Les personnes en fauteuil roulant peuvent-elles circuler sur les pistes cyclables ? Oui et non

 

La réglementation française concernant le droit, ou non, à autoriser les personnes en fauteuil roulant à circuler sur les pistes cyclables est relativement alambiquée. D’un côté, elle ne l’autorise pas. Mais d’un autre, la Convention de Vienne — ratifiée par la France — du 21 mai 1977 les y autorise… à certaines conditions.

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Source : magabaka via Unsplash

Avec le développement massif d’infrastructures cyclables dans plusieurs grandes villes françaises, dont Paris, il peut être relativement courant de croiser une personne en fauteuil roulant sur une piste cyclable. Loin de nous l’idée de dénigrer cette pratique, mais une question nous est naturellement venue à l’esprit : quel est le droit qui entoure la circulation des personnes en fauteuil roulant ?

De cette question toute simple découle en réalité une réponse complexe et alambiquée, que Frandroid vous décortique pour y voir plus clair. Tout d’abord, il convient de définir à quel groupe sont assimilées les personnes en fauteuil roulant : aux piétons, comme l’explique l’article R. 412-34 du Code de la route.

L’assimilation aux piétons

Est ainsi écrit : « Sont assimilés aux piétons : les infirmes qui se déplacent dans une chaise roulante mue par eux-mêmes ou circulant à l’allure du pas ». En revanche, et comme l’explique cette page gouvernementale du ministère de l’Écologie, « les personnes en fauteuil roulant manuel ou électrique sont autorisées à circuler sur la chaussée et les trottoirs ou accotements, mais pas sur les pistes cyclables ».

Le message est clair : les pistes cyclables leur sont proscrites, mais pas les trottoirs, sur lesquels elles doivent se déplacer à l’allure du pas, soit environ 6 km/h, ou la chaussée.

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Source : Jon Tyson via Unsplash

Lors d’une session « Questions parlementaires » du 14 mars 2023, dont les réponses sont disponibles dans ce fascicule spécial du Journal officiel, le député Olivier Falorni (Modem et Indépendants) a attiré l’attention du ministre de l’Intérieur et des outre-mer, sur le sujet en question (page 4205).

L’intéressé relève deux problématiques : la première concerne « le danger encouru par les personnes en fauteuil roulant électrique, qui doivent emprunter la chaussée en raison de leur vitesse ou à défaut de trottoirs et se font frôler par les camions, les bus et les voitures qui les dépassent ». Le souci ici mis en exergue coule de source.

Cette première problématique avait par ailleurs été pointée du doigt en juillet 2018 par le député Hervé Pellois (La République en Marche).

Quand la Convention de Vienne vient changer la donne

La seconde problématique concerne l’ouverture des pistes cyclables aux personnes en fauteuil roulant. Olivier Falorni indique :

Le ministère de l’Intérieur avait indiqué dans une réponse à une question écrite en mars 2020 que l’ouverture des pistes cyclables à ce public présenterait un risque pour tous les usagers de ces pistes, du fait du différentiel de vitesse et de l’impossibilité pour une personne en fauteuil roulant de se déporter rapidement en cas de conflit de circulation.

C’est à ce moment-là que les choses se compliquent légèrement. D’un côté, le ministère de l’Intérieur s’était montré défavorable à l’idée de leur ouvrir les pistes cyclables. Mais de l’autre, la Convention de Vienne entrée en vigueur le 21 mai 1977 et ratifiée par la France autorise les personnes en fauteuil roulant à emprunter les pistes cyclables… à certaines conditions.

Frandroid a retrouvé le passage précis qui les y autorise. Il est disponible à la page 25 de la Convention de Vienne manuscrite, depuis numérisée.

Il est écrit : « S’il n’est pas possible d’utiliser les trottoirs ou les accotements ou en l’absence de ceux-ci, les piétons peuvent circuler sur la chaussée ; lorsqu’il existe une piste cyclable et lorsque la densité de la circulation le leur permet, ils peuvent circuler sur cette piste cyclable, mais sans gêner le passage des cyclistes et des cyclomotoristes ».

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Source : Nathan McDine via Unsplash

Les personnes en fauteuil roulant étant assimilées à des piétons, elles sont donc ici concernées par ce texte, qui les autorise à circuler sur les pistes cyclables à condition de ne pas gêner les cyclistes, et si et seulement si le trottoir ne peut pas être utilisé. La circulation doit aussi être relativement parsemée. La question étant : à quel moment gêne-t-on un cycliste ?

La vitesse maximale d’un fauteuil roulant électrique peut varier selon le modèle. Si beaucoup d’entre eux se limitent de 6 à 10 km/h, certains peuvent grimper à 15 km/h. Soit une allure totalement concevable et adaptée à une piste cyclable. Si cette dernière est étroite et le fauteuil lent, la notion de « gêne » a peut-être du sens.

Il convient dans tous les cas de faire preuve de bon sens et de doubler avec prudence, avec un minimum de distance de sécurité, sur n’importe quelle piste cyclable et n’importe quel usager.

Le gouvernement souhaite « sortir de cette contradiction »

Dans ses réponses, le gouvernement et plus précisément le ministère de l’Intérieur se dit prêt à « sortir de cette contradiction » et a « esquissé une ouverture en expliquant qu’une évolution du Code de la route en ce sens pourrait être étudiée en lien avec les associations d’usagers du vélo ».

Cette réflexion entamée en 2019 n’a visiblement pas évolué depuis, puisque l’on retrouve ce passage sur la page gouvernementale du ministère de l’Écologie déjà évoquée plus tôt dans cet article… et dont la dernière mise à jour date du 26 juin 2023. Une forme de statu quo s’est semble-t-il installée.


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