160 jours avec l’iPhone X, récit d’une conversion singulière et non-fortuite

 

160 jours avec l’iPhone X,160 jours dans l’écosystème d’Apple. Récit d’une conversion singulière et non-fortuite.

Comme la plupart d’entre vous le savent, j’ai décidé d’acheter l’iPhone X à sa sortie. Je ne voulais pas rater le grand virage d’Apple. Contrairement à ce que vous pouvez penser, j’ai toujours eu (ou presque) un iPhone. Oui, le cofondateur de FrAndroid couche avec l’ennemi. En réalité, je me suis toujours défini comme agnostique. Pourtant, force est de constater que l’on vit dans un milieu religieux. Umberto Eco a longtemps décrit quelque chose de similaire, dans les années 90, quand il comparait le Mac et DOS. On peut faire la même chose avec l’iPhone et Android.

L’iPhone, c’est toujours pareil : c’est un système gai, convivial, amical, il dit au croyant comment il doit procéder étape par étape pour — sinon le Royaume des Cieux — faire quelque chose. C’est une forme de catéchisme  : l’essence de la révélation est abordée au moyen de formules simples et d’icônes somptueuses. Chacun a droit au Salut.

De l’autre côté, il y a Android. Il permet la libre interprétation des écritures, réclame des décisions personnelles difficiles, impose une herméneutique subtile à l’utilisateur et tient pour acquis que tout le monde ne peut pas atteindre le Salut. Afin de faire fonctionner le système, il faut interpréter soi-même les applications : loin de la communauté baroque des fêtards, l’utilisateur est enfermé à l’intérieur de la solitude de ses propres tourments. 

Je suis d’accord, le mot « religion » entraîne beaucoup de réactions épidermiques, mais il faut prendre cela au sens théologique plus qu’ecclésiastique. Revenons à ce test.

Le contexte est important : aujourd’hui, je ne teste plus de smartphones pour FrAndroid. C’est le travail de Manuel, Omar, Maxime, Cassim, Bérenger… et bien d’autres journalistes. Mais cela ne m’empêche pas de tester tous les produits qui passent dans le bureau. Je pourrai bien m’asseoir là et me demander pourquoi je suis assis là à juger, ne voulant pas admettre qu’un produit est bon si un testeur certifie qu’il est bon ou mauvais. J’ai, pendant tout ce chemin de vie (et peut-être toute ma vie), été déterminé à me faire ma propre opinion et je n’ai jamais voulu prendre quelque chose tel quel. D’ailleurs, je rejette souvent les recommandations des vendeuses et vendeurs parce que je suis convaincu que ce qu’ils recommandent est le plus lucratif pour eux. Bref, je voulais voir si l’iPhone X était aussi authentique que les fans le certifient. Je voulais aussi comprendre pourquoi de plus en plus d’utilisateurs sanctifient l’expérience d’Apple.

Les premières impressions comptent

Le processus de démarrage d’un iPhone s’apparente à entrer dans une église. Les premières impressions — dans la vie pro, comme dans la vie tout court — sont essentielles, et Apple et ceux qui ont construit les églises d’autrefois en ont fait une science. Il n’est donc pas surprenant qu’Apple se soit toujours concentré sur les premières impressions, ils sont des parties puissantes de l’expérience Apple, et l’iPhone a poussé le concept à fond. L’original, sorti en juin 2007, se débloquait avec un simple glissement — un geste simple et élégant qui viendrait définir l’interaction avec les smartphones, que ce soit pour se déplacer sur une page, à travers une liste ou même pour taper du texte. Finalement, bien sûr, Apple a étendu le balayage pour être non seulement le geste qui déverrouille l’iPhone, mais le geste qui a permis aux utilisateurs d’accéder facilement à des tâches spécifiques à partir de l’écran de verrouillage.

La tendance s’est poursuivie puisque les empreintes digitales sont devenues des mots de passe sur l’iPhone 5S et sur tous les autres. Touch ID était une solution élégante et simple à un problème éternellement nuancé. Face ID est, jusqu’à présent, l’expression ultime de cette focalisation. Le génie d’Apple est donc de réaliser que chaque partie de l’expérience est un cadre pour la prochaine étape — l’Apple Store pour l’achat ; l’achat pour le packaging ; le packaging pour le produit ; le produit pour l’expérience. C’est chaque partie de l’expérience qui compte.

Face ID n’a pas gâché l’expérience, au contraire

Parlons donc du bouton home, le bouton qui n’existe plus. Il a été remplacé par Face ID. Face ID est bon. En intégrant la reconnaissance visuelle dans l’iPhone X, Apple a pris un risque substantiel. Je me suis rappelé les problèmes de Samsung avec la reconnaissance faciale, et les difficultés de Microsoft avec cette technologie. Je parle bien de Kinect, une technologie abandonnée. Bref, Face ID fonctionne : depuis l’enregistrement de mon visage le 1er novembre dernier jusqu’au 1er mai, je n’ai jamais eu à re-enregistrer mon visage. Pourtant, le système a dû être déverrouillé 8 000 fois en un peu plus de 5 mois.

(…) le système a du être déverrouillé 8 000 fois en un peu plus de 5 mois

Ce qui est d’ailleurs notable, c’est qu’il est souvent nécessaire de re-enregistrer l’empreinte de ses doigts sur Android et iPhone au bout de quelques mois (a priori, je ne suis pas le seul à rencontrer ce problème). Face ID a su s’adapter aux petits (ou moins petits) changements de mon visage : les cheveux et la barbe qui poussent, les quelques kilos perdus puis gagnés (à mon grand désarroi) ou encore les cernes qui apparaissent avec le travail et la teinte de la peau qui changent en fonction du beau temps. Face ID s’adapte. Le déverrouillage est plus lent, c’est un fait, mais il est plus pratique : l’écran se déverrouille automatiquement, même quand je suis couché dans mon lit et que le téléphone recharge sur la table basse. Même chose quand il est sur son socle de charge sans fil sur le bureau. C’est très pratique.

Désormais, chaque fois que je déverrouille l’iPhone X avec Face ID, toutes les notifications sur l’écran évoluent pour révéler une partie précédemment cachée de leur message, presque comme une reconnaissance de la présence de l’utilisateur. Cela peut sembler un petit détail, mais ce sont de petits détails comme ceux-ci qui ont captivé les utilisateurs et ont permis à Apple de construire sa base de fans. Ce sont de petits détails comme ceux-là qui ont placé Apple sur sa trajectoire actuelle.

Ce sont de petits détails comme ceux-là qui ont placé Apple sur sa trajectoire actuelle

Les nouveaux gestes de navigation en sont une bonne démonstration. Le mouvement « vers le haut » pour aller à la home et le mouvement « vers le haut et stop » pour le multitâche est si naturel que vous vous demandez pourquoi les interfaces de smartphones n’ont pas été conçues comme ça dès le début. Le mouvement de balayage latéral pour passer d’une application à l’autre est tout aussi intuitif. Par contre, Face ID montre ses faiblesses en plein soleil, il faut réajuster l’angle du téléphone. On s’y habitue, mais ce n’est pas instinctif d’avoir son smartphone dans le bon angle et à bonne distance.

Sur l’iPhone X, tapoter pour réveiller l’écran pour sortir du mode veille, c’est comme invoquer un génie. Les notifications qui s’ouvrent seulement lorsque vous les regardez ressemblent à de la sorcellerie. Évidemment, ce sont des choses que l’on connaît déjà sur Android. Sur iOS, on a juste l’impression d’être en face d’un orchestre d’harmonie avec un ensemble de qualités qui rendent toute l’expérience agréable.

Apple est incroyablement habile à introduire des caractéristiques dont les pleins avantages ne se réaliseront que bien plus tard. C’est le cas de la suppression du port casque, Apple l’a supprimé sans réfléchir. Nous étions frustrés, mais Apple préparait un changement de paradigme — les AirPods. Les gens se sont conformés. C’est un peu ça aussi : prendre des décisions impopulaires qui semblent, après coup, être les plus évidentes. Évidemment, elles ne semblent pas encore évidentes pour tout le monde.

L’encoche de la discorde

L’écran OLED est une amélioration significative, pas aussi spectaculaire si vous aviez déjà eu un écran AMOLED, mais c’est une réelle amélioration sur un iPhone. Samsung est arrivé en premier dans ce secteur, les écrans AMOLED sont toujours un poil devant lorsque l’on parle de la qualité d’affichage de ses appareils Galaxy et Note.

Ce qui marque sur l’iPhone X, ce n’est pas l’écran OLED mais l’encoche. Je pense toujours que c’est idiot, moche et littéralement inutile. Vous devez penser que leur idée initiale était de l’avoir éteint perpétuellement pour profiter des caractéristiques de contraste de l’affichage OLED, tout en étant capable d’afficher des informations utiles comme l’heure, le signal du réseau et l’indicateur du niveau de batterie. Non, les interfaces dérapent dans les angles de l’encoche. Je n’ai toujours pas envie de regarder des vidéos en pleine largeur (ce qui ne respecte pas le ratio standard de toute façon) ni d’afficher des photos en plein écran. Quand vous affichez des vidéos sur tout l’écran, mais aussi des photos ou des jeux mobiles, l’encoche recouvre une partie de l’écran que vous essayez de voir et c’est juste ennuyeux, comme si LeBron James était assis devant vous, sa tête devant l’écran, dans une salle de cinéma blindée qui vous empêche de changer de siège.

Pourtant, la plupart du temps l’encoche me paraît invisible caché là-haut et ça ne me dérange pas vraiment. Force est de constater que ce n’est pas si énervant que ça au quotidien : cela donne l’impression que le contenu de l’écran s’écoule et ne peut pas être contenu. C’est un design honnête. Cela donne un nouveau visage à l’iPhone et cela remet en question l’idée que tous les écrans doivent être rectangulaires.

En ce qui concerne les photos, Apple propose son « mode portrait super-étonnant de la mort ». Tout comme les doubles caméras à l’arrière du smartphone permettent à l’appareil photo de séparer le sujet de l’arrière-plan, la caméra infrarouge à l’avant fait aussi la même chose. Même si je me sers peu de la caméra avant, l’effet portrait de la caméra arrière est fantastique, je m’en sers très souvent. C’est agréable d’avoir un objectif supplémentaire de 50 mm et une machine à créer du faux bokeh avec vous tout le temps. Autre chose appréciable avec l’iPhone : la gamme dynamique et les couleurs sont excellentes, l’iPhone X se débrouille bien dans toutes les situations. Il n’excelle pas, mais il ne fait presque jamais défaut.

L’autonomie de l’iPhone X est phénoménale… pour un iPhone. C’est du jamais-vu : il dépasse tous les autres iPhone et tient même pendant de très grosses journées à l’extérieur dans des situations périlleuses : du roaming, du partage de connexion et beaucoup de photos. Les haut-parleurs stéréo sortent un son clair et fort, je m’étonne encore de ne pas voir de haut-parleurs stéréo sur tous les smartphones à plus de 400 euros.

J’utilise la charge sans fil tout le temps. Je n’écoute pas ceux qui disent que cela abîme la batterie. En un peu plus de 5 mois, l’état de la batterie de l’iPhone X est presque de 100 % à en croire l’outil d’iOS. J’ai installé des stations de charge sans fil sur mon bureau et ma table de chevet, elles chargent mon iPhone X et mon Galaxy S8. Je ne branche plus rien, c’est un réel plaisir au quotidien. Le seul câble que j’utilise est situé dans mon sac à dos lorsque je pars en vadrouille pour brancher mes appareils à une batterie externe, et c’est l’un des rares cas où la charge sans fil n’est pas pratique.

Parmi les points faibles, notons la configuration des boutons latéraux qui rend la capture d’écran accidentelle. L’absence d’une prise casque est toujours aussi ennuyante. Enfin, l’écran se raye beaucoup trop facilement, mais il semble bien plus solide que ce que j’aurai imaginé. Les animojis sont amusants comme une démo de technologie, c’est aussi là que s’arrête cette fonction.

Enfin, on pourrait également s’amuser à comparer un iPhone 8 et à un iPhone X. Si l’on compare des composants spécifiques, alors oui, il y a des similitudes fondamentales entre les deux appareils. Cependant, il existe également des différences fondamentales en termes de composants (la caméra TrueDepth et l’écran bord à bord). Ces composants ont pour résultat que les expériences utilisateur individuelles des deux modèles sont radicalement différentes. Il y a même des éléments d’interface utilisateur clés qui sont différents. En ne prenant pas en compte cela, on rate le grand virage. Je me dis toujours ça : chaque fois qu’un produit qui interagit avec le cerveau et l’esprit des utilisateurs est inventé, il change l’objet même de l’étude : les personnes qui l’utilisent. D’ailleurs, j’ai dû changer en 160 jours.

1 159 euros

C’est vrai, 1 159 euros est le prix le plus important sur le marché pour un smartphone (sans compter les éditions spéciales de smartphones), et c’est certainement un signal que le téléphone est vraiment bon. Mais est-ce que ce smartphone est réellement aussi bon ? 1 159 euros signifie que l’iPhone X doit être le meilleur smartphone du marché mais ce n’est pas forcément le meilleur. Voilà la profondeur d’être une marque de luxe. Le prix n’est pas un obstacle à la vente.

Le prix est certainement un signal que le téléphone est vraiment bon

L’iPhone X est une bonne leçon pour tous les autres constructeurs. Apple ne néglige rien, il ne faut jamais négliger l’expérience et les premières impressions. Pour terminer sur une analogie liée aux religions : c’est comme quelqu’un qui est déjà entré dans une église, une mosquée, une synagogue ou un temple. Il sera toujours bien accueilli. Apple a investi dans la conception et la construction de grands lieux de culte — certains diront peut-être que, de la même manière que les vraies églises, on sent qu’ils sont plus proches du divin simplement en entrant. La métaphore de « l’église » est aussi, bien sûr, ironique — les objets qui ont rendu saintes les églises d’autrefois ont été appelés « reliques », comme les objets qui sanctifient l’expérience d’une marque.

160 jours avec un iPhone X, que retenir ? Je suis censé vous dire si vous devriez ou non acheter ce smartphone, mais il semble honnêtement presque impossible de donner une réponse unique — et pas seulement parce que je suis sur un média qui a fait d’Android sa spécialité. Il y a une règle générale quand il s’agit de technologie que nous avons tendance à répéter (mais à ne pas suivre) : vous ne devriez pas acheter la première génération d’une nouvelle gamme de produits, attendez le deuxième modèle. L’iPhone X est un très bon smartphone que j’ai apprécié utiliser, mais je suis désormais très curieux de tester le Huawei P20 Pro ou le Nokia 8 Sirocco.

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