« J’ai eu tout faux avec le premier Roomba », le fondateur d’iRobot Colin Angle évoque son échec et les robots humanoïdes

 
Colin Angle a créé le premier aspirateur robot grand public. Aujourd’hui, après l’échec du rachat par Amazon et l’invasion chinoise, le fondateur d’iRobot livre une vision sans filtre de la robotique domestique. Spoiler : nous ne voulons pas de robots humanoïdes.
Colin Angle

Le fondateur d’iRobot vient de sortir du silence. Après l’échec retentissant du rachat par Amazon et l’invasion des concurrents chinois, Colin Angle livre sa vision sans filtre de la robotique domestique. Et son diagnostic est surprenant : nous ne voulons pas vraiment de robots humanoïdes dans nos maisons.

Colin Angle a cofondé iRobot il y a 35 ans au MIT avec une ambition folle : créer les robots qui révolutionneraient nos foyers. Aujourd’hui, son Roomba trône dans des millions de maisons, mais l’homme semble presque déçu par ce « succès ». « Si vous m’aviez dit qu’après 35 ans, le meilleur qu’on avait à offrir était l’entretien des sols grand public, je pense que moi et tous ceux qui auraient entendu cette réponse auraient été violemment déçus« , confie-t-il à The Verge.

Une franchise rare pour un dirigeant tech, surtout après le moment difficile qu’a traversé iRobot. Le rachat par Amazon à 1,7 milliard de dollars a capoté en janvier 2024 face aux objections antitrust. Colin Angle a dû quitter l’entreprise qu’il dirigeait depuis trois décennies, laissant iRobot face à une concurrence chinoise impitoyable.

L’invasion silencieuse des marques chinoises

Pendant qu’iRobot stagnait dans les méandres administratifs américains et européens, des marques comme Roborock, Ecovacs ou Dreame ont conquis le marché mondial. Ces constructeurs chinois proposent des robots plus avancés, souvent moins chers, avec des fonctionnalités que Roomba peine encore à égaler.

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« L’industrie dans son ensemble a eu du mal à définir quel était le rôle de la robotique dans notre maison, dans notre vie quotidienne« , admet Colin Angle. Une introspection qui arrive peut-être trop tard pour iRobot, désormais distancé par ces nouveaux acteurs.

La leçon est amère. Pendant qu’iRobot perfectionnait son approche prudente et méthodique, la concurrence asiatique a appliqué la philosophie « move fast and break things » à la robotique domestique. Résultat : des aspirateurs robots qui lavent, sèchent, se vident seuls et cartographient la maison avec une précision chirurgicale.

« Les gens ne font pas de calculs de bénéfices cumulés »

Mais Colin Angle n’a pas dit son dernier mot. Installé dans sa nouvelle startup aux allures mystérieuses, Familiar Machines & Magic, il développe une vision radicalement différente de la robotique. Son analyse des robots humanoïdes actuels est cinglante.

« Cette technologie est une merveille« , reconnaît-il en évoquant les démonstrations récentes de Figure ou Tesla Optimus. « Mais est-ce un produit que les gens veulent ? Et si oui, pourquoi ? C’est une question complètement différente.« 

Sa critique vise le cœur du problème : l’industrie confond prouesse technique et demande réelle. « Ranger les courses, c’est vraiment un problème ?« , interroge-t-il avec ironie. « La plupart d’entre nous peuvent ranger leurs courses relativement facilement.« 

Chez iRobot, Angle avait développé une méthode implacable pour évaluer les opportunités : « Nous créions un graphique où sur un axe, c’était la fréquence à laquelle une activité était faite dans la maison. Et sur l’autre axe, à quel point cette activité était détestée. »

Le verdict est sans appel : « Les gens ne font pas de calculs de bénéfices cumulés dans leur tête très bien. » Autrement dit, un robot qui fait cinq tâches moyennement utiles ne vaut pas la somme de ces cinq utilités. Il vaut souvent… la moins utile des cinq.

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La réalité s’est avérée diamétralement opposée à ses attentes d’ingénieur. « Le Roomba parfait était le Roomba qui nettoyait autour de votre table de cuisine, faisait du bon travail, gagnant finalement votre confiance qu’il pouvait réellement faire ce travail », explique Colin Angle.

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Cette approche graduelle, qu’il avait d’abord considérée comme un défaut, s’est révélée être la clé du succès. « Les gens n’accordent pas instantanément leur confiance à la technologie« , a-t-il appris à ses dépens.

L’IA générative, game-changer ou fausse promesse ?

L’arrivée de l’IA générative change-t-elle la donne ? Colin Angle y voit un potentiel énorme, mais pas là où on l’attend. « Un kit robotique Wiley Coyote Acme vient de tomber du ciel il y a un an ou deux. Et c’était évidemment l’IA générative« , plaisante-t-il.

Mais plutôt que de miser sur des robots humanoïdes, Colin Angle privilégie l’approche « Starship Enterprise » : faire de la maison elle-même le robot. « Le Roomba est un globule blanc. Le système qui change le thermostat est un système de contrôle dans le corps, et les paupières sont peut-être l’ouverture et la fermeture des stores de votre maison. »

Cette vision trouve ses limites dans la complexité. « La barrière qui bloque le voyage vers la construction du Starship Enterprise, c’est la surcharge de complexité« , analyse-t-il. Un obstacle que l’IA générative pourrait enfin lever grâce à sa capacité à « extraire l’intention de l’utilisateur sans le surcharger de complexité ».

La solitude, vraie opportunité de la robotique

Surprise : Colin Angle voit dans l’épidémie de solitude moderne le véritable marché de la robotique domestique. « L’humanité est désespérément isolée et solitaire. 50% des Américains s’identifieraient comme se sentant isolés et seuls« , rappelle-t-il.

« L’impact sur la santé de se sentir auto-isolé et solitaire a été bien documenté. L’Administrateur de la santé publique des États-Unis a dit il y a quelques années que c’était la même chose que fumer 15 cigarettes par jour. »

Pour Colin Angle, construire des robots sans considérer « le fait que ce que vous faites crée une opportunité de vraie connexion humaine est une erreur ». Une approche qui tranche avec l’obsession technique actuelle de l’industrie.

Colin Angle reste évasif sur ses nouveaux projets chez Familiar Machines & Magic. « On est encore en mode furtif, mais je pense que ce sera amusant de pouvoir lever le voile d’ici la fin de l’année« , tease-t-il.

« Rosie le robot était un gros robot bleu en métal qui roulait sur roues. Elle avait des cadrans en guise d’yeux, des griffes en guise de mains et un joli petit tablier« , se souvient-il avec nostalgie. « Elle a inspiré toute une génération de roboticiens à créer des robots domestiques. »

Aujourd’hui, cette génération découvre que la vraie révolution robotique ne viendra peut-être pas d’un robot humanoïde, mais de la transformation invisible de nos maisons en organismes intelligents. Un futur moins spectaculaire que Rosie, mais peut-être plus réaliste.


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