Une semaine après le meurtre du professeur de lettres Dominique Bernard à Arras, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est revenu sur le sujet des applications de messageries à l’occasion d’une interview accordée ce jeudi à BFM TV.
Interrogé quant aux moyens mis à disposition auprès du renseignement et de la DGSI pour anticiper d’éventuels actes terroristes, le ministre s’est montré particulièrement critique envers les messageries chiffrées et notamment l’impossibilité pour les autorités d’accéder aux conversations de personnes suspectes :
Hier encore, les écoutes téléphoniques classiques nous renseignaient sur la grande criminalité et le terrorisme. Aujourd’hui, les gens passent par Telegram, par Signal, par WhatsApp ou par Facebook, ils s’envoient de messages qui ne passent pas non plus par une ligne téléphonique classique, mais par le numérique, par Internet. Ce sont des messageries cryptées [NDLR : sic], c’est un argument de vente et beaucoup de gens les utilisent, y compris les gens qui sont malfaisants. On doit pouvoir négocier avec ces entreprises une porte dérobée, c’est-à-dire de dire « monsieur WhatsApp, monsieur Telegram, je soupçonne que M. X va peut-être passer à l’acte, donnez-moi ses conversations ».
Pour Gérald Darmanin, la législation doit évoluer afin de permettre un accès directement aux conversations des terroristes potentiels. Il reste cependant conscient que le sujet est « très compliqué » notamment en raison du secret de la correspondance privée et d’une autorisation nécessaire par le juge ou par le préfet. En France, c’est traditionnellement l’institution judiciaire qui est garante du respect des libertés, y compris du respect de la vie privée et de la correspondance. Rappelons qu’en août 2015 déjà, l’ancien procureur François Molins s’était montré critique sur le sujet du chiffrement des smartphones.
Le ministre de l’Intérieur a également expliqué de quelle manière les services de renseignement peuvent actuellement accéder aux conversations chiffrées des utilisateurs : « Je veux dire aux Français qu’on est capable d’aller sur WhatsApp, sur Telegram et sur Signal. Comment on fait ? On ne récupère pas la conversation téléphonique, on prend possession de votre téléphone ».
Une porte dérobée compliquée à mettre en place
La principale difficulté autour de cette porte dérobée ne devrait pas être législative, mais technique. Le principe de ces applications — WhatsApp, Telegram, Signal, mais aussi iMessages, Google Messages et Messenger — est qu’elles utilisent un chiffrement de bout en bout. Concrètement, cela signifie que les conversations ne sont consultables que par les différents interlocuteurs et que même le service de messagerie ne les conserve pas en clair sur ses serveurs. Il faudrait pour cela que le service dispose lui aussi d’une clé de déchiffrement, or cela irait à l’encontre du principe même du chiffrement de bout en bout.
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Comme l’indique justement Gérald Darmanin, le chiffrement est bel et bien un argument de vente de ces applications. Cependant, cet argument ne se fait pas tant pour des raisons de délinquance, mais avant tout pour des questions de sécurité des utilisateurs. C’est grâce à ce chiffrement de bout en bout que les utilisateurs peuvent être certains que leurs conversations ne pourront pas être piratées et consultables par des hackers, même si ceux-ci venaient à accéder à leur compte ou aux serveurs du service. En cas de porte dérobée, les utilisateurs pourraient craindre que celle-ci soit utilisée de la même manière par des hackers.
Gérald Darmanin rappelle d’ailleurs qu’aucune législation de par le monde n’a encore réussi à imposer une telle porte dérobée pour les messageries chiffrées : « La loi ne le prévoit pas. Il faut dire avec honnêteté qu’aucune loi au monde ne le prévoit pour l’instant. Ça peut être dans le cadre de la loi immigration. C’est un sujet très compliqué, parce que c’est la correspondance privée et qu’on y est très attaché. Je pense que face à la menace terroriste qui augmente, c’est une question que les démocraties doivent poser aux géants du numérique ».
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