Une erreur dans le texte ?

C'est le bon endroit pour nous l'indiquer !
Attention, ce formulaire ne doit servir qu'à signaler une erreur. N'hésitez pas à utiliser la page de contact pour nous contacter ou nous faire part de vos suggestions. Merci.

Etape 1

Cliquez sur les paragraphes contenant des erreurs !

En voulant influencer le vote des trottinettes électriques, Lime, Dott et Tier se tirent une balle dans le pied

Mise à jour du 29 mars à 14h58 : ajout de la réponse de Dott, Tier et Lime en fin d'article.


Alors qu'une votation locale va se tenir à Paris ce 2 avril pour voter l'interdiction ou le maintien des trottinettes électriques en libre-service dans la ville, les opérateurs Dott, Lime et Tier s'associent pour faire pencher la balance de leur côté. Parmi eux, Lime, dont les pratiques de communication deviennent de plus en plus discutables. Dernière campagne en date : l'appel à des influenceurs sur TikTok pour encourager les internautes parisiens à voter contre ce dimanche, à l'initiative du trio susmentionné.

Dans les faits, c'est légal : mais dans la réalité des choses, tout n'a pas été très transparent.

Vote des trottinettes électriques : les Parisiens invités à voter

Ce 2 avril, Parisiens et Parisiennes sont appelés à se rendre dans les bureaux de vote afin de répondre à la question : « Pour ou contre les trottinettes en libre-service ? » Il s'agit d'un scrutin physique ouvert aux personnes inscrites sur les listes électorales (comprenant les ressortissants de l'Union européenne inscrits sur la liste complémentaire municipale). Selon l'adjoint à la mairie de Paris chargé des mobilités, David Belliard, la municipalité respectera le choix qui en résultera.

De son côté, le Gouvernement va présenter un plan d'action national au sujet de l'usage des trottinettes électriques, à la fois personnelles et en libre-service. Plusieurs points sont sur la table, comme l'âge minimal potentiellement rehaussé, le port obligatoire du casque, ou encore le montant de l'amende lorsqu'une trottinette est utilisée par deux personnes en simultanée.

L'appel à des influenceurs sur TikTok

Le journaliste Vincent Manilève, expert de l'influence sur les réseaux sociaux, a publié ce matin une série de tweets mettant en avant la campagne #SauveTaTrott lancée sur TikTok. Plusieurs influenceurs font partie de la liste : Valise & Caramel, Ethan Berreli, Lou Pernaut, Princesse Lilyy, Roman Freud, MarketDamp et Rayan & Alix.

Deux hashtags sont mis en avant : #SauveTaTrott et #Vote2Avril. Pour le journaliste, c'est une « preuve supplémentaire qu'il s'agit bien d'une communication coordonnée » et ce d'autant plus que les dates de publication sont rapprochées. Une information corroborée par le journaliste Alexandre Léchenet sur Twitter.

https://twitter.com/vincentmnv/status/1640982482492309506

Comme il le précise, « les comptes de TikTokers qui prennent position comptent des centaines de milliers d'abonnés, voire plus d'un million pour plusieurs d'entre eux. » Captures d'écran à l'appui, il démontre que plusieurs vidéos mentionnent le fait qu'il s'agisse d'un partenariat rémunéré, mais pas toutes : certaines mentions ont été ajoutées « plusieurs heures après » la publication.

Parmi les arguments avancés par les influenceurs, il y a le fait que les trottinettes électriques sont écologiques, mais qu'elles permettent aussi de réduire les bouchons et l'affluence dans les transports en commun. Ce d'autant plus qu'elles seraient massivement utilisées (le chiffre de 400 000 utilisateurs par mois est avancé).

De son côté, Ethan Berebi déclare : « Y'a la mairie de Paris qui veut interdire les trottinettes dans Paris ». Ce qui ressort de sa vidéo, c'est le fait qu'il faudrait davantage éduquer les utilisateurs des services, plutôt que d'interdire ces derniers. Pour Lou Pernaut, la mairie a mis en place de nombreuses pistes cyclables, qui seraient alors moins utilisées si les trottinettes en libre-service n'existent plus. Dans la vidéo de Princesse Lilyy, on la voit prendre une trottinette Dott pour arriver à l'heure à un date.

https://twitter.com/vincentmnv/status/1641001905982693376

Dernier élément publié par Vincent Manilève : une capture d'écran d'un mail reçu par un créateur de contenu « de la part d'une agence en novembre dernier. » La proposition faite à cet influenceur était de signer une pétition et de se prononcer pour les trottinettes en libre-service publiquement en échange de trajets gratuits sur l'application Dott.

Une temporalité malvenue, en pleine polémique autour des influenceurs

Le problème, pour Vincent Manilève, c'est « le manque de transparence » sur l'entreprise ayant financé cette campagne d'influence. Si Lime et Dott sont aperçus dans les vidéos ou directement mentionnés, ces opérateurs ne sont pas mentionnés en tant que marques pour lesquelles les vidéos ont été réalisées. Tier fait aussi partie de cette campagne, comme nous l'ont confirmé les trois acteurs (voir la réponse commune en fin d'article).

Des manquements malvenus alors qu'une tribune diffusée dans le Journal Du Dimanche (JDD) a été publiée dimanche dernier, à propos d'une proposition de loi sur l'encadrement des influenceurs, qui est en ce moment même étudiée à l'Assemblée nationale. Une tribune signée au départ par 150 influenceurs réunis par l'Umicc, association rassemblant plusieurs agences de communication et d'influence.

Depuis, une cinquantaine d'influenceurs signataires ont retiré leur nom de la tribune, déclarant ne pas l'avoir signée ou avoir fait une erreur, comme l'indiquait Le Monde. Parmi les propositions du texte, il y a la volonté d'instaurer davantage de transparence dans les opérations de sponsoring.

Lime : une stratégie clivante pour faire plier l'opinion publique

De son côté, Lime a aussi fait cavalier seul à plusieurs reprises. Première opération séduction à la mi-janvier, avec une distribution de casques pour vélos et trottinettes électriques. Cela n'avait pas suffi à empêcher le déclenchement du vote qui aura lieu ce dimanche.

Mais là où la stratégie de Lime est réellement clivante, c'est quand elle va plus loin. Le mois dernier, l'opérateur avait invité ses utilisateurs à s'inscrire sur les listes électorales. Contre une preuve d'inscription, chacun pouvait bénéficier de 10 minutes d'utilisation gratuites.

Dernière opération en date, « Minuit Porte de la Chapelle, à pied ou à trott ? » : un communiqué envoyé aux utilisateurs là encore, mettant en avant la sécurité offerte par l'usage d'une trottinette électrique, et par extension l'insécurité qui règnerait dans ce quartier. On pouvait y lire : « Quoi de plus sécurisant que de filer en trottinette le soir, quand les rues sont vides et que ton imaginaire tente une reconstruction du dernier thriller regardé à 2h du mat’ ? ».

Une campagne décriée par le conseiller Laurent Sorel (France Insoumise), pour qui « les opérateurs ne reculent devant rien pour pourrir le débat sur les trottinettes ». Une maladresse reconnue par Lime lui-même, présentant ses excuses via BFM : « Notre intention n'était pas de stigmatiser un quartier mais d'attirer l'attention sur une réalité ».

Selon l'acteur, « nos trottinettes électriques en libre-service peuvent constituer une solution de transport synonyme de sécurité en cas de trajet nocturne, peu importe le quartier ». Enfin, Lime a dévoilé son dispositif pour empêcher ses utilisateurs de rouler à deux sur une trottinette électrique il y a quelques jours.

Dommage que cette technologie n'ait pas été développée et déployée plus tôt, comme si la pression de la mairie avait poussé l'opérateur à sortir de sa zone de confort afin de mieux sécuriser son service. Disons que l'enchaînement de tous ces événements tendent davantage à écorner l'image de marque de Lime que de la redorer auprès des autorités, voire du grand public.

Lime s'est enfin allié avec ses concurrents Dott et Tier pour dénoncer les conditions d'organisation du vote, jugées défavorables envers le trio. Les acteurs ont mis en place un site Internet, Trottinons mieux, invitant internautes à aller voter pour les trottinettes en libre-service à Paris. Un site qui met en avant des chiffres louant les qualités du service proposé et de la sécurité routière. Des contenus agrémentés d'informations et de témoignages d'utilisateurs.

La réponse commune de Tier, Dott et Lime

Contactés par nos soins, les trois opérateurs nous ont envoyé une réponse commune. La voici dans son intégralité :

« L'objectif de la votation est bien de consulter tous les Parisiens. Nous constatons que beaucoup de 18-35 ans ne sont pas informés de ce vote, ni de ses conséquences potentielles. La communication de la Ville de Paris - comme les modalités de la votation - ne sont d’ailleurs pas bien adaptées aux 18-35 ans, puisque la campagne d’information municipale n’a lieu qu’en physique, sur certains espaces d’affichages. Il est pourtant crucial de leur parler aussi - notamment via des médias qui les touchent directement - pour qu'ils participent à cet exercice démocratique. 

Ce type de communication est encadré et est d’ailleurs très standard en 2023. 

Les partenariats rémunérés sont signalés. Nous faisons campagne “Pour les trottinettes électriques en libre-service à Paris”. Ces publications Tiktok s’inscrivent dans une campagne plus large avec de l’information dans la rue, sur les réseaux sociaux, des événements, des communications dans nos applications et un site trottinonsmieux.com qui explique toutes les modalités du vote. Cette campagne de communication est financée par les opérateurs. »