Edito : Sommes-nous blasés par les nouvelles technologies ?

 

À la rédaction de FrAndroid, à force d’être bardés de joujoux coûtant un demi-SMIC, nous ne nous rendons plus vraiment compte des avancées technologiques qui nous entourent. Le pire, dans tout cela, c’est que nos lecteurs ne nous aident pas beaucoup. Lorsque nous publions une actualité qui concerne une nouveauté technologique, une fonctionnalité inédite sur un téléphone ou encore une application innovante, rares sont les commentaires réellement enthousiastes. Untel nous explique que ça ne fonctionnera jamais, un autre nous explique que ce sera trop cher ou mal implémenté et rares sont les commentateurs qui affichent un véritable engouement. Aurions-nous perdu notre âme d’enfant ? Serions-nous bel et bien blasés par les nouvelles technologies ? Après, tout peut-être l’a-t-on mérité.

minority report

À vrai dire, et c’est le problème de tous les contemporains d’une époque, nous manquons cruellement de recul sur ce que nous vivons actuellement. Enfant, si j’avais annoncé un jour à mes parents que dans le futur il serait possible de faire tenir un écran plat de de cinq pouces et de moins d’un centimètre d’épaisseur dans une poche de pantalon et que cet appareil serait capable d’afficher des images bien plus belles que celles de leur télévision cathodique, ils auraient certainement souri en se disant qu’ils avaient hérité d’un fils un peu plus con que la moyenne (pensée d’ailleurs renforcée par le fait que j’ai décidé de devenir journaliste web, mais c’est une autre histoire). De fait, il y a eu un bond technologique incroyable en 30 ans. Un bond quasi invisible pour des personnes, comme moi, qui sont nées dans les années 80. En 30 ans, tout a été miniaturisé, connecté et la puissance des appareils a été décuplée. On a tendance à l’oublier, mais il y a une douzaine d’années, nous étions bien contents quand la connexion Internet de nos gros ordinateurs était aussi rapide que la connexion 3G d’aujourd’hui. Ordinateurs qui, je le rappelle, étaient beaucoup moins puissants qu’un simple Galaxy S3 de 2012…

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Ici, une image tirée d’un magazine (source inconnue) sur la façon dont on voyait les jeux vidéo du futur en 1982.

Mais au fait, de quoi rêvions-nous il y a 20 ou 30 ans ? Pour moi, le summum de la science-fiction, c’était les jeux vidéo de Tron, les vaisseaux spatiaux de Star Wars et, un peu plus tard, les écrans de Minority Report. Qu’avons-nous aujourd’hui ? D’accord, je ne suis certainement pas près de voler dans un quelconque vaisseau spatial de mon vivant, mais je sais déjà que je pourrai goûter à une réalité virtuelle digne de ce nom avec l’Occulus Rift. Je suis aussi bien conscient que les écrans de Minority Report font partie de ces fantasmes qui, une fois réalisée ne correspondent pas du tout à l’idéal que l’on s’en faisait. Sérieusement, qui, aujourd’hui, voudrait d’un écran transparent immense avec une interface qui se contrôle uniquement avec des gestures ? Pas moi. Dans Star Wars, les robots répondent directement à la parole. Siri, Google now et Cortana sont également des robots qui répondent et agissent à nos ordres. Mais ils ne nous font pas rêver. Trop imparfaits, pas aussi pratiques qu’on le voudrait, ils sont trop ancrés dans le présent et ne parviennent pas à remplacer immédiatement nos bonnes vieilles habitudes tactiles.

Sérieusement ? Ça vous fait envie des écrans comme ça maintenant ?

Pour autant, prenons le temps de faire le point sur les possibilités offertes par les technologies d’aujourd’hui. Contrairement à mes parents, je n’ai plus une encyclopédie de 23 volumes dans ma bibliothèque en cas de doute sur un sujet. Par contre j’ai une application Wikipedia installée sur mon téléphone. Je n’ai plus (mais pour combien de temps ?) de montre au poignet, je ne demande plus jamais mon chemin quand j’ai un rendez-vous en ville (merci le GPS et Google Maps) et je suis au courant du moindre événement mondial d’importance dans les quelques minutes qui suivent grâce à une discrète notification. Tout cela, il faut bien être conscient que c’était de la pure science-fiction il y a un demi-siècle et que c’est quelque chose de complètement banal pour nous.

Mais alors, pourquoi ne sommes-nous plus aussi émerveillées par ces choses fantastiques du quotidien ? D’abord, et c’est ce que je vous disais au début, parce que nous sommes des contemporains de notre époque et qu’il est toujours difficile de prendre du recul. Les « petites » avancées technologiques que l’on aura dans un ou deux ans ne nous font pas rêver, elles sont beaucoup trop proches de nous. Et pourtant ! Aujourd’hui, j’ai tenu un téléphone de 5,5 pouces avec un écran quad-HD disposant d’un laser pour prendre de meilleure photo ! C’est tout de même très futuriste à dire.

LG G3 laser
Le LG G3 dispose d’un auto focus laser pour prendre de meilleures photos. En 2014, nous trouvons cela tout juste normal.

À mon sens, l’autre point qui fait que nous sommes moins sensibles à ces avancées technologiques tient à notre comportement. Prenons l’exemple de la Kairos Smartwatch dont nous vous parlions il y a tout juste un mois. Qui ne rêverait pas d’avoir une montre pareille au poignet ? À lire les commentaires sous l’article, cette montre est pourtant soit trop grosse, soit trop épaisse, voire pour certain déjà décevante. Pour être honnête, j’ai aussi pensé la même chose en voyant cette montre. J’ai d’abord pensé qu’elle était géniale avant de me dire aussitôt : «Non, même si son prix était dans mes cordes je ne l’achèterais pas. Il y aura certainement tellement de défauts de conceptions liées à la jeunesse des technologies et elle va me lâcher au bout de six mois ». Et pire, il y a aura peut-être beaucoup mieux et moins cher quelques mois après…

kairos smartwatch 3
La Kairos Smartwatch possède à la fois un écran OLED transparent pour les notifications et un aspect mécanique pour l’affichage de l’heure.

Nous vivons dans un monde où les entreprises répondent tellement vite à nos exigences qu’elles n’hésitent plus à intégrer des technologies très jeunes et bourrées de défauts rédhibitoires. Pourquoi ? Parce que nous le demandons et que nous sommes prêts à les acheter. Et la principale conséquence de tout cela, c’est que nous devenons méfiants à l’égard de ces nouvelles technologies : nous avons plus souvent l’impression d’être des bêta-testeurs malgré nous que de posséder un produit futuriste, fantasmé et parfaitement fini. En fait, nous ne sommes pas blasés des nouvelles technologies, nous sommes victimes de notre envie d’avoir ces nouvelles technologies dès que possible et de vouloir qu’elles fonctionnent tout de suite et maintenant.

Her
Dans Her (Spike Jonze, 2014), la technologie est devenue complètement invisible : tout passe par la voix et le seul appareil qui relie l’homme à la machine tient dans une oreillette.

Je pense très sérieusement que Apple a réussi à éviter cet écueil durant quelque temps. Les premiers iPhone par exemple étaient bourrés de technologie invisible : l’écran tactile fonctionnait parfaitement, le fonctionnement était très simple à comprendre et l’on ne se posait jamais la question de savoir si l’appareil allait planter ou non. Aujourd’hui, Apple n’est plus capable de cela. Beaucoup l’accusent de ne plus innover. Je pense qu’Apple ne parvient plus à intégrer de nouvelles fonctionnalités et technologies sans que celles-ci paraissent inachevées. Et plus que cela, Apple ne parvient plus à faire en sorte qu’elles révolutionnent les usages tout en restant en arrière-plan. Les bonds technologiques invisibles sont de plus en plus difficiles à réaliser que cela concerne Apple ou les autres entreprises high-tech. Et nous avons beau nous défendre de les désirer, nous n’en voulons plus vraiment. Nous voulons des technologies qui fonctionnent tout de suite et de manière parfaite, mais nous ne voulons plus les attendre. Samsung, de son côté, l’a très bien compris et n’hésite plus à répondre immédiatement aux attentes des consommateurs. Sinon, comment expliquer que le géant coréen sorte pratiquement quatre montres connectées par an ?