Sundar Pichai : « vendre Chrome ne freinera pas Google », voici pourquoi

 
Le gouvernement veut forcer Google à vendre Chrome ? Sundar Pichai hausse les épaules. Dans un entretien à The Verge, le PDG assure que cette menace ne freinera pas les ambitions de l’entreprise.
Sundar Pichai, CEO d’Alphabet (Google)

Face aux pressions antitrust du gouvernement américain, le CEO de Google affiche une confiance imperturbable. Contraint de céder son navigateur Chrome ou non, Sundar Pichai assure que la stratégie de l’entreprise restera inchangée.

Un navigateur « sacrificiel » face aux ambitions IA

Lorsque le journaliste de The Verge lui demande directement si Google peut accomplir tous ses projets en cas de vente forcée de Chrome, Sundar Pichai reste évasif mais confiant. « Je ne pense pas que c’est le scénario que nous envisageons », répond-il avant d’ajouter : « En tant qu’entreprise, nous allons continuer à investir et faire de notre mieux pour innover et construire une activité prospère dans tous les scénarios. »

Cette assurance traduit une réalité stratégique : Chrome, malgré ses 3 milliards d’utilisateurs, n’est plus l’actif le plus critique de Google. L’entreprise a massivement pivoté vers l’intelligence artificielle, en investissant des dizaines de milliards dans ses centres de données et ses modèles Gemini. Pour Alphabet, perdre Chrome serait douloureux mais pas paralysant.

Le CEO ne cache d’ailleurs pas sa fierté concernant le développement de Chrome. « Il y a très peu d’entreprises qui auraient… Nous n’avons pas seulement amélioré notre produit, mais nous avons aussi amélioré l’état du web en construisant Chrome », souligne-t-il. « Nous l’avons mis en open source. Nous avons fourni Chromium. Tout le monde a accès au navigateur. »

Google se repositionne comme « entreprise technologique fondamentale »

La stratégie de défense de Sundar Pichai révèle une vision plus large de l’avenir de Google. « Nous nous considérons comme une entreprise technologique profondément fondamentale, qui se traduit ensuite en produits qui touchent des milliards de personnes », explique-t-il. Cette définition englobe bien plus que les outils traditionnels comme Chrome, Android ou même la recherche.

L’intelligence artificielle irrigue désormais tous les produits Google : de la recherche à YouTube, en passant par Android et Google Cloud. Les récents investissements dans Waymo (voitures autonomes) et Isomorphic Labs (découverte de médicaments) montrent que l’entreprise mise sur des secteurs entièrement nouveaux pour son avenir économique.

Cette diversification explique pourquoi Chrome devient stratégiquement moins vital. Contrairement à 2008, quand le navigateur était essentiel pour contrer Microsoft Internet Explorer, Google dispose aujourd’hui de multiples points d’entrée vers ses services. Les lunettes de réalité augmentée annoncées lors de Google I/O, les assistants IA intégrés aux smartphones, ou encore les agents autonomes représentent autant d’alternatives à l’écosystème traditionnel navigateur-moteur de recherche.

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Un défi politique

Les enjeux autour de Chrome dépassent largement les considérations techniques. L’administration Trump maintient une pression constante sur Google, notamment sur les résultats de recherche. Interrogé sur d’éventuels ajustements de classement sous pression politique, Sundar Pichai se montre catégorique : « La façon dont nous faisons le classement est sacrée pour nous. Nous l’avons fait pendant plus de 25 ans. »

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Cette fermeté s’étend aux nouveaux produits IA. Quand on lui demande s’il ajusterait les réponses du mode IA face aux pressions politiques, sa réponse est nette : « Non. » Une position qui tranche avec certains concurrents comme Grok, dont les réponses changent régulièrement selon les orientations politiques.

La véritable bataille se joue donc sur le terrain de la neutralité algorithmique plutôt que sur la propriété des outils. Google peut perdre Chrome tout en conservant son influence sur l’information et les services numériques, à condition de maintenir la confiance des utilisateurs dans ses algorithmes.

L’ère post-navigateur se dessine déjà

L’apparent détachement de Sundar Pichai face à la menace sur Chrome s’explique aussi par sa vision de l’avenir numérique. « L’informatique deviendra essentielle. Vous l’aurez à portée de main, de multiples façons, quand vous en aurez besoin », prédit-il. Dans cette approche, le navigateur traditionnel devient un outil parmi d’autres.

Les démonstrations de Google I/O illustrent cette transition. Le nouveau mode IA génère des pages de résultats personnalisées en temps réel, incluant graphiques interactifs et applications sur mesure. Ces fonctionnalités dépassent largement le cadre d’un simple navigateur web pour créer des expériences applicatives uniques.

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Parallèlement, les investissements dans Android XR et les partenariats avec des fabricants de lunettes connectées préparent un écosystème où « vous ne sortirez votre tablette que pour regarder des vidéos », selon les mots du CEO. Une évolution qui rendrait Chrome, dans sa forme actuelle, progressivement obsolète.

Les vrais enjeux

Au-delà des déclarations publiques, la bataille juridique autour de Chrome révèle les mutations profondes de l’économie numérique. Google ne tire plus l’essentiel de sa croissance de la publicité liée aux recherches web traditionnelles, mais de services IA et de solutions cloud pour les entreprises.

Le gouvernement américain semble avoir identifié Chrome comme un point de faiblesse stratégique, mais cette analyse pourrait être datée. Forcer la vente du navigateur risque de créer un précédent sans véritablement affaiblir la position dominante de Google sur l’intelligence artificielle et les services numériques avancés.

Sundar Pichai mise clairement sur cette évolution technologique pour dépasser les contraintes réglementaires. Sa confiance affichée traduit une conviction : l’avenir appartient aux entreprises qui maîtrisent l’IA générative, pas à celles qui contrôlent les navigateurs. Une transformation qui pourrait rendre le débat sur Chrome obsolète avant même sa résolution judiciaire.


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