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Photo sur smartphone : est-ce que Leica, Zeiss et Hasselblad améliorent vraiment vos images ?

Nokia et Zeiss, Huawei et Leica, Sony et Zeiss, OnePlus et Hasselblad, Vivo et Zeiss, Oppo et Hasselblad, Xiaomi et Leica… depuis une quinzaine d'années, les constructeurs de smartphones ont pris pour habitude, pour asseoir leur légitimité, de s'associer à des constructeurs spécialisés dans le monde de la photo, et pas n'importe lesquels.

Zeiss, Hasselblad et Leica ont pour point commun d'être des acteurs majeurs dans le domaine de la photo, du cinéma ou de l'optique. Le premier a été fondé en Allemagne en 1846, le second en 1841 en Suède et le troisième en Allemagne en 1849. Ces trois entreprises ont chacune plus d'un siècle et demi d'histoire, une période de plus de 150 ans durant laquelle elles ont pu faire montre non seulement de leur savoir-faire, mais également créer de véritables produits de légendes. On pense bien évidemment aux Hasselblad 500 EL, envoyés sur la Lune, à l'objectif photo Zeiss Planar 50 mm (f/0,7) utilisé pour photographier la face cachée de la Lune -- puis au tournage de Barry Lyndon -- ou au Leica M2, ayant capturé l'emblématique visage de Che Guevara en 1960.

Mais quel rapport entre ces trois fabricants historiques et les smartphones de Nokia, Huawei, Sony, Oppo, OnePlus, Vivo ou Xiaomi ? Et bien, sur le papier, pas grand-chose…

Les objectifs de smartphones ne sont pas fabriqués par Zeiss ou Leica

Quand on se penche sur les appareils photo qui équipent les smartphones les plus récents, on retrouve une formule assez classique dans la photographie numérique depuis près de 30 ans : un objectif photo, un capteur photo CMOS et un processeur d'image -- ici généralement intégré au SoC. La chose est désormais connue, ce sont trois constructeurs principaux qui fournissent l'ensemble des capteurs photo pour smartphone : Sony, Samsung et Omnivision. À eux trois, ces fournisseurs équipent ainsi 77 % des smartphones proposés sur le marché. Nulle trace donc de Leica, de Hasselblad ou de Zeiss.

Pour les processeurs d'images, on l'a vu, ce sont les SoC -- les processeurs mobiles, pour faire simple -- qui gèrent eux-mêmes le traitement des images capturées en photo ou en vidéo. Ceux-ci sont généralement conçus par des entreprises spécialisées dans les semi-conducteurs, qu'il s'agisse de Qualcomm, de MediaTek, d'Apple, de Samsung ou de Huawei. Si certaines marques indiquent intégrer leurs propres co-processeurs d'images (MariSilicon chez Oppo, Visual Core chez Google), on ne retrouve, là encore, nulle trace des trois entreprises historiques du monde de la photo.

Reste le sujet des objectifs. Il faut dire que, de prime abord, ce pourrait être sur ce point que Zeiss et Leica, tous deux fabricants d'optiques, pourraient apporter leur pierre à l'édifice. Mais là encore, il s'agit d'un vœu pieux. Du fait de la petite taille des capteurs photo présents sur smartphone, dont les plus grands atteignent encore difficilement le format un pouce, les objectifs doivent eux aussi être miniaturisés. Et sans même parler de leur petite taille, la formule optique sur certains appareils, notamment en grand-angle, est suffisamment compliquée pour que les objectifs ne puissent être conçus en verre. De fait, la plupart des lentilles des objectifs de smartphones sont en fait moulées en plastique transparent. Surtout, ces objectifs sont conçus par des fournisseurs asiatiques -- on parle de Ability Opto Electronics, AAC technologies, Cowell Optics, Largan Precision ou Sunny Optical Technology -- et vendus en kit assemblé aux constructeurs de smartphones. Ceux-ci n'ont alors plus la possibilité d'intervenir, puisque les objectifs sont préassemblés.

Un rôle important de consultant

Paradoxalement, c'est là qu'interviennent les Zeiss, Leica ou Hasselblad de ce monde. Dans le cadre des partenariats, les marques photos vont souvent avoir un rôle de consultant auprès des marques de smartphones pour sélectionner la meilleure optique parmi celles proposées par leurs fournisseurs. C'est ce qu'a pu expliquer David Abreu, senior image scientist chez Zeiss, en charge de la collaboration avec Vivo :

Cela ne signifie pas pour autant que Zeiss fabrique les objectifs qui équipent le Vivo X80 Pro ou le X90 Pro+. La firme allemande participe cependant à l'élaboration de la fiche technique du module photo à la sélection des meilleures optiques pour répondre à cette fiche technique, ce qui passe par de nombreux tests et vérifications en laboratoire photo. « On n'est pas sur la production des optiques. On s'occupe de la définition du cahier des charges du design optique, et sur les tests de qualité », indique David Abreu. Même le fameux revêtement T* de Zeiss, intégré aux optiques des smartphones Vivo pour mieux gérer les reflets, n'est pas appliqué par la firme allemande sur ces objectifs de smartphone. « Pour les systèmes photo conçus par Zeiss et Vivo, grâce à du prototypage virtuel, nous avons développé le revêtement exact pour chaque objectif de smartphone, et Vivo utilise les dernières techniques de revêtement comme le dépôt de couches minces atomiques », indique ainsi la marque allemande.

Il en va de même chez Xiaomi où, lors de l'annonce du partenariat avec Leica, le patron de la marque chinoise, Lei Jun, annonçait que la collaboration entre les deux marques allait « de la conception optique au choix des orientations esthétiques, des technologies innovantes ». Il n'est donc pas question ici de la fabrication des objectifs par Leica, mais d'une conception commune pour arriver aux meilleures formules optiques en fonction des besoins.

Un rôle prépondérant dans le logiciel

Les amateurs de photo ou les lecteurs assidus de Frandroid le savent bien : ce qui fait la qualité photo d'un smartphone, ce n'est pas tant sa qualité optique que le rôle des algorithmes. Les smartphones les plus récents sont souvent bien plus puissants que des appareils photo haut de gamme. Surtout, ils profitent de la puissance de leur processeur et de l'ISP -- image signal processing, le processeur de rendu d'image -- pour proposer des algorithmes toujours plus poussés.

Concrètement, cela se traduit par du pixel binning, des modes portraits de plus en plus en plus réalistes, un mode HDR intégré nativement ou des modes nuit à la fois lumineux et détaillés.

Mais c'est là aussi qu'interviennent Leica, Zeiss ou Hasselblad. Il faut dire que les images capturées par un appareil photo ne sont, par définition, qu'une interprétation de la réalité. Souvent, les constructeurs de smartphones ont tendance à proposer des clichés à la colorimétrie flatteuse, avec des couleurs saturées, des microcontrastes renforcés pour plus de détails, et une balance des blancs qui tend vers les couleurs chaudes. Les trois marques photo ont toutes en commun de proposer, sur les smartphones de Xiaomi, Vivo, Oppo ou OnePlus, des modes photo plus réalistes, aux couleurs plus neutres.

Sur le Xiaomi 12S Ultra, on va ainsi retrouver deux modes colorimétriques dédiés : Leica Authentic et Leica Vibrant. Il en va de même sur les smartphones Oppo et OnePlus avec trois filtres « Master » conçus par Hasselblad : éclat, émeraude et sérénité. Enfin, Vivo intègre un mode Zeiss pour les photographes qui souhaiteraient profiter d'une colorimétrie plus neutre. Une philosophie proche de ce que peut proposer par ailleurs Fujifilm avec ses « simulations de film » sur ses appareils hybrides. David Abreu de Zeiss indique que, selon lui, le choix entre deux modes de colorimétrie n'a rien de paradoxal :

C'est la même logique que l'on va retrouver, outre ces filtres, dans des fonctions plus avancées des smartphones de Xiaomi, Oppo, OnePlus ou Vivo, que l'on parle du format RAW+ chez OnePlus, du mode XPan chez Oppo, du mode monochrome 35 mm chez Xiaomi ou des simulations d'objectifs Zeiss chez Vivo. À chaque fois, la marque photo va se servir dans les données de l'appareil photo et profiter de son expérience pour ajouter une ou plusieurs fonctions rapprochant le smartphone de ses propres appareils photo ou objectifs. Pour ce faire, Hasselblad, Leica ou Zeiss vont même jusqu'à accéder à certaines fonctions de l'ISP afin de traiter les photos comme ils en ont besoin afin de créer ces rendus originaux, comme l'explique David Abreu : « On a accès aux données dont on a besoin pour les projets pour travailler, comme le RAW ou la cartographie de profondeur, mais uniquement pour les éléments essentiels. Pour les couleurs, on va être obligés d'avoir accès à l'ISP, mais on ne va pas le faire directement. On prend les données dont on a besoin. On peut demander à Vivo d'avoir accès à telle ou telle partie du traitement d'image. »

Samsung et Apple n'en ont pas besoin

Reste un point commun entre les quatre constructeurs partenaires des marques photo. Historiquement, aucun n'a été particulièrement réputé pour la qualité des clichés proposés par ses smartphones. Quand on prend les marques historiquement réputées dans le domaine de la photographie sur téléphone, comme Apple, Google ou Samsung, aucune d'entre elles ne semble avoir besoin de s'associer à Nikon, Fujifilm ou Olympus pour proposer une meilleure qualité photo.

Il faut dire que Xiaomi, Vivo, Oppo et OnePlus sont des constructeurs plutôt jeunes avec une faible expérience dans le domaine de la photo. Même Huawei, aujourd'hui réputé pour la qualité des clichés de ses smartphones, est passé par un partenariat avec Leica pour parvenir aux résultats qu'on lui connaît aujourd'hui et truster les classements DxOMark. De quoi craindre que ces annonces ne soient là que pour permettre aux marques chinoises d'adosser le logo d'une marque photo reconnue au dos de leurs smartphones à moindres frais. Néanmoins, pour David Abreu de Zeiss, ces partenariats restent gagnant-gagnant :

Après tout, Zeiss, Leica et Hasselblad ont un point commun : ce sont des marques dont les produits sont haut de gamme… très haut de gamme. Comptez 6000 euros pour le boîtier Hasselblad le plus accessible, ou 1350 euros pour l'appareil photo Leica le moins onéreux.

De fait, leur positionnement haut de gamme dans le monde des appareils ou des objectifs photo rend leurs produits particulièrement inaccessibles au grand public. En s'associant aux constructeurs de smartphones, qu'il s'agisse d'Oppo, de Vivo, de Xiaomi, ou de Leica, ces marques touchent désormais un public bien plus grand, comme l'indique David Abreu : « Les optiques classiques Zeiss sont orientées vers les photographes professionnels. Maintenant, on a un nombre infiniment plus élevé d'utilisateurs qui veulent vraiment faire de la bonne photo. C'est presque notre responsabilité d'aller dans ce marché pour mettre en œuvre tout ce qu'on a appris en plus de cent ans et de l'intégrer aux smartphones. »

D'une certaine manière, avec ces partenariats, ces marques légendaires pourraient bien permettre aux photographes sur smartphones de cultiver une vision différente, loin des teintes criardes, des ciels bleus ou des verts pétants que l'on retrouve souvent sur smartphones. Et finalement, ce n'est pas plus mal.

NB : Notre journaliste Geoffroy Husson était à Oberkochen dans le cadre d’un voyage de presse organisé par Vivo et Zeiss.