« L’Internet ouvert est déjà en déclin » : Google admet qu’Internet n’est plus ce qu’il était

 
L’aveu était dans l’air depuis longtemps. Google reconnaît enfin, dans un document judiciaire, ce que les créateurs de contenu observent quotidiennement : l’Internet ouvert s’effrite.

Google vient de lâcher une phrase qui résonne comme un aveu : « L’Internet ouvert est déjà en déclin« . Problème ? Cette déclaration, faite devant un tribunal américain, contredit complètement ce que l’entreprise raconte publiquement depuis des mois.

Pour comprendre l’importance de cet aveu, il faut d’abord saisir ce qu’on entend par « Internet ouvert ». C’est le web originel, celui où n’importe qui peut créer un site, publier du contenu et espérer être découvert grâce aux moteurs de recherche. Un écosystème décentralisé où les internautes naviguent librement de site en site, où les créateurs peuvent toucher leur audience directement.

Cette vision s’oppose à l’Internet des plateformes fermées – les jardins clos de Facebook, les algorithmes opaques de TikTok, ou les réponses directes de Google qui gardent les utilisateurs captifs. L’Internet ouvert, c’est la différence entre explorer une bibliothèque immense et se contenter des résumés qu’on vous présente à l’entrée.

Un aveu stratégique

Cette confession de Google n’arrive pas par hasard. Elle surgit dans le cadre d’un procès où le ministère américain de la Justice veut démanteler l’empire publicitaire de l’entreprise pour abus de position dominante. Pour se défendre, Google argue que briser ses activités pub « ne fera qu’accélérer le déclin de l’Internet libre » et « portera préjudice aux éditeurs qui dépendent des revenus publicitaires« .

L’AI Mode de Google pour des recherches plus approfondies sur le web. // Source : Google (montage Frandroid)

L’ironie de la situation saute aux yeux. Google utilise le déclin qu’il contribue largement à créer comme argument de défense.

Car Google porte une lourde responsabilité dans cette transformation. Ses featured snippets répondent aux questions sans nécessiter de clic vers les sites sources. Ses réponses générées par IA gardent les utilisateurs sur ses pages. Son algorithme favorise un web optimisé pour lui plutôt qu’un web riche et diversifié.

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Plusieurs études indépendantes documentent ce déclin que Google nie publiquement. Le cabinet de recherche Pew a notamment démontré que les utilisateurs cliquent moins sur les liens quand ils voient d’abord un résumé IA de la réponse. Logique : pourquoi aller plus loin si l’essentiel apparaît déjà dans les résultats ?

Cette tendance se vérifie sur le terrain. Les éditeurs web observent une érosion de leur trafic organique, une baisse de l’engagement des visiteurs, une réduction du temps passé sur leurs sites. Les utilisateurs arrivent, consomment rapidement l’information et repartent, souvent satisfaits par ce qu’ils ont déjà glané sur Google.

L’IA générative amplifie ce phénomène. ChatGPT, Claude, Gemini, Perplexity… ces outils proposent des réponses directes sans navigation web. On s’habitude ainsi à obtenir l’information sans jamais visiter de sites.

L’enshittification généralisée du web

Cette transformation s’inscrit dans un mouvement plus large que le chercheur Cory Doctorow a baptisé « enshittification » – littéralement « emmerdification ». Ce processus décrit comment les plateformes dégradent progressivement leur service pour maximiser leurs profits.

Le schéma est toujours le même : d’abord, attirer les utilisateurs avec un service gratuit et de qualité. Puis capter les entreprises en promettant l’accès à ces utilisateurs. Enfin, presser les deux groupes pour extraire un maximum de valeur, dégradant l’expérience de tous au passage.

Google illustre parfaitement cette évolution. Le moteur de recherche, conçu initialement pour diriger vers les meilleurs sites, retient aujourd’hui les utilisateurs sur ses propres pages. Les résultats se noient dans la publicité, les réponses IA remplacent les liens organiques, l’expérience utilisateur se dégrade au profit de la monétisation.

Et l’intelligence artificielle générative pose un problème économique fondamental à l’Internet ouvert. Ces modèles s’entraînent sur des contenus créés par des humains mais ne rémunèrent pas leurs auteurs. Ils offrent ensuite des réponses directes qui évitent aux utilisateurs de visiter les sites sources.

C’est un parasitisme économique qui sape les fondations du web. Si les créateurs de contenu ne reçoivent plus de trafic, comment financeront-ils leur production ? Si les éditeurs ne génèrent plus de revenus publicitaires, qui créera l’information de demain ? L’IA générative consomme la substance du web sans contribuer à sa régénération.

Google le sait parfaitement. Son aveu judiciaire témoigne d’une conscience aiguë de cette dynamique destructrice. Mais l’entreprise préfère préserver ses intérêts commerciaux plutôt que l’écosystème qui l’a enrichie.


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