Netflix en France, un an après

 

Netflix souffle aujourd’hui sa première bougie en France. L’occasion de jeter un œil dans le rétroviseur et de faire le bilan de cette première année d’existence dans le paysage de la sVOD hexagonale.

Netflix

(crédit Paul Sakuma Photography)

Il y a un an tout juste, Netflix faisait ses premiers pas en France. Le service de sVOD, un système de location de vidéos à la demande en streaming et en illimité, n’était pourtant pas une nouveauté – demandez donc à CanalPlay son avis sur la question – mais a bénéficié d’un coup de projecteur substantiel assuré par le seul nom de Netflix, qui fêtait il y a quelques semaines ses 18 ans. Un acteur parfaitement implanté aux États-Unis, coté au Nasdaq depuis 2002, et qui a entamé son expansion par le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni au début des années 2010, avant d’entrer en France, en Allemagne, en Autriche, mais aussi en Belgique, en Suisse et au Luxembourg (où se situe son siège social européen depuis 2011) en 2014.

Pourquoi Netflix plus qu’un autre ? Peut-être pour sa capacité à communiquer efficacement (spots TV et énormes bannières publicitaires déployées dans les grandes artères parisiennes à l’appui), mais aussi et surtout pour sa capacité à intégrer des séries TV à succès et à créer les siennes. Un argument de choix pour un service issu d’un pays créateur d’une majorité de séries télévisées regardées en France – le CSA, en 2013, relevait la prédominance des séries TV américaines dans le top 10 des séries les plus regardées dans l’Hexagone. C’est d’ailleurs une spécificité bien française, qui a certainement valu au pays de faire partie des plus clairement ciblés par Netflix.

Carton plein pour Netflix ?

L’épineuse question des chiffres est certainement celle à laquelle on répondra le plus difficilement. Car s’il est bavard lorsqu’il s’agit d’évoquer les évolutions de son interface, ses nouvelles séries ou même son nombre d’abonnés à l’échelle mondiale, impossible d’obtenir des statistiques précises quant au nombre d’abonnés au service en France. Tous les journalistes qui ont tenté de poser la question aux divers représentants de la firme américaine s’y sont cassé les dents. Il faut donc s’en remettre aux analyses de cabinets d’études qui tablent sur des chiffres pour le moins disparates.

Future Source Consulting évoquait 750 000 abonnés en France en août dernier, quand NPA Conseil estimait qu’ils étaient 600 000 à la même période. Le ministère de la Culture, lui, évaluait le nombre de Français abonnés à Netflix à 250 000 à la fin de 2014, s’appuyant sur les estimations de Digital TV Research, qui soulignaient la faible attractivité de Netflix dans l’Hexagone. Pourtant, le cabinet IHS assure que 2 millions de personnes seront abonnées à Netflix d’ici 2019 en France. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’échelle internationale, Netflix revendiquait 57,4 millions d’abonnés à la fin 2014, à la publication de ses résultats financiers pour l’année écoulée. Il indiquait en outre avoir gagné 13 millions d’abonnés en un an, l’année de son lancement dans une poignée de pays européens, dont la France. Au printemps dernier, ces chiffres grimpaient à 60 millions.

Pour comparaison, on évoque actuellement 700 000 abonnés chez CanalPlay, le principal concurrent hexagonal de Netflix. En somme, les deux acteurs seraient au coude à coude, Netflix ayant créé dans son sillage un gain de notoriété pour la sVOD, permettant à son concurrent de croître en parallèle.

 

Croissance en séries

Netflix avait promis d’enrichir rapidement son catalogue de contenus qui, en septembre 2014, avait déçu les internautes en quête d’un service identique à son homologue américain – certains se sont d’ailleurs lancés dans des procédures à base de VPN pour y accéder dans sa globalité. Les chiffres montrent néanmoins que de nets efforts ont été fournis : d’un peu plus de 3500 programmes à son lancement français, Netflix flirte aujourd’hui avec les 11 000 vidéos disponibles, soit quelques centaines de plus que son concurrent CanalPlay.

Netflix

Mais là où l’on sait que les frais engagés par Netflix pour diffuser des contenus achetés à un tiers sont élevés, sa force réside dans sa capacité à produire massivement de nouveaux contenus. Ne nous leurrons pas : s’il compte quelques documentaires et prévoit la sortie d’un premier film en 2016 (avec Brad Pitt, histoire de faire monter le suspense), c’est sur les séries que l’Américain mise gros. Au rythme de dix à douze épisodes par saison, de près de 20 nouvelles séries lancées chaque année, et de saisons majoritairement renouvelées pour les séries déjà existantes, c’est à une croissance exponentielle à laquelle il faut s’attendre. Le tout saupoudré d’une certaine aura propre à attirer les cinéphiles, puisque Netflix parvient à attirer des grands noms de la réalisation, tels les frères Wachowski (connus pour Matrix, et désormais pour le très esthétisant Sense8) ou prochainement Baz Luhrmann (Moulin Rouge, entre autres), pour une série baptisée The Get Down.

Cette politique de séries maison permet à Netflix de s’assurer un catalogue exclusif, à défaut d’être moins onéreux (les royalties sont remplacées par des coûts de production parfois exorbitants, à la Marco Polo) : Netflix pourrait même dépenser 5 milliards de dollars dans ses programmes l’an prochain. Et surtout, il peut les déployer simultanément sur tous les marchés, lui qui cherche à unifier ses catalogues à l’échelle internationale.

Quant au cas du cinéma, l’avancée de Netflix est nettement plus lente, la chronologie des médias propre à la France étant toujours d’actualité : il faut donc toujours patienter 36 mois entre la sortie d’un film en salles et sa disponibilité sur les services de sVOD. Quelques titres ont toutefois apparu, dont notamment nombre de films jeunesse. Mais aussi des films qui n’avaient jamais eu l’heur de sortir dans les salles obscures hexagonales, ce qui fait de Netflix un vivier de films pour ados et autres aspirants nanars américains.

 

Consommation et gloutonnerie

L’arrivée de Netflix en France, si peu adopté soit-il, a mené ses clients au fameux binge-watching, le visionnage compulsif. Un mode de consommation que le service a su mettre en place aux USA et qu’en France, à voir les commentaires de ses abonnés sur les réseaux sociaux, il n’a eu aucun mal à imposer. À ce petit jeu, Netflix dispose d’arguments-chocs : au lieu de diffuser ses séries au rythme d’un ou deux épisodes par semaine, il met chaque nouvelle saison à disposition dans son intégralité dès qu’elle est terminée. Et il suffit que le spectateur reste devant son écran de TV, sa tablette, son ordinateur ou même son smartphone pendant une vingtaine de secondes pour qu’un nouvel épisode démarre dès la fin de sa série. Imparable.

interface-netflix

Qui dit binge-watching, dit donc consommation rapide de saisons de séries généralement déclinées par 10 ou 12 épisodes. Et puisqu’il faut patienter un an jusqu’à la saison suivante qui, une fois confirmée, aura au moins le mérite de ne risquer aucune annulation en cours de saison, faute d’audience, il faut savoir combler le vide pendant ces longues périodes de creux. C’est ce qui contraint Netflix à produire toujours plus, augmentant mécaniquement ses coûts pour conserver ses clients, et espérer en recruter de nouveaux. En France, ce recrutement passe également par de la production « locale », qui prendra le visage de Marseille, cette série mettant en scène Gérard Depardieu, Benoît Magimel et Géraldine Pailhas, et dont le tournage vient de commencer. Également, mais très peu : on ne parle pour le moment que d’une seule série française, et qui aura subi quelques délais – elle sera diffusée en mars 2016 au lieu de fin 2015.

 

De la place pour tout le monde ?

Si le nombre d’abonnés Netflix reste encore faible, probablement équivalent à celui des abonnés de CanalPlay, le service vise essentiellement un public extrêmement connecté, habitué aux services de streaming en général (musical, par exemple), et parmi les moins consommateurs de programmes TV traditionnels. Même si l’avènement de Netflix témoigne de la difficulté des chaînes de télévision à s’adapter rapidement au secteur de la vidéo à la demande, pas sûr qu’elles doivent se sentir particulièrement menacées, d’autant que le très haut débit autorisant le visionnage de vidéos en streaming n’est pas encore implanté sur l’ensemble du territoire.

Netflix, lui, semble avoir confiance, à l’échelle globale comme au niveau local. Sans quoi il ne se serait probablement pas risqué à annoncer une augmentation tarifaire sur sa formule à 8,99 euros, qui passe à 9,99 euros par mois pour ses nouveaux abonnés. L’important n’est pas d’éviter de se priver de quelques nouveaux clients que cet euro supplémentaire freinera, mais de poursuivre coûte que coûte sa croissance à l’international. Prochaine étape pour la firme américaine : la Corée du Sud, Singapour, Taïwan et Hong-Kong au début de l’année 2016.


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