
Rencontrer James Dyson, c’est toujours un moment particulier. Des moments comme celui-là, j’ai en ai peu dans ma carrière. L’ingénieur britannique de 78 ans n’a rien perdu de sa franchise légendaire.
Lors de notre entretien, il nous a livré ses réflexions sur la concurrence chinoise, l’intelligence artificielle et ses regrets d’entrepreneur.
Et l’offensive chinoise dans l’aspirateur n’épargne personne. Dreame, Roborock, Ecovacs, Mova, Tineco, Yeedi, Xiaomi, Anker Eufy… La liste des marques qui grignotent les parts de marché s’allonge chaque année.
Pendant qu’iRobot Roomba s’effondre face à cette concurrence féroce, James Dyson, lui, résiste. Et quand on lui demande ce qu’il pense de ces nouveaux acteurs, sa réponse fuse : « Je n’approuve pas le plagiat ».
L’ingénieur britannique ne mâche pas ses mots. « Quand j’étais à l’école, si quelqu’un copiait quelqu’un d’autre, il était expulsé de l’école », nous confie-t-il lors de notre entretien. Une pique directe qui résonne particulièrement alors que les marques chinoises multiplient les lancements à une cadence effrénée.

Cette guerre des aspirateurs fait rage sur deux fronts. D’un côté, les aspirateurs balais où Dyson dominait, aujourd’hui contesté par Dreame, Tineco et consorts. De l’autre, les robots aspirateurs, terrain de jeu historique des Chinois où Roborock et Ecovacs règnent en maîtres. Seul Dyson semble tenir tête à cette déferlante, contrairement à iRobot qui a vu ses ventes s’effondrer.
« Au lieu de copier, ils devraient créer leurs propres innovations »
Pour Dyson, le problème dépasse la simple concurrence commerciale. « C’est mauvais pour le consommateur aussi, parce qu’il n’obtient pas le choix », explique-t-il avec cette franchise qui le caractérise. « Au lieu de faire la chose facile et non éthique qui consiste à copier, ils devraient créer leurs propres innovations ».
Un message adressé à ces marques qui préfèrent parfois piocher dans des catalogues ODM plutôt que d’investir massivement en R&D. « Je pense que c’est parfait pour le consommateur… enfin non, c’est mauvais pour le consommateur », se reprend-il.

Cette critique prend tout son sens quand on observe la stratégie de certains concurrents. Là où Dyson développe pendant des années une technologie propriétaire, d’autres lancent plusieurs gammes par trimestre. « Vous m’avez demandé si j’étais heureux, alors je vous dis juste comment va mon bonheur », conclut-il.
« Nous utilisons l’IA depuis longtemps, mais elle n’est pas si évidente »
Contrairement aux effets d’annonce de ses concurrents qui font de l’intelligence artificielle un argument marketing central, Dyson cultive la discrétion. « Nous faisons déjà ça. Et nous utilisons l’intelligence artificielle depuis longtemps », nous révèle-t-il. « Originellement avec nos aspirateurs, nous avons un altimètre dans chacun d’eux, et nous ajustons les performances ainsi. »

Cette approche tranche avec le battage médiatique qu’on observe ailleurs. « Il sait s’il est sur un bureau ou sur le sol », précise Dyson en parlant de ses aspirateurs. « Avec nos sèche-cheveux par exemple, l’IA apprend comment vous utilisez le sèche-cheveux, comment utiliser l’outil de coiffage, et ajuste le chauffage en conséquence ».
Le plus impressionnant reste cette fonction de reconnaissance des taches : « Il compare l’image avant et l’image après, et si nous devons revenir et continuer jusqu’à ce que ce soit enlevé ». Une innovation concrète, pas un simple slogan marketing. « J’aime penser que nous avons des produits où l’intelligence artificielle n’est pas si évidente, mais elle est là, de plus en plus présente ».
« Mon plus gros regret » : l’échec de la voiture électrique
Quand on aborde le sujet délicat de la voiture électrique Dyson, abandonnée après des investissements colossaux, l’ingénieur n’esquive pas. « C’était le plus gros gaspillage d’argent. Oui, probablement l’un de mes plus gros regrets », admet-il sans détour.

Pourtant, la logique technique semblait cohérente. « Nous nous sommes lancés dans les voitures parce que nous fabriquons des moteurs électriques, des moteurs nouvelle technologie. La ventilation et le refroidissement sont importants pour nous. Et nous développons des batteries nouvelle technologie », explique-t-il. « Il me semblait que c’est ce qu’était une voiture électrique : le confort à l’intérieur de la voiture, les moteurs et les batteries ».
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Mais la réalité économique l’a rattrapé : « Il est commercialement très difficile de gagner de l’argent avec les voitures ».
« Vitesse, je suppose, c’est l’un des plus grands défis »
Le patron de Dyson reconnaît que la rapidité reste son principal challenge face à une concurrence qui enchaîne les lancements. « La vitesse, je suppose, c’est l’un des plus grands défis. Avoir les idées et les mettre en production… les mettre en production rapidement est un défi ».

Cette lenteur relative explique peut-être pourquoi des marques comme Dreame peuvent annoncer 15 nouvelles catégories d’un coup. Mais Dyson refuse de transiger sur sa méthode : « Nous ne le faisons que si nous avons une bonne technologie ».
Son approche reste celle de l’itération minutieuse : « Vous ne pensez pas ‘oh, ce serait une idée brillante, je vais faire ça’. Vous partez de l’hélice de base, et vous continuez à faire de petits changements pour voir si le changement l’améliore ». Une philosophie héritée de l’ingénieur victorien Brunel qu’il admire.
« Ne jamais abandonner » face aux 5127 prototypes
Cette méthode rigoureuse exige une patience que peu acceptent aujourd’hui. « J’ai construit 5156 prototypes, et ça ne marchait toujours pas », se souvient James Dyson en évoquant son premier aspirateur. « Je suis arrivé au 5127ᵉ, qui a alors fonctionné, mais je n’aurais jamais pu voir que j’allais le faire marcher ».

Sa philosophie ? « Ne jamais abandonner. C’est ma famille aussi », confie-t-il. Cette persévérance, il la compare à sa pratique de la course de fond : « Quand vous courez le 1500 mètres ou autre. Au troisième tour, vous vous sentez toujours très fatigué et tout le monde ralentit, mais c’est le moment d’accélérer. J’appelle ça passer la barrière de la douleur ».
L’IA comme « amélioration », pas comme menace
Contrairement à certains de ses pairs qui craignent l’intelligence artificielle, Dyson l’embrasse pleinement. « C’est une amélioration », tranche-t-il. « Vous savez ce que j’aime faire ? Des produits avec ce genre d’ingénierie, cette IA pour les rendre plus efficaces ».

Sa vision reste pragmatique : « Pour que tout fonctionne mieux, pour que ce soit plus facile à utiliser. Parce que l’interface est difficile. Mais l’IA peut tout rendre semi-optionnel et que ça arrive juste, donc non, c’est vraiment excitant ».
Face à une concurrence chinoise qui mise sur la quantité et la vitesse, James Dyson fait le pari de la qualité et de l’innovation authentique. Ses critiques du plagiat sonnent comme un avertissement à une industrie tentée par les raccourcis. Reste à voir si cette philosophie du « never give up » suffira face à l’offensive de marques qui maîtrisent parfaitement les codes du marché mondial et de la production de masse.
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