effectivement une bonne idée. Mais le grand public est pour le moment loin d'être équipé, en termes de connexion, pour pouvoir jouer de cette manière tout le temps. »

En s’appuyant sur son service Uplay, déjà utilisé par des millions de joueurs, il y a fort à parier qu’Ubisoft pourrait généraliser son nouvel outil pour faire tester ses démos à un public encore plus large que sur un stand de salon. « On peut proposer beaucoup plus de sessions que lors des événements physiques habituels, et d’offrir ces prises en main à des personnes qui n’ont pas l’opportunité de participer à l’E3 par exemple », reconnaît Pascal Nguyen. Des perspectives envisagées aussi côté Shadow : « Il n’est pas impossible que, demain, on puisse faire une telle démo auprès du grand public. Celui-ci n’aura plus besoin de se déplacer ou faire la queue pendant des heures pour tester. Et il le fera sur son propre support », prédit Florian Giraud.

Microsoft possède déjà avec sa propre technologie avec xCloud, son futur service de cloud gaming, une chance en or de prendre la main. En permettant l’accès à ses serveurs à distance ou tout simplement via son Game Pass, la firme américaine peut déjà sécuriser des tests de jeu ou de fonctions. Elle a d’ailleurs prévu une Summer Game Fest Demo Event cette semaine, permettant aux joueurs de découvrir des jeux qui sont en cours de développement, comme peut le faire habituellement la presse. Une version plus confidentielle et sécurisée pour des prétests auprès de la presse ne paraît pas impossible. Tout comme chez Google Stadia qui aurait également la possibilité de permettre des tests multisupports depuis ses propres serveurs. Mais cela ne semble pas forcément dans les réflexions.

Plus de facilité, mais moins de relations humaines

Découvrir des jeux ne se fera-t-il plus que depuis son canapé et à distance ? Non, disent tous les acteurs en cœur. « Le principal inconvénient de tout faire en cloud gaming, ce sont les relations humaines absentes. Nous n’avons pas pu parler aux médias face à face ni après leur test », regrette Wouter Van Vugt qui note aussi « un manque de regard » sur l’expérience. « Au final, nous ne savons pas à quoi ressemblait leur expérience. Quand nous organisons un événement physique, nous connaissons les machines sur lesquelles ils vont jouer, les périphériques utilisés, l’environnement de jeu. Un jeu comme Little Hope s’apprécie par exemple bien mieux dans le noir. » Et Pascal Nguyen d’appuyer : « Nous continuerons à participer à des événements ‘physiques’ tels que l’E3, parce qu’ils permettent d’avoir une relation directe et essentielle avec les médias et les joueurs. »

L’avenir du jeu vidéo passe bel et bien par le cloud gaming, sous quelque forme que ce soit, pour jouer ou pour plus de praticité dans les tests, les démos et toutes ces choses compliquées à faire dans les situations actuelles. Il faut réinventer les choses, explique-t-on de part et d’autre. Par souci économique déjà. De nouvelles façons de penser l’implication des journalistes et des joueurs dans le processus de développement des jeux, se mettent à rêver les uns. De nouveaux horizons et facilités pour les autres, notamment pour attirer encore plus le grand public à soi et le fidéliser bien en amont de la sortie aussi en lui offrant de nouveaux usages.

*Ulrich Rozier, cofondateur d’Humanoid, la société éditrice de Frandroid, est investisseur minoritaire de Shadow. L’avis de la rédaction reste neutre et n’est pas influencé pour autant.