DS Automobiles : comment la marque française engage son virage technologique

 

Pendant la journée Android Innovation Day organisée par Google à Paris, nous avons eu l’occasion de discuter avec Yves Bonnefont, le PDG de la marque DS (Groupe PSA). Voici le récit de cette discussion.

Photo DS Automobiles - Salon de Genève 2015

Sur FrAndroid, nous commençons à sérieusement nous intéresser aux autos. Au delà de l’arrivée d’Android Auto, nous assistons à une collision entre la technologie, la société, le cloud computing et le transport. Et tout ça est terriblement excitant : vous pouvez presque y goûter aujourd’hui – un monde de voitures électriques sans conducteurs, éliminant ainsi 1,25 million de décès par an, sans oublier la réduction de l’énorme quantité d’émission de gaz à effet de serre, ainsi que le changement dans nos villes avec les modifications du stationnement urbain. Voilà un des sujets que je souhaitais aborder avec Yves Bonnefont. 25 minutes pour parler de l’avenir de l’automobile, et plus globalement de notre avenir.

Yves Bonnefont est en charge de la marque DS, c’est la 3ième marque du groupe PSA. Cette marque a seulement deux ans. Elle possède une ligne séparée, un réseau différent, et un positionnement de marque différent. Il s’agit d’une marque premium, une manière pour le Groupe PSA de conquérir de nouveaux territoires

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Pour Yves Bonnefont, les choses sont assez simples aujourd’hui : « le secteur est en mutation, le décalage technologique est une vraie difficulté pour le Groupe PSA« . Tout évolue vite, trop vite, il en est conscient mais il me rappelle tout de suite la durée de vie d’un modèle de voiture : « 3 ans et demi environ pour la conception, le modèle est ensuite produit pendant 7 ans, puis il faut compter 10 ans de vie pour le dernier modèle vendu ». Les constructeurs autos doivent donc faire vivre leur modèle, 20 ans. Ce qui engendre un vrai décalage technologique, il y a 20 ans, en 1996, Internet pointait à peine le bout de son nez avec nos modems 56k.

J’ai toujours eu une fascination pour les voitures. En réalité, mon intérêt a grandi depuis que les interfaces et les informations qui ornent leurs tableaux de bord ont changé. Dans les années 80 et au début des années 90, ces interfaces étaient principalement constituées de petits écrans et de boutons analogiques. À l’époque, vous pouviez changer votre autoradio pour quelque chose de mieux, mais il était facile de tomber sur des produits jacky. L’interface sur ces systèmes était relativement simple. Des boutons durs pour contrôler un petit ensemble de fonctions.

Aujourd’hui, les choses ont (heureusement) changé. Yves Bonnefont, qui évoque ces sujets tous les jours, simplifie les choses : selon lui, il y a 3 technologies principales.

Les voitures connectées

Les voitures connectées existent depuis quelques années, le groupe PSA en a déjà vendues 1,8 millions. Ces voitures sont capables d’échanger des données, c’est ce que l’on retrouve sous l’aspect Connect Box. Cela permet d’avoir des services opérés comme du tracking ou de la gestion de flotte. En échangeant très peu de données, ils peuvent déjà rendre des services à l’utilisateur, « comme l’alerte technique, qui envoie des données directement au réseau pour prendre contact avec le client pour programmer une maintenance« . Il y a également un service d’appels d’urgence. Par exemple, si l’airbag est déclenché, la voiture envoie des coordonnés GPS automatiquement aux secours, le PDG de la marque DS me raconte qu’il reçoit de temps en temps des lettres de client qui ont eu leur vie sauvée grâce à ce système.

Ces premières voitures connectées permettent également de faire du big data. L’exemple décrit par le PDG de DS est déjà en place dans plusieurs villes en Europe, ils recueillent les détections d’ABS et sont ainsi capables de détecter rapidement les carrefours dangereux. C’est ce que l’on appelle du machine-to-machine qui nécessite une faible bande passante, finalement, nous sommes en plein dans l’univers de l’Internet des Objets.

 

Android Auto, CarPlay et les services embarqués

Chez la marque DS, le constat est clair : le décalage du cycle technologique est un vrai problème. Il devient difficile de maintenir à jour un canal connecté à la voiture avec le même niveau d’expérience utilisateur qu’un smartphone, c’est pour cela que le groupe s’est redirigé vers une technologie de mirroring avec Mirror Link qui fonctionne sur Android, mais pas iOS. Puis, ils ont lancé CarPlay (iOS) en 2015, et tout juste Android Auto lors du Mondial de l’Auto, sur la Peugeot 5008 ces prochaines semaines pour commencer. Pour DS, Yves Bonne m’a certifié que sa marque sera 100 % Android Auto en 2017.

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Ces intégrations de Apple CarPlay et Android Auto sont un aveux pour les constructeurs autos : ils reconnaissent le décalage technologique, et l’essor du marché des apps : « le client investit du temps personnel pour mettre sa vie dans son smartphone (musique, social media, carnet d’adresses), il s’attend à ne pas tout re-entrer dans un deuxième appareil. C’est toute une cohérence de l’univers digital« .

Il faut donc dissocier deux systèmes : la voiture possède un système embarqué, qui intègre des fonctions connectées qui nécessitent une faible bande passante. Elle offre également l’intégration de services tiers, tels que Apple CarPlay et Android Auto. Yves Bonnefont me rappelle l’importance d’avoir un système embarqué connecté : vous pouvez connaître à tout moment l’état de la voiture et agir dessus, sans nécessiter la connectivité de votre smartphone.

J’en ai profité pour parler de ce que l’on avait pu voir à la Google I/O : un système embarqué sous Android conçu par Google. Evidemment, après avoir vu débarquer Android Auto et Apple CarPlay, les constructeurs autos vont désormais s’intéresser à ces systèmes embarqués. Google, et NVIDIA plus tôt, avait fait la démonstration d’un système Android embarqué dans une voiture. Yves Bonnefont m’a confirmé que la marque DS évaluait actuellement ce type de projet, car « il peut être intéressant« . Mais Yves Bonnefont me rappelle que la DS a besoin de contrôler avec certitude les échanges de données avec la voiture et le reste du monde. Avec ces système tiers : la question de la sécurité des données n’est pas à négliger.

Et finalement, la Chine aura certainement le dernier mot. Les relations avec Google et la Chine sont loin d’être simples, mais « ça s’améliore » selon Yves Bonnefont. A ce stade, difficile de parier sur un solution de Google, étant donné que le premier marché automobile mondial est la Chine.

 

Enfin, les voitures autonomes

« Oui, PSA fera des des voitures autonomes un jour », mais Yves Bonnefont veut être clair et me précise qu’il y a deux voix de faire des voitures autonomes. La première est l’idée que le client a le choix entre les deux modes. Il s’agit d’un mode hybride où la fonction autonome prendra en charge de plus en plus de fonctions, « puis à termes le système prendra en charge tout toutes les fonctions de l’automobile ». D’après lui, en 2020, les voitures seront capables de faire un trajet autonome sur autoroute. En 2025, la voiture pourra circuler en ville.

La deuxième voix est différente : c’est l’idée de la voiture robot, façon Google Car. L’automobile est alors un objet robot qui sert à se déplacer. Yves Bonnefont me prévient, c’est un modèle automobile radicalement différent. Il m’évoque ainsi une étude qui portait sur la ville de Lisbonne, où a été simulé un test. Ils ont imaginé Lisbonne avec des taxis bots, une sorte d’autobus autonomes (6 ou 8 personnes). Cette étude a démontré qu’avec seulement 10 % du parc automobile actuel et les infrastructures de masse actuelles (comme lé métro), les habitants pourraient circuler comme aujourd’hui.

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A partir de là, ils se sont intéressés à ce qui rend ça possible, quelle transition est nécessaire ? « Ce monde que l’on imagine aujourd’hui passera par une transition où la congestion augmente, un monde hybride où nous aurons encore plus de voitures qu’aujourd’hui« . Des voitures autonomes, et de « vieux » véhicules.

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Cette manière de voir les choses est en adéquation avec ce que je pense, néanmoins j’ai du mal à y voir l’intérêt d’un grand groupe qui vend des automobiles. Selon Yves Bonnefont, ce système pourrait être bénéfique pour PSA. Il y aura moins de voitures à vendre, néanmoins les voitures rouleront plus, donc le nombre de kilomètres parcourus ne bougera certainement pas, « PSA vend du kilométrage aujourd’hui ».

De plus, le système est plus complexe, selon lui, il sera donc plus cher. Des voitures avec des durées de vie plus courtes, une gestion de flottes avec des services à valeur ajoutée. Une transition qui s’avère compliquée selon Yves Bonnefont, mais qui pourrait être bénéfique au Groupe PSA. D’ailleurs, la marque DS sera précurseur au sein du Groupe PSA, pour l’hybride et l’électrique, mais aussi pour la voiture autonome.

 

L’avenir de l’automobile va être radicalement différent

Il est vrai que Apple, Google, Uber et les nombreux nouveaux arrivistes travaillant sur l’avenir de l’automobile ne connaissent rien à l’industrie automobile telle qu’elle est pratiquée depuis les cent dernières années. La clé ici est que l’avenir de l’industrie automobile va être radicalement différent de celle du passé.

Je suis convaincu que bon nombre des constructeurs automobiles actuels vont produire des voitures avec des fonctionnalités autonomes. Et certains d’entre eux le feront très bien. Et ils finiront par produire des voitures électriques totalement autonomes aussi. En attendant, il y a beaucoup d’étapes importantes à franchir.

L’histoire de l’innovation nous enseigne que des nouveaux entrants peuvent émerger et prendre des parts de marché significatives. Je crois que nous sommes à l’aube d’un tel changement. Pour les fabricants qui cherchent à faire cavalier seul, il va falloir revoir votre copie.


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