Addiction au smartphone : un problème plus complexe qu’un compteur de temps

 

Apple et Google se préoccupent soudainement de votre bien-être numérique avec des fonctionnalités très similaires. J’ai passé quelques semaines, notamment, avec celles intégrées à iOS 12 et, si les idées sont là, mettre un simple compteur de temps sur des applications ne règle qu’une toute petite partie du problème.


Apple et Google, pompiers pyromanes ?

Nous passons trop de temps sur nos smartphones. C’est la découverte que les créateurs de l’iPhone et d’Android ont fait en 2018, et ça fait forcément sourire. Je ne vais pas vous répéter une fois de plus l’analogie du dealer qui vend une cure de désintox, mais concrètement, après avoir vécu un bon mois avec un smartphone qui comptabilise mon temps passé sur les différentes apps et veut m’aider à mieux dormir, qu’en est-il vraiment ?

Une précision pour commencer : je n’ai pas accès, personnellement, à un smartphone compatible avec la bêta d’Android P. Mes impressions tournent donc principalement autour de l’implémentation des fonctionnalités de « santé numérique » sur iOS 12. Néanmoins, les deux éditeurs ont des approches tellement semblables que ce qui s’applique à l’un est valable, en grande partie, pour l’autre.

Quand Siri vous ordonne d’aller au lit

Un détail diffère tout de même : Apple ne permet pas de bloquer une application spécifique, mais une catégorie d’applications. Celles-ci sont issues de la classification de l’App Store. Partant du principe qu’on passe forcément trop de temps à jouer, utiliser des apps vidéo et à consulter les réseaux sociaux, ce sont les principales catégories que j’ai désactivées.

J’ai également activé le mode « Temps d’Arrêt » ou  « Downtime », qui désactive la quasi-totalité des applications sur une période donnée (la nuit en l’occurrence), et le mode « Ne Pas Déranger pendant la nuit ». Celui-ci assombrit considérablement l’écran de verrouillage et coupe toutes les notifications jusqu’au réveil. Je ne suis pas un adepte de la consultation de mails pro à 3 heures du matin, mais il m’est arrivé, quand je me réveillais la nuit, de jeter un œil à mon smartphone. Et rien que le fait de voir un écran allumé et des notifications peut être perturbant.

Je vous rassure, je n’ai pas dormi aussi longtemps !

Google propose une fonctionnalité similaire, mais à l’approche intéressante : le mode « Wind down » passe toute l’interface en noir et blanc, pour rendre le smartphone moins attractif.

Un bilan en demi-teinte

Que dire de l’efficacité de ces mesures ? Ai-je l’impression d’utiliser mon smartphone avec plus de réserve ? En fait, pas vraiment. Je diviserais ce bilan provisoire en deux catégories. Ce qui marche effectivement, c’est le mode Temps d’arrêt et l’écran atténué pendant la nuit. Certaines personnes, dont je fais partie, sont des procrastinateurs de sommeil, et franchement, à part une ou deux instances où j’ai désactivé la limite pour 15 minutes, le couvre-feu à 23 heures s’est avéré plutôt efficace, tout comme l’écran de verrouillage minimaliste. On se réveille, on regarde l’heure et on se rendort. Bien sûr, Apple a inventé l’ambient display, mais mieux vaut tard que jamais. Je serais curieux de voir si l’équivalent dans Android P est aussi dissuasif.

Pour le reste, les limites de temps sur les apps sociales, les statistiques… J’en garde un sentiment nettement plus mitigé. Certes, il est intéressant de savoir quelles apps sont les plus utilisées, combien de fois on active son téléphone dans la journée, surtout sur la durée ? Mais est-ce vraiment le problème ?

Je ne pense pas que nous avons tant un problème de temps passé sur telle ou telle application. Je ne pense pas que nous utilisons trop nos smartphones. Je pense surtout que nous les utilisons mal, et pour cela, ces fonctionnalités n’apportent aucune réponse. On peut limiter l’usage de Twitter ou Facebook à 30 minutes par jour, ça suffit pour poster des commentaires pas forcément inspirés, voire carrément toxiques ou haineux, ou visualiser son quota de fake news. Ces limites peuvent toutefois avoir leur intérêt, notamment dans un but de contrôle parental.

En cela, je trouve finalement que les meilleures idées viennent de Google, avec le mode « Pretty please » de Google Home. Apprendre à ses enfants à s’adresser poliment, même à une intelligence artificielle, ça paraît dérisoire, mais ça part d’un bon sentiment, et dans une démarche plus large de sensibilisation de la part de la firme de Mountain View.

Du coup, j’imagine des choses qui sont peut-être farfelues… Le machine learning qui vous alerterait quand il détecte que vous vous apprêtez à poster un commentaire haineux ou stupide, ou qui vous glisse « Et si vous utilisiez plutôt cette application musicale pour faire quelque chose de créatif ? Oh et votre article, là, il ne va pas s’écrire tout seul si vous continuez à regarder des vidéos de Jeremy Parish ! ».

Et d’ailleurs, je vois plein de fonctionnalités qui posent des limites et des verrous, mais finalement, rien de vraiment positif… Apple est plutôt bon, sur la santé « réelle », pour inciter à l’effort physique via les cercles de l’Apple Watch, les défis occasionnels… Il manque peut-être cette dimension : limiter le temps passé sur Facebook ou Twitter, pourquoi pas, mais ce serait peut-être plus efficace en saluant les activités « sérieuses » ou créatives. Mais bon, à un moment, il est peut-être nécessaire de ne plus compter sur son smartphone pour ça…


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