Edito : Et si les montres connectées devenaient intelligentes ?

 

Ce n’est pas le premier dossier que je consacre à cette catégorie de produits, néanmoins j’ai l’impression que de nombreux constructeurs ont tout faux. Les montres sont bel et bien connectées, mais personne n’en veut… enfin presque. Heureusement, on assiste à l’émergence de montres d’un nouveau genre, des montres intelligentes.

Montres intelligentes

Qualcomm a dévoilé lors du Uplink la montre «Toq» (prononcé Talk) qui sortira d’ici la fin de l’année, tandis que Samsung a profité de l’IFA pour dévoiler la Galaxy Gear. Ce n’est pas tout, Sony en est déjà à sa troisième génération de montres connectées, alors que le marché va accueillir des acteurs de différents secteurs. C’est le cas de TomTom, qui prépare une montre dédiée aux sportifs.

Jusqu’à aujourd’hui, ces montres permettaient de lire des e-mails, des SMS et d’accéder aux autres notifications telles que le calendrier ou les statuts de médias sociaux, mais aussi d’afficher les alertes d’appels entrants ou manqués et de gérer de la musique stockée sur le smartphone. Les fonctions plus avancées comprennent geste de la main pour le contrôle, la voix-texte et l’appel vocal pick-up.

Les choix de montres connectées disponibles sont désormais multiples, mais ces appareils semblent tous rater leur cible. Ces montres ont été conçues pour être une extension de nos smartphones.

Elles n’attirent que des early adopters (innovateurs) et des adeptes précoces, friands de nouveautés. Malheureusement, elles atteignent rapidement ce que l’on appelle… le gouffre de Moore. Il s’agit d’un seuil critique. Sony a annoncé avoir vendu 200 000 montres SmartWatch à travers le monde. Même si ce chiffre est plutôt honorable, il est très loin de ce que l’on peut appeler un succès.

Il faut dire qu’une très grande majorité d’entreprises qui lance des produits innovants échoue une fois arrivée à l’étape de la commercialisation : ces entreprises utilisent la même méthodologie en attaquant le marché de masse que celle utilisée pour le marché d’avant-garde.

Meteor Kreyos

 

Meteor Kreyos

La prochaine vague de montres connectées, qui devrait arriver sur le marché à court terme, comprend la Meteor Kreyos, la Geak et la Sonostar.

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Au lieu d’être une extension de nos smartphones, les montres connectées doivent être des montres intelligentes. Elles doivent fournir des informations contextuelles au moment où vous en avez besoin.

Elles doivent être autonomes en intégrant une carte SIM, une autonomie « mobile » complète, une interface utilisateur avec commandes vocales, un moteur d’IA, sans oublier une infrastructure de prestation de services qui soit accessible en temps réel sur le Web.

Contexte

J’assiste actuellement (au moment où j’écris cet article) aux Intel Labs, où se tiennent des micro-conférences qui vont précéder l’annonce de nouveaux produits lors de l’IDF13. Une ingénieur intervient dans de nombreuses conférences pour parler de « Context Aware ». Lama Nachman, ingénieur chez Intel, nous explique l’importance pour la technologie d’être sensible au contexte.

Sur un petit écran de montre, il n’est pas possible de rentrer des données. C’est pour cela que la montre doit fournir des informations contextuelles, des informations utiles à un moment où nous en avons besoin.

Aujourd’hui, les applications que nous avons sur nos smartphones n’ont pas entièrement compris que nos appareils possédaient des sens. La consultation de ces sens est la première étape vers des applications intelligentes. C’est comme si un être humain, en se réveillant, commençait à manger son petit-déjeuner sans avoir pensé à ouvrir les yeux.

D’autres applications ont réussi à intégrer ces « sens » : elles peuvent savoir où vous vous trouvez, par exemple. L’application Foursquare va vous recommander des lieux en fonction de votre position mais également en fonction de l’heure de la journée. Ce n’est qu’un exemple de centaines d’applications qui ont déjà intégré une notion de contexte.

Google Now est sûrement l’application qui va le plus loin dans l’intégration du contexte. En se connectant à nos outils et réseaux sociaux, cet assistant vocal va vous donner des recommandations personnalisées. J’avais essayé Jini lors de l’événement LeWeb 2012, l’application allait encore plus loin avec des recommandations ultra-personnalisées.

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En prenant en compte les habitudes, le comportement, nos données… nous pouvons créer des recommandations contextuelles. J’encourage les développeurs à intégrer ces notions de contexte dans leur développement, cela rend les applications intelligentes. Une application intelligente sera mieux utilisée et frustrera moins les utilisateurs.

En réalité, c’est le chemin que doivent emprunter les fabricants de montres connectées. Pas seulement en proposant des kits de développement aux développeurs, ce n’est pas une solution, c’est un outil. Tous les fabricants le font. Il faut penser les interfaces, les systèmes d’information… Je suis persuadé que ce n’est pas uniquement aux géants, comme Google ou Microsoft, de proposer des solutions. Aujourd’hui, de nombreux acteurs ont compris l’intérêt et la force de l’open data. C’est une opportunité à saisir.

Micro-segmentation

C’est le moment où je vais essayer de trouver une solution aux problèmes des montres connectées. Ce n’est pas parce qu’elles sont plus intelligentes qu’elles se vendront. Comment faire pour réussir à les vendre au grand public ?

Cela semble assez évident. Il plus facile d’être le leader d’un tout petit marché que d’un gros. Les constructeurs de montres doivent donc réduire leur marché, afin de trouver des clients identiques, d’un même groupe (les coureurs, les sportifs, les skieurs, etc.).

Si vous ciblez les mêmes clients, une vente à l’un servira de référence aux autres, alors qu’une vente à un geek ne pourra servir de référence pour vendre à un postier.

L’approche contre-intuitive consiste donc non pas à tirer sur tout ce qui bouge et à s’épuiser à (essayer de) vendre à tout bout de champ, mais à se poser et à identifier le micro-segment cible idéal, et à y consacrer toutes ses forces. Il faut ensuite identifier le segment suivant, qui doit être connexe au premier, et à répéter l’approche. GoPro est le parfait exemple de cette stratégie, en ciblant les surfeurs, l’entreprise californienne a réussi à imposer sa caméra auprès du grand public.

Si les fabricants arrivent à créer cette montre intelligente, à cibler efficacement des segments d’utilisateurs, la montre intelligente aura de l’avenir, tout comme les lunettes intelligentes.

Sans quoi, la montre connectée restera un gadget. Gardez à l’esprit que la technologie devrait améliorer les domaines de la vie, et non pas les remplacer.

L’innovation de rupture

La montre intelligente, et tout ce qui touche au secteur du « wearable computing », doit passer par la rupture. Les constructeurs vont devoir passer par la conception innovante, qui découle d’une rupture dans l’identité de l’objet étudié.

Bien entendu, cela vous plongera sûrement dans la perplexité. Pourtant, c’est cette rupture d’identité qui apportera de la valeur. Et l’objet ne sera pas le seul à subir une métamorphose. Tout son écosystème basculera, y compris le modèle mental accepté jusque-là par les acteurs du marché.

Les constructeurs doivent changer le regard porté sur l’objet. Bien entendu, cette rupture impose un renversement des habitudes, qui n’est accepté que si certaines conditions sont réunies. Aujourd’hui, les conditions sont bel et bien réunies. Les changements sociaux qui ont été apportés par le Social, l’Open Data ainsi que le Mobile, nécessitent désormais de l’innovation de rupture afin de satisfaire des besoins latents qui n’étaient pas clairement exprimés auparavant. Le « wearable computing » est justement une réponse.

Peut-être que le succès de la montre intelligente nécessite de bousculer de bifurquer le vocabulaire. Peut-être ne doit-on pas appeler une « montre intelligente », une « montre ».  Pourquoi ? Car la montre a besoin d’une rupture d’identité. Tout son écosystème doit basculer, y compris le modèle mental accepté jusque-là par les acteurs du marché.

Il faut être capable, au nom d’une vision, de changer ce qui a toujours marché… il nous faut donc des visionnaires.


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