Snapchat : Le guide de survie à l’usage des plus de 25 ans

 

Will Oremus, journaliste techos pour la version américaine de Slate, avouait à ses lecteurs le 2 février, par le biais d’un long pamphlet, qu’il passait du temps à écrire sur Snapchat sans n’avoir jamais rien bitté à cette application de malheur. D’un coup d’un seul, il enlevait un poids à tous les journalistes tech du monde, enfin ceux qui ont plus de 25 ans, et leur permettait d’avouer que eux non plus n’ont jamais pu se résoudre à comprendre et à utiliser un moyen de communication qui séduit pourtant massivement les jeunes. Le tabou était alors rompu, et pour continuer d’écrire des titres comme « Un adolescent tue sa copine à cause d’un snap », il allait falloir se confronter à un défi technique et éthique : apprendre à apprivoiser Snapchat.

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Mais qui es-tu, Snapchat ?

Will a raison, Snapchat est le nouveau Facebook. D’ailleurs, il paraît que les empires Internet ne durent qu’une quinzaine d’années, et que comme MySpace en son temps, le réseau de Mark Zuckerberg est sur le déclin. Mais c’est de toute façon le propre de l’industrie moderne qui doit se renouveler sans cesse pour ne pas passer pour un truc de vieux. Et puis chaque génération grandit avec ses propres codes, et les personnes qui ont 25 aujourd’hui ont vu pousser Facebook et Twitter quand elles n’étaient pas encore majeures, ce qui signifie, et c’est incontestable, que ces applications sont déjà pour les vieux. Et ne parlons pas de nos parents qui pratiquent encore l’auto-like et la publication de messages qu’ils croient privés sur nos murs. Obsolescence programmée.

Au contraire, Snapchat a été lancé en septembre 2011 sur l’App Store d’Apple, et en novembre 2012 (comme c’est étonnant) sur le Play Store de Google. Une arrivée ultra-tardive sur la sphère grand public donc, et une arrivée à maturité dans la deuxième moitié de l’année 2014, le temps de prévenir les utilisateurs de Facebook que l’application est sur les stores et que Titanic est sorti au cinéma (vous l’avez ?). Une fois le mouvement lancé, Snapchat s’est rapidement imposé comme une référence applicative, un effet de mode massif comme il y en a toujours eu dans le monde de l’Internet et des applications. Celle-ci s’appuie sur ce qui est le plus plébiscité actuellement : la photographie, et particulièrement la selfie. Je suis d’ailleurs prêt à parier que certains constructeurs améliorent leurs capteurs frontaux en se disant « oh yeah, ça va snaper sec avec ça ».

« Ce qui est si intéressant là-dedans ? Je suppose que c’est la pudeur et la honte qui disparaissent, l’une avant, l’autre après. » 

La deuxième particularité de Snapchat, c’est que son contenu est éphémère, et que vos photographies finissent par disparaître…quelque part. Ce qui est si intéressant là-dedans ? Je suppose que c’est la pudeur et la honte qui disparaissent également, l’une avant, l’autre après. Heureusement, le piment de la capture d’écran est là, mais Snapchat fait remarquer à l’utilisateur quand un de ses contacts s’est permis d’enregistrer une photo. Alors il y a aussi une notion de jeu à Snapchat, et si notre génération a tendance à trouver cela très bête, croyez bien que les plus jeunes s’en amusent beaucoup. Comme pour l’application Yo, l’interaction est si ponctuelle qu’elle n’engage à rien, pas même à répondre.

Par contre, son côté « je m’efface, ne t’en fais pas » pousse encore plus à dévoiler son intimité au monde entier. Quand Shirley, 15 ans, propose à son grand-père de faire un snap, l’homme ne comprend rien et pense simplement que la pauvre enfant va lui montrer quelque chose sur l’écran de son téléphone portatif. Tiens donc, c’est leurs visages qui s’affichent et il pense que la gamine prend une photo souvenir. Mon dieu, vous imaginez ce qu’il dirait s’il comprenait que ce cliché en couleurs va s’effacer du smartphone, après avoir été vu par une tripotée de prépubères, et pour finir dans le tiroir d’un fonctionnaire de la NSA ? L’an dernier, Snapchat se faisait vertement montrer du doigt pour des problèmes de sécurité qu’il n’avait pu gérer, et reste observé par les autorités américaines.

C’est d’autant plus inquiétant que les applications tierces se sont multipliées, permettant par exemple de discrètement enregistrer les photographies reçues sans que l’expéditeur ne le sache. Il est d’ailleurs possible faire un screenshot directement depuis l’application principale, mais l’expéditeur reçoit alors une notification lui indiquant qu’une capture d’écran a été faite. De quoi refroidir certaines personnes, alors qu’un accord tacite lie les utilisateurs, qui se font confiance sur le côté « secret » des choses qu’ils échangent. Les applications tierces sont d’ailleurs interdites par Snapchat, qui peut se réserver le droit de bannir leurs utilisateurs. Mais si vous n’exposez pas vos corps sur Snapchat, vous ne craigniez pas grand-chose, non ?

 

Et comment fonctionnes-tu ?

Et en plus de chercher à comprendre le pourquoi de Snapchat, le journaliste américain s’est amusé à essayer d’en comprendre le fonctionnement. Un fonctionnement d’ailleurs assez délicat, avec un temps certain qu’il faudra allouer à la compréhension de la chose. C’est dû à l’ergonomie horrible de l’application plutôt qu’à l’âge des utilisateurs.

L’INTERFACE. Dans sa dernière version, Snapchat nous propose trois écrans principaux et deux « masqués ». Le premier sur lequel vous tombez, et qui ouvre directement le capteur frontal de votre smartphone, c’est le principal. Celui qui va rythmer vos folles soirées. En glissant de gauche à droite, vous affichez la page sur laquelle arrivent les snaps qui vous sont destinés, c’est à dire que la personne qui l’a envoyé vous a directement sélectionné pour que vous le receviez. Mais attention, d’autres destinataires peuvent aussi avoir été choisis, donc ne croyez pas que cette fille qui vous adresse un selfie vous fait spécialement du gringue.

En glissant de droite à gauche depuis l’écran principal, vous accèderez aux stories. C’est l’écran qui regroupe les photographies et vidéos de vos contacts qu’ils ont décidé d’ajouter à leur « story » et qui de ce fait seront consultables pendant les 24 prochaines heures. Snapchat cale d’ailleurs un peu de publicité à cet endroit sous le nom « Live ». En glissant à nouveau de droite à gauche depuis cet endroit, vous accèderez à la toute dernière fonctionnalité de Snapchat : Discover. Elle permet de consulter du contenu multimédia en provenance de divers médias (CNN, MTV, Cosmopolitan, Daily Mail, b/r, National Geographic, People, Food Network, Vice, Yahoo! News, Fusion, et du contenu exclusif Snapchat). En cliquant sur une des vignettes, vous accédez à son contenu, et vous pouvez glisser vers le haut pour lire la suite, glisser de droite à gauche pour changer d’histoire proposée, ou glisser vers le bas pour  fermer.

Les différents écrans, de gauche à droite
Les différents écrans, de gauche à droite

LE SNAP. Théoriquement, la prise de photographies ou vidéos, ce n’est pas ce qui se fait de plus compliqué sur Snapchat. Mais les outils sont plus nombreux qu’il n’y paraît. La capture de photographie s’effectue via une tape sur le bouton central en bas de l’écran. Si vous laissez votre doigt appuyé, c’est une vidéo qui s’enregistre jusqu’à ce que vous retiriez votre doigt ou que le temps imparti (une quinzaine de secondes) soit écoulé. Il est aussi possible d’activer le flash en haut à gauche pour éclairer une photo de nuit.

Une fois la photo prise, il est possible d’y ajouter des filtres ou du texte. Un double clic fait apparaître votre clavier et une barre latérale qu’il est possible de déplacer dans la hauteur. En cliquant sur le T, on peut agrandir ce texte (puis le faire en pinçant l’écran avec les doigts, et même l’orienter) et lui donner de la couleur. En glissant de droite à gauche sur l’image, il est possible d’y ajouter des filtres façon Instagram, des indications sur votre vitesse (pour la selfie en voiture peut-être ?) ou des vignettes de la ville où vous vous trouvez. Et grâce au petit crayon dans le coin supérieur droit de l’image, vous pouvez gribouiller quelque chose avec votre doigt, vous dessiner une moustache mexicaine, ou écrire une insulte pour le destinataire. C’est toujours sympa.

Avant d’envoyer votre œuvre, vous pouvez vérifier grâce au chronomètre en bas à gauche le temps d’affichage de votre photographie (de 1 à 10 secondes). Juste à côté, l’icône qui ressemble à un K qui a fait un virage à 90° vers la gauche permet de sauvegarder le snap dans votre galerie (si vous souhaitez le conserver) et l’icône rectangulaire surmonté d’un signe « + » permet de sauvegarder le snap directement dans votre story. Enfin, la flèche à droite permet de passer au prochain écran de validation, où vous pourrez choisir les destinataires.

Si vous êtes curieux de savoir qui a bien pu mater les photos et vidéos que vous avez simplement ajoutées à votre story – et qui rappelons le sont accessibles à tous vos contacts à moins que vous n’ayez bloqué l’accès à certains au préalable – il suffit de se rendre sur l’écran de story, de cliquer sur la votre, et taper sur l’oeil. La liste des contacts ayant visualiser le snap s’affichera.

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Différents effets possibles

LE CHAT. Depuis quelques mois, il est aussi possible de chatter sur Snapchat. Tout se passe sur l’écran de gauche, où les snaps qui vous sont adressés sont répertoriés. En glissant de gauche à droite sur une des notifications, vous accédez directement à un chat privé avec cette personne. Vous tapez ensuite simplement votre message, vous cliquez sur envoyer, et le tour est joué. Mais c’est là que le jeu se corse. Si vous laissez la fenêtre ouverte, les messages échangés s’afficheront tous à l’écran, mais si vous avez le malheur de fermer cette fenêtre, ils disparaitront tous dans les méandres de Snapchat.

Enfin presque. Il existe une solution pour qu’un message reçu se conserve un certain temps dans l’application. Il suffit pour cela de cliquer dessus, et de le laisser s’afficher en gras. Une fois que c’est le cas, le message ne s’effacera pas si vous quittez la fenêtre de conversation.

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Un chat lui aussi éphémère

Alors pourquoi utiliser Snapchat ?

Maintenant que vous savez vous en servir, il faut tenter de répondre à la question ultime de l’intérêt de Snapchat alors qu’il se peut qu’il n’y en ait pas. Si certains n’y voient qu’une application pour adolescents en mal d’interactions sociales, se lassant des statuts Facebook qui ne reçoivent plus assez de « likes », ils n’ont peut-être pas tout à fait tort. Certes, 90 % des personnes qui utilisent l’application ne le font que dans un but narcissique, mais en attirant ce public jeune en premier, Snapchat a fait preuve d’une stratégie intéressante. Si la popularité du service est là, son ergonomie n’est pas encore optimale et l’application ne peut que s’améliorer. Le lancement de Discover, fonctionnalité franchement innovante et bien pensée, est la preuve que la compagnie ne vise plus seulement un public jeune, mais un public curieux et plus adulte tout en conservant sa base d’utilisateurs juvéniles.

Dans un monde où le public reçoit une somme d’informations hallucinante chaque jour, par le biais des réseaux sociaux et des chaînes d’informations en continu, Snapchat a fait de l’éphémère son leitmotiv et son mode de fonctionnement. Chaque jour est un nouvel amas d’informations, où les données de la veille n’ont plus d’utilité. Difficile de faire plus dans l’air du temps. Et puis, comment expliquez-vous une valorisation à près de 20 milliards de dollars sans immenses perspectives d’avenir ?

Et il ne faut pas négliger l’aspect humoristique de la chose. Comme pour Twitter, l’intérêt du réseau réside dans les personnes que vous allez suivre. En se constituant un beau carnet de contacts, Snapchat offre la possibilité de sourire quelques fois dans la journée aux bêtises des uns et des autres. D’autres encore utilisent l’application pour s’essayer à quelques réalisation « artistiques ». Mais bon, si vous préférez recevoir les selfies de votre frangine, c’est vous qui décidez.

Finalement, Snapchat n’est rien de plus qu’une nouvelle plateforme d’expression sur Internet et sur nos smartphones, marrante pour certains et totalement inutile pour d’autres. En fin de compte, le plus absurde, c’est peut-être de lui chercher des raisons d’être.

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Le voilà, le véritable intérêt de Snapchat

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