Edito : Les déclinaisons des « flagships » sont-elles leur plus gros aveu de faiblesse ?

 

Mini, Active, Compact, Solid, Ace, Prime… Autant de termes utilisés pour décrire un mobile qui est inspiré d’un porte-étendard d’une marque, mais qui n’en est pas un. Ces déclinaisons se multiplient, mais dans quel but ?

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Un phénomène de mode récent

Voici un phénomène que l’on ne retrouve pratiquement que sur les « flagships », ces machines de compétition lancées sur le marché à des prix indécents par les constructeurs, et qui sont dotés de ce qu’on fait de mieux niveau hardware, ou presque. À tel point que l’on peut partir du principe que si un mobile ne coûte pas plus d’un bras, il y a peu de chances que des déclinaisons en soient faites.

Sans surprise, on retrouve ces exemples chez les plus gros constructeurs du marché de la téléphonie mobile, à savoir Samsung, HTC, Sony, et voire LG. L’année 2014 en est la parfaite illustration avec des rumeurs à tout va, et déjà quelques confirmations. Chez HTC, pour débuter, on retrouve déjà une version Mini, ainsi qu’une variante plastique nommée One E8, du One M8. On évoque aussi la possibilité de voir sortir prochainement des versions Plus et Advance de ce même terminal. Les noms de produits peuvent aussi varier selon les pays, comme la Corée du Sud où le One E8 porte le nom de One M8 Ace.

Chez Samsung, le Galaxy S5 sera sans aucun doute décliné en une version miniature – comprendre qu’il perdra 0,5 pouce lui aussi – et on présume qu’une version en métal verra le jour sous le nom de Galaxy F ou Galaxy S5 Prime. Une variante est déjà dans les starkings-blocs : le Galaxy K Zoom, doté d’un capteur photo énormissime. Et à n’en pas douter, une version Active sera proposée puisque Samsung en a pris l’habitude. La donne est la même pour Sony, qui a déjà officialisé deux variantes du Z2, connues sous les noms de Xperia Z2L et Xperia Z2A. Quant à LG, on devrait au moins voir une version Mini du G3 conquérir le marché d’ici peu.

Mais certaines exceptions confirment la règle. D’autres constructeurs moins cotés jouent le jeu des déclinaisons, et deux exemples nous viennent à l’esprit. Le premier est un smartphone extrêmement grand (5,9 pouces) : le Oppo N1. La firme a officialisé à la fin du mois de mai une version « Mini », réduisant la taille du mobile à 5 pouces. On comprend assez facilement le désir de la firme chinoise de rendre son terminal plus attirant en lui permettant de rentrer dans une poche. Chez la même marque, l’Oppo Find 7 a été décliné en une mouture Find 7a moins chère puisque troquant son écran QHD pour de la Full HD.

Le deuxième exemple est un appareil qui a connu un immense succès : le Moto G. Quand on écoute ses utilisateurs, ils ne lui reprochent que le manque de compatibilité 4G. Un manque rectifié maintenant avec la sortie d’une variante LTE du mobile, pourtant considéré comme milieu de gamme, avec des caractéristiques honnêtes mais pas excellentes, et un prix très abordable.

Et devinez qui est l’instigateur de cette mode ? C’est le constructeur coréen Samsung, roi du marketing, avec la commercialisation du Galaxy S3 mini, première véritable déclinaison miniature d’un smartphone.

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Mobiles et stars ratées, même combat

Décliner un mobile répond à de nombreuses problématiques. Il s’agit d’abord, et presque entièrement, d’une stratégie marketing. Et comment faire encore plus parler d’un terminal, d’un modèle, d’une gamme, qu’en apposant un nouveau mot à côté du nom principal ? Si vous lancez un « Falcon 2 », mobile fictif qui servira d’exemple, et que vous sortez des variantes Mini, Advance, Prime, et Millenium, vous obtiendrez cinq modèles portant quand même la licence Falcon 2. Et quand le consommateur rentre dans son magasin, et qu’il tombe devant le présentoir de mobiles, il aura tendance à se dire que ce mobile est un succès, et à juste titre puisque le constructeur l’a décliné en plusieurs variantes !

Plus vous parlez d’un mobile – ou en l’occurrence de la licence du mobile – plus vous faites son succès. Un véritable effet boule de neige, dont les vendeurs sont particulièrement friands. « Regardez ce Falcon 2, madame. – Oh, non, c’est trop grand pour moi, vous savez. – Et bien dans ce cas je vous propose sa version Mini, avec un écran plus petit et un prix plus avantageux. – Ah ». Et la magie opère.

Ce qui nous amène à la fin d’un autre mythe : celui du constructeur qui, se rendant compte du succès d’un mobile, décide de construire des variantes au compte-gouttes. Plutôt que d’obtenir une audience sur une courte période, la commercialisation en décalé permet de garder l’appellation « Falcon 2 » à flot pendant une bonne partie de l’année. Vous connaissez la phrase : « l’important, c’est qu’on en parle ». Les marques de mobiles et les stars ratées ont donc le même combat.

Les raisons marketing et ambitions financières peuvent aussi très bien aller avec les exigences des consommateurs. On ne fait pas de déclinaisons sans l’assurance d’un peu de succès. Entre ceux qui n’aiment pas le plastique, ceux qui n’aiment pas les écrans trop grands, ou ceux qui veulent une version plus robuste, les constructeurs ratent des clients pour des détails. S’ils proposent ses solutions, ils mettent toutes les chances de leur côté pour les conquérir, et les fidéliser. Difficile de dire non à un vendeur lorsqu’il existe une réponse à de nombreux refus, n’est-ce pas ? Pour quelqu’un qui s’y connait parfaitement, non. Pour un non-technophile, c’est un peu plus le cas.

Parfois, ce sont des contraintes extérieures qui font que des variantes existent. On pensera par exemple à l’influence d’un opérateur comme Verizon, qui essaie parfois de se démarquer avec des versions légèrement différentes et qui lui sont réservées. Même chose pour une entreprise comme Google qui propose des versions Google Edition de certains terminaux.

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Le désert d’idées et la justification du flagship

Mais même après avoir pesé le pour et le contre, on en revient au nerf de la guerre : le profit et les marges que permettent de faire certaines déclinaisons. La preuve la plus flagrante concerne les versions Mini, souvent proposées à un tarif à peine plus bas que le mobile dont elles s’inspirent. On peut évidemment prendre l’exemple le plus récent – et le plus parlant – du HTC One Mini 2, inspiré du One M8 et vendu au prix de 449 euros, soit 180 euros moins cher que son aîné alors que sa fiche technique est bien moins attrayante. Pour cet appareil, le processeur est moitié moins bon, le double capteur UltraPixel disparait, et il manque 1 Go de mémoire RAM, en faisant du coup un smartphone de milieu de gamme au prix d’un haut de gamme.

Si on prend le problème dans le sens inverse, les versions Mini permettent aussi de justifier les prix forts des flagships. Presque 200 euros d’économies tout en gardant l’essence du terminal de base, c’est déjà beaucoup. Cela permet de dire qu’il a fallu couper dans le lard pour obtenir une telle réduction. Encore une fois, il existe une réponse logique selon la façon dont on envisage le problème.

Mais les déclinaisons ne sont-elles pas alors le plus gros aveu de faiblesse de ces deux dernières années, durant lesquelles elles ont véritablement pullulé ? Ne sont-elles pas finalement la preuve d’un manque cruel d’innovation, où les firmes, poussées par des agendas et un besoin de remplir les caisses, masquent le désert d’idées autant qu’elles le peuvent ? N’est-ce pas aussi un manque de confiance en un produit phare, qui ne mérite finalement pas tant que ça son surnom de « flagship » ? Si le phénomène des déclinaisons est récent, il n’est en tout cas pas certain qu’il dure une éternité, surtout depuis que Sony et son Z1 Compact boosté au Snapdragon 800 a posé ses attributs sur le monde du Mini. Des projets proposent des alternatives, sinon ne dénoncent clairement l’arnaque. On pense notamment au Projet Ara de Google, où le téléphone se construit selon les besoins du consommateur, ou au OnePlus One et son prix dérisoire pour une fiche technique monstrueuse, surnommé « Flagship Killer », et qui pourrait aussi en tuer la descendance.


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