Trottinettes électriques et gyropodes : la limitation à 25 km/h condamne-t-elle votre engin ?

 

Le projet de décret présenté par les ministères des Transports et de l’Intérieur prévoit de fixer le cadre légal concernant l’utilisation des engins de déplacement personnel motorisés. Parmi les règles annoncées figure l’interdiction de rouler à plus de 25 km/h. Que risquez-vous alors si vous êtes d’ores et déjà le propriétaire d’un modèle plus rapide ?

Des trottinettes aux abords de la Foire de Paris (Crédits image : Bruno)

Mise à jour du 11 mai 2019 :

Depuis la publication de notre article, nous nous sommes procurés une mise à jour peu réjouissante du décret pour les adeptes de véhicules motorisés puissants. On peut y lire que le décret fait désormais mention d’un article 16 avec de nouvelles précisions assez inquiétantes pour les utilisateurs. Il est désormais stipulé :

Art. R. 321-4-2. Le fait de circuler sur la voie publique avec un engin de déplacement personnel motorisé dont la vitesse maximale par construction est strictement supérieure à 25 km/h est puni d’une contravention de cinquième classe.

La confiscation, l’immobilisation ou la mise en fourrière peuvent être prescrites dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L.325-9.

Nous apporterons davantage de précisions à ce sujet dès que possible.


Article du 10 mai 2019 :

Pour le gouvernement, il est grand temps que cesse l’anarchie provoquée par l’arrivée massive des trottinettes électriques (et consorts) sur les trottoirs des grandes villes. Qu’ils soient délaissés n’importe où par des utilisateurs peu scrupuleux de services de free-floating ou qu’ils remettent en cause la sécurité des autres usagers de la voie publique par des comportements d’utilisateurs dangereux, les engins de déplacement personnel motorisés — les fameux EDPM — ont trop longtemps défrayé la chronique. Pour les ministères des Transports et de l’Intérieur, il y avait urgence à intervenir et fixer un cadre légal.

Elisabeth Borne, la ministre des Transports, l’a annoncé en fin de semaine dernière, ces EDPM aussi appelés NVEI, pour nouveaux engins électriques individuels, seront soumis à des règles strictes dès le mois de septembre prochain. Parmi les mesures que nous partagions dans notre article figure l’interdiction de circuler sur la voie publique à plus de 25 km/h, sous peine de s’exposer à une amende de 135 euros. Pour les communautés d’utilisateurs comme les revendeurs, cela pose pas mal de questions sur l’avenir des produits les plus puissants qui peuvent atteindre les 45 km/h, voire bien plus.

Faut-il arrêter d’utiliser son engin survolté ?

La ministre des Transports avait brièvement évoqué que ces engins pourraient circuler à une vitesse maximale de 30 km/h. Finalement, ce sera 5 km/h de moins. Mais c’est sans surprise que l’on constate qu’une limitation de vitesse sera appliquée. Le souci, c’est qu’on trouve désormais depuis longtemps en magasin des produits survoltés, équipés de moteurs pouvant dépasser les 1000 watts — et même des trottinettes avec deux moteurs — dont la vitesse maximale peut facilement atteindre les 45 km/h. Au-delà de cette vitesse qui s’avère grisante à l’usage, ces produits sont aussi préférés des utilisateurs pour leur capacité de franchissement.

En effet, elles sont beaucoup moins à la peine en montée que des modèles de 250, 350 ou 500 watts. Pour les grands utilisateurs, leur qualité de châssis souvent plus robuste, leur autonomie souvent meilleure et la sécurité qu’elles procurent en raison de leur équipement (frein à disque, amortisseur, gros pneu, etc.) sont autant d’avantages non négligeables.

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Alors que faire si vous avez déjà acheté une trottinette électrique ou une monoroue qui dépasse cette limitation ? Nous avons posé la question à la Fédération des professionnels de la micromobilité (FP2M).

Ne pensez pas que les forces de l’ordre n’ont aucun moyen de verbaliser un contrevenant pour vitesse excessive

Pour l’administrateur de la fédération, Jocelyn Loumeto, il n’y a pas de raison de stopper de manière imminente l’utilisation de son véhicule. D’abord, parce que le décret est annoncé pour la rentrée 2019. À ce moment-là, chaque utilisateur se devra de respecter les règles concernant les règles appliquées aux EDPM et donc la limitation de vitesse. Et ne pensez pas que les forces de l’ordre n’ont aucun moyen de verbaliser un contrevenant pour vitesse excessive : un officier assermenté qui suivrait à moto ou en voiture un utilisateur d’un engin peut tout à fait constater l’excès de vitesse.

Mais dans ce même temps, le gouvernement devrait accorder une année aux constructeurs pour mettre fin à la distribution de produits allant au-delà de cette limitation. Les particuliers devraient se voir accorder une année supplémentaire encore.
En d’autres termes, vous devriez pouvoir utiliser votre trottinette super-puissante encore 2 à 3 ans, mais attention, on insiste, en respectant la vitesse maximale annoncée. S’il est assez simple de respecter une vitesse au guidon d’une trottinette avec un compteur, cela risque d’être un peu plus complexe sur une monoroue, à moins de disposer d’un mode dédié.

Un bridage imposé dès la sortie d’usine pour les futurs produits…

Et c’est là que les utilisateurs de ces engins doivent être très prudents. Tous le savent, leurs véhicules disposent de différents modes permettant d’en limiter la vitesse maximale, mais pour Jocelyn Loumeto cela ne devrait pas être suffisant pour être en conformité avec la loi. Alors que cela aurait pourtant résolu les problèmes concernant la majorité des engins déjà sur la route, l’application de cette limitation de vitesse ne peut être laissée à la seule responsabilité de l’utilisateur. Avouons que cela peut ressembler à une injustice par rapport à un automobiliste qui n’est pas strictement bridé dans la vitesse maximale de son véhicule, autrement que par les performances du moteur lui-même, permettant d’aller bien plus vite que les limitations en vigueur.

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Quoi qu’il en soit, il appartient désormais à l’acheteur de se préoccuper de ce critère de vitesse maximale, mais aussi aux revendeurs de faire le nécessaire pour que les produits soient techniquement bridés à 25 km/h en « sortie du carton ». Une bride ainsi consignée dans le manuel d’utilisation du produit qui permettra par ailleurs à son propriétaire de souscrire à une assurance spécifique en toute légalité.

La bonne nouvelle c’est que nous avons contacté quelques constructeurs qui nous ont indiqué faire désormais le nécessaire — et pour certains depuis plusieurs mois maintenant — pour brider la vitesse maximale de leurs engins à 25 km/h. Si d’aventure le véhicule est débridé, son utilisation sur route sera alors illégale tant au regard du Code de la route que du code des assurances. Rappelons que s’exposer à un défaut d’assurance peut aussi entraîner de très lourdes sanctions, surtout en cas d’accident.


Un bridage à 6 km/h

Si le projet de décret prévoit l’exclusion des EDPM des trottoirs au mois de septembre prochain, il ne faut pas oublier que l’article 21 du projet de loi d’orientation des mobilités prévoit lui un « cadre législatif permettant aux maires d’adapter aux enjeux locaux les règles de circulation des nouveaux engins de déplacement personnels dans les villes (trottinettes, gyropodes, rollers…) ». Le cas échéant, la vitesse de la trottinette devra être bridée à 6 km/h et une signalétique spécifique devra permettre aux autres usagers de la voie publique, comme aux forces de l’ordre, de constater que l’utilisateur de l’engin respecte le Code de la route.


 … et une subtilité intéressante pour les autres

La rédaction de FrAndroid s’est procuré le « décret relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel ». Sa lecture laisse à penser que tout n’est pas fichu pour les possesseurs d’EDPM capables d’aller au-delà des 25 km/h. Pour Olivier Mignot, référent mobilités douces pour Wizzas, « en l’état actuel de ce qu’on sait du projet de décret, les sanctions prévues s’appliqueraient en cas de dépassement de la vitesse maximale de 25 km/h sur la voie publique ».

Dans ce contexte, ce sont alors les règles de la Commission européenne qui prévalent et qui indiquent alors n’est alors pas interdit pour un particulier de posséder un produit qui va plus vite. Pour autant, il revient à l’utilisateur de vérifier dans quelles conditions il peut l’utiliser. Quoi qu’il en soit, pour s’assurer au maximum « d’être dans les clous », mieux vaut dès septembre prochain limiter la vitesse maximale de son engin. Pour cela, les moyens techniques sont d’ailleurs assez simples. Les EDPM (ou NVEI) disposent pour la majeure partie d’outils (via un logiciel intégré, une application mobile, etc.) permettant de vérifier la vitesse. Les trottinettes, par exemple, sont équipées de compteur, mais aussi de mode de conduite — parfois même personnalisables — permettant de brider la vitesse maximale.

Pour cela, les moyens techniques sont d’ailleurs assez simples. Les EDPM (ou NVEI) disposent pour la majeure partie d’outils (via un logiciel intégré, une application mobile, etc.) permettant de vérifier la vitesse. Les trottinettes, par exemple, sont équipées de compteur, mais aussi de mode de conduite — parfois même personnalisables — permettant de brider la vitesse maximale.

Un utilisateur de monoroue prendra lui le temps de configurer son « tilt back » de façon à ce qu’il soit automatiquement freiné pour ne pas dépasser les 25 km/h. Avis donc à celles et ceux qui souhaiteraient continuer de se faire plaisir en dehors de la voie publique et uniquement là où leur engin à moteur est autorisé à circuler entre 25 et 45 km/h : cela sera toujours possible.

Des EDPM rapides à l’horizon

Quiconque utilise un produit haut de gamme ne peut qu’en reconnaître les qualités. C’est pourquoi l’entrée en application du décret ne sonne pas pour autant la fin des engins « body-buildés ». C’est sûr, pour les revendeurs, le discours devra être retravaillé pour justifier du tarif de certaines trottinettes qui dépasse le millier d’euros. Désormais, les watts seront exclusivement au profit du dynamisme, quel que soit le poids de l’utilisateur, et non plus pour vanter une vitesse de pointe devenue prohibée… pour l’instant.

L’arrivée des géants de l’automobile sur ce marché pourrait en revanche changer les choses

N’oublions pas en effet que certains produits sont tout à fait conçus aujourd’hui pour rouler assez sereinement à 40 km/h (freinage, tenu de route, etc.). Une allure d’ailleurs plus confortable que les 25 km/h qu’il faudra respecter sur la chaussée, aux côtés de voitures, bus et autres poids lourds roulant à 50 km/h — surtout que ceux-ci ont encore fort à faire pour accepter l’arrivée des engins sur la voie.

C’est pourquoi, selon l’administrateur de la FP2M, la création d’une catégorie supérieure est envisageable. Celle-ci pourrait, par exemple, s’appeler « EDPM rapide » (le nom n’est pas validé) et elle permettrait de catégoriser des engins plus puissants avec les règles associées en matière de conception et de législation. À la manière des “speed bike”, ces vélos à assistance électrique pouvant atteindre les 45 km/h, ces EDPM rapides trouveraient alors leur place parmi les cyclomoteurs.

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Selon Olivier Mignot, une telle catégorie ne devrait pas voir le jour avant au moins deux ans tant le travail qui est y associé est considérable. Et à Jocelyn Loumeto d’ajouter que « si la fédération des professionnels de la micro-mobilités est une structure trop modeste pour faire avancer rapidement la création d’une telle catégorie, l’arrivée des géants de l’automobile sur ce marché pourrait en revanche changer les choses ». En effet, Seat, Audi, BMW, Daimler, Toyota ou encore Honda ont d’ores et déjà manifesté le souhait de commercialiser des EDPM performants comme véhicules complémentaires à la mobilité de leurs clients.

Pensez à vous assurer

En conclusion, il paraît évident — et à la lecture des commentaires sur les forums — que l’arrivée de cette législation ne ravit pas ces utilisateurs de nouveaux engins — qu’on appelle souvent les e-trotteurs ou wheelers — qui annoncent déjà que la limitation à 25 km/h s’avère parfois insuffisante. Et si nous sommes tout à fait d’accord pour dire que certains des engins offrent une tenue de route et des équipements suffisamment performants pour rouler au-delà, rappelons aussi que les NVEI, ou EDPM n’étaient pour l’instant que tolérés sur la route.

Une tolérance qu’il ne fallait pas prendre pour une loi acquise de fait et qui, dans le pire des cas, aurait pu donner lieu à une interdiction totale de ces engins sur la voie publique. Terminons sur un dernier conseil : pensez désormais à vous assurer. Certains acteurs proposent d’ores et déjà des offres complètes et très détaillées. C’est le cas notamment de Wizzas qui nous indique qu’une bonne assurance responsabilité civile obligatoire pour ce type de véhicule coûte environ 50 euros par an pour circuler voie publique, mais aussi ce qu’il faut savoir sur l’assurance NVEI et le débridage, notamment des engins pouvant atteindre 45 km/h.