John McAfee : théories du complot, drogue et cryptomonnaies… retour sur un personnage fantasque

 

John McAfee, personne fantasque du paysage informatique, est décédé ce mercredi. Petit retour sur une vie bien remplie qui soulève encore bien des questions.

John McAfee dans sa vidéo "How to uninstall McAfee Antivirus"
John McAfee dans sa vidéo « How to uninstall McAfee Antivirus »

Vous connaissez forcément son nom. Peut-être pas pour son œuvre au global, mais plutôt parce que vous avez déjà essayé de désinstaller son antivirus après avoir acheté un ordinateur neuf. John McAfee, un pionnier de l’informatique au passé très sulfureux, a été retrouvé mort mercredi, à 75 ans, dans sa cellule du centre pénitentiaire Brians 2, à Barcelone (Espagne). Retour sur une vie bien remplie et rocambolesque.

Le pionnier de l’antivirus

Son parcours ressemble à celui de bon nombre de génies de l’informatique des années 1970 à 1990. Après l’obtention de son doctorat, il intègre plusieurs entreprises et organismes, dont des noms aussi prestigieux que la NASA. C’est vraiment à la fin des années 1980 qu’il se fait remarquer alors que le virus Brain, l’un des premiers de l’histoire, ralentit les disquettes de nombreux ordinateurs à travers le monde. John McAfee en obtient une copie et travaille d’arrache-pied pour trouver une solution à ce problème.

Conscient que ce n’est que le début de l’informatique et des virus, il ouvre alors McAfee Associates en 1987, une entreprise spécialisée dans les logiciels antivirus, revendue à Intel en 2010, plusieurs années après la démission de John McAfee en 1994. Durant ces expériences professionnelles, il a souvent été confronté à un milieu festif, mêlant alcool et drogue, et devient toxicomane dans les années 80.

Une vie digne d’une série TV

Devenu riche grâce à ses antivirus, John McAfee est un personnage haut en couleur qui s’implique notamment en tant que prof de yoga dans les années 2000 après avoir enchainé les créations d’entreprises et les expériences de consultant. C’est en 2007, en pleine crise économique, qu’il décide de partir vivre au Belize, un pays d’Amérique centrale.

John McAfee en 2016 lors du Politicon
John McAfee en 2016 lors du Politicon // Source : Gage Skidmore

Il y ouvre un laboratoire de recherche pour antibiotiques naturels que certains pensent n’être qu’une couverture pour développer de la drogue de synthèse, notamment en raison de son amitié avec les criminels locaux et son rythme de vie particulier mêlant gardes du corps armés et prostituées, parfois mineures. En 2012, un raid du GSU (Gang Suppression Unit) a lieu chez lui. Il est alors arrêté alors qu’il dort avec une jeune fille de 17 ans. Sont saisis plusieurs dizaines de milliers de dollars en liquide et des armes à feu. Cela ne suffit pas à faire de lui un criminel au Bélize, et il est donc rapidement relâché.

La mort de Gregory Faull

En novembre de la même année, Gregory Faull, le voisin de John McAfee est retrouvé mort, assassiné d’une balle dans la tête. John McAfee est soupçonné d’avoir commandité le meurtre de celui-ci avec lequel il ne s’entendait pas. Il faut dire que le train de vie de John McAfee n’était pas le voisinage rêvé pour Gregory Faull qui avait porté plainte quelques jours auparavant pour usage d’armes à feu.

Pour John McAfee, c’est un complot monté de toute pièce par le gouvernement en place, il nie son implication dans le meurtre de son voisin. Encore aujourd’hui, l’affaire n’a pas été résolue, bien que John McAfee a été jugé légalement responsable en son absence au tribunal.

John McAfee en cavale et dans la course à la présidence

Il fuit la police bélizienne et retourne aux États-Unis où il continue à mener un train de vie chaotique. Il y critique notamment son ancienne création lorsqu’Intel annonce que l’antivirus McAfee va être renommé Intel Security en précisant être content de cette décision, ne voulant plus que son nom soit associé au « pire logiciel du monde ». Il réalise alors une vidéo humoristique intitulée « How to Uninstall McAfee Antivirus » (Comment désinstaller McAfee Antivirus), où il se met en scène avec des prostituées, des armes et ce qui est présenté comme de la drogue.

Il est arrêté en 2015 pour conduite sous l’emprise de stupéfiants et possession illégale d’armes à feu, mais rapidement libéré. Il se lance alors dans la course à la présidence et se présente en 2016 pour le parti libertarien. Il se représentera d’ailleurs en 2020, mais mènera sa campagne en exile depuis Twitter, puisqu’il sera alors recherché aux États-Unis.

Les cryptomonnaies le rendent riche (encore)

Personnage fantasque de Twitter, John McAfee milite pour la liberté et met notamment en avant le Bitcoin comme moyen de paiement. Il fait alors la promotion de nombreuses cryptomonnaies sur les réseaux sociaux et fait office de figure de proue des « pump & dump » lors de la bulle de 2017, un peu comme a pu l’être Elon Musk avec le Dogecoin en début d’année. Il se vante alors de gagner 2000 dollars par jour grâce aux cryptomonnaies et de ne pas payer d’impôts depuis 8 ans, qu’il juge injustifiés.

Interpol lance un mandat d’arrêt international contre lui pour le faire extrader aux États-Unis afin qu’il soit jugé pour fraude fiscale. Il encourt alors 30 ans de réclusion.

Fin de vie en prison

Arrêté à Barcelone en 2020 alors qu’il tentait de prendre l’avion, John McAfee a continué ses sorties rocambolesques sur Twitter. Il y tient alors des propos conspirationnistes, expliquant qu’il est heureux, mais que le gouvernement veut sa mort et qu’il risque d’être retrouvé mort « suicidé ».

Il affirme alors posséder plus de 31 To de fichiers prouvant la corruption des gouvernements ou encore de la CIA qui seront diffusés s’il lui arrive quoi que ce soit. À titre de comparaison, les Panama Papers représentent 2,6 To seulement.

Le 23 juin 2021, le tribunal espagnol ordonne l’extradition de John McAfee aux États-Unis. Quelques heures plus tard, il est retrouvé mort dans sa cellule. « Apparemment, il s’est suicidé » selon une porte-parole des autorités pénitentiaires de Catalogne. Il pouvait toujours faire appel de son extradition, qui n’avait par ailleurs pas encore été approuvée par le gouvernement espagnol.

Son dernier post sur Instagram, très peu de temps avant sa mort, est un Q noir sur fond blanc, référence au mouvement conspirationniste QAnon.

Gageons que les théories du complot autour de son décès vont fleurir sur les réseaux, jusqu’à ce que peut-être ressortent les 31 To de données qu’il affirmait posséder…


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