Google-Motorola : Quelles conséquences pour l’industrie ?

 

Si vous vous venez seulement de rentrer de vacances, sachez que Google vient de racheter la branche mobilité de Motorola pour 12,5 milliards de dollars. Un chiffre record pour Google, qui correspond à deux années de rentabilité financière, et qui propulse Motorola Mobility comme la plus chère acquisition pour Google. C’est un fait majeur en 2011 qui va marquer l’industrie indéniablement.

L’annonce est arrivée très vite, et malgré quelques soupçons, il était difficile de l’anticiper. Néanmoins on pouvait tout de même faire attention aux dernières annonces et rumeurs : Motorola avait annoncé s’intéresser à Windows Phone 7 et cherchait également à attaquer en justice quelques partenaires d’Android concernant des brevets. Ce projet de rachat avait du donc commencer depuis quelques semaines, le scénario suivant est vraiment peu probable : « Google CEO: – I need a phone, can someone buy me a Motorola? Few hours later: – Done. – Great, which model? – Model?… ». Bref, tout ça pour vous dire : Je pense que Motorola savait qu’ils tenaientGoogle par les couilles. 

Trêve de plaisanterie, en attendant d’avoir la validation des autorités américaines et européennes, qui pourrait coûter cher à Google en cas de refus (2,5 milliards de dollars – 1,7 milliard d’euros – de frais d’annulation à Motorola), il est intéressant de se poser la question des conséquences sur l’industrie et les différents marchés impactés par ce rachat.

Motorola est un partenaire fidèle : ils ont fait le choix de rejoindre Google dès 2008, et leur engagement a été total. Le succès du Motorola Droid aux Etats-Unis a montré la force et le potentiel de la plate-forme Android.

Google demeurait depuis quelques semaines dans l’ambivalence, et il n’y a qu’une solution à l’ambivalence, il faut trancher. Il ne s’agit pas de trancher à l’aveuglette mais bien de faire le choix qui nous convient le mieux dans la situation.

Si le rachat est validé, Google rentrera dans l’industrie « hardware » et rivalisera directement avec ses autres partenaires comme HTC ou Samsung, cela risque d’effrayer certains d’entre eux et peut-être de les pousser vers Windows Phone 7 de Microsoft. Mais si Google le joue finement, ils vont faire des smartphones et des tablettes Motorola sur la même stratégie que la gamme Nexus – une configuration matérielle de base et une conception de référence pour les constructeurs Android, un environnement stable pour les développeurs, toujours à jour et qui permet à l’élite Geek d’avoir un téléphone de référence. Aujourd’hui, Google dépend encore des constructeurs pour mener à bien cette stratégie (HTC pour le Nexus One et Samsung pour le Nexus S).

Autre point très important, Google a ainsi accès à une ressource de recherche et développement qui va lui permettre de développer du hardware. Car vous vous en doutez le « software » (logiciel) ne peut pas être développé indépendamment du hardware (matériel). Ceci pourra permettre à Google de rivaliser avec Apple, en maitrisant mieux la chaine de valeur.

Néanmoins comme Google l’a annoncé, Motorola opérera comme une unité commerciale distincte. Un point qui peut s’avérer problématique pour les autres constructeurs, à quel point la position de Motorola pourrait être un avantage ? Les enjeux sont énormes, surtout que les plus gros constructeurs Android commercialisent également des gammes équipées de Microsoft Windows Phone 7. L’exemple du consortium Symbian et Nokia ne nous rassure pas : Symbian était un consortium de constructeurs qui a été rapidement rattaché et racheté par Nokia. Vous connaissez la suite… les autres constructeurs ont rapidement quitté le navire et Nokia est parti à la dérive (article très intéressant sur le sujet). Enfin, notons tout de même que le contexte est différent dans le cas d’Android, l’Open Handset Alliance ne devrait pas faiblir.

Néanmoins, d’autres exemples plus récents comme le partenariat stratégique entre Nokia et Microsoft, montre que c’est une position finalement plutôt confortable. Microsoft qui a l’expérience d’un géant du système d’exploitation, a mis en place un système à mi chemin entre l’ouverture de Google et le scellement d’Apple, une formule gagnante ?

L’autre point qui paraît évident vu le contexte actuel concerne la problématique autour des brevets, Android est attaqué de tous les côtés et Google a pris pleinement conscience de la faiblesse d’Android sur le plan de la propriété intellectuelle. C’est un sujet très brulant pour Google qui se devait d’agir vite. Naturellement, ce rachat Motorola Mobility regroupe plus de 24 500 brevets et des centaines de demandes de brevets. Néanmoins à y regarder de plus près, on se pose vraiment la question de la valeur de ce portefeuille. En effet, même si de nombreux brevets sont clairement stratégiques pour Google (réseau, organisation de l’information, etc.), peu sont réellement intéressants pour Android. Surtout que Motorola n’impressionne pas Microsoft et Apple sur le plan de la propriété intellectuelle, ils sont même déjà en action judiciaire contre Motorola.

Un autre point peu abordé chez les collégues concerne la différence de culture entre Motorola et Google, en regardant quelques chiffres sur la façon de travailler des employés, on se demande si la co-habitation sera si facile…

On évoque peu les autres activités de Motorola, mais Motorola a des activités très importantes dans les solutions vidéos, un marché où Google rencontre des difficultés avec la Google TV. C’est donc une opportunité supplémentaires pour Google qui met les moyens depuis plusieurs années pour cet énorme marché. L’impact sera également attendu sur les set-up box, ces boi-boites multimédia qui hébergeront des solutions comme Google TV par exemple.

Donc comment conclure, cette tribune… Le rachat de Motorola Mobility peut s’avérer être stratégique à court terme concernant la problématique des brevets, et stratégique à long terme concernant un meilleur contrôle et une meilleure intégration du « hardware ». Néanmoins il s’agit tout de même d’une des opérations les plus grosses de l’année et qui sonne comme un bouleversement dans l’industrie. Il existe donc logiquement des risques pour Android et ses partenaires qui sont difficilement identifiables pour le moment.

Aujourd’hui, c’est Larry Page qui est aux commandes de Google, les enjeux n’ont jamais été aussi énormes, mais Google n’a jamais eu autant de ressources pour les atteindre. Motorola pourrait être le catalyseur d’Android.

Voilà donc un objectif pour chacun d’entre nous : « concevoir quelque chose que Google rachètera ». *sic*

Je vous conseille de continuer la lecture sur un dossier de MacGeneration très intéressant, bonne lecture !