« C’est devenue une tactique marketing » : un patron automobile chinois pointe du doigt cette pratique courante en Chine mais mauvaise pour l’industrie

Accusés de gonfler artificiellement leurs précommandes, certains constructeurs automobiles chinois se retrouvent dans le viseur de la presse d’État. Pékin veut mettre fin à ces pratiques marketing trompeuses, révélatrices en réalité d’un marché en surchauffe et d’une concurrence de plus en plus féroce comme le rapport Reuters.

Pékin veut mettre de l’ordre dans son marché automobile. En début de semaine l’agence de presse Xinhua a accusé certains constructeurs de gonfler artificiellement leurs carnets de commandes.

Selon le Xinhua Daily Telegraph, certains groupes auraient même demandé à leurs propres employés de verser des acomptes remboursables, afin de donner l’illusion d’une forte demande. D’autres auraient recours à des prestataires spécialisés dans ce maquillage commercial.

Tous veulent montrer qui a les plus gros bras

Si aucun constructeur n’est nommément cité, le message est plus ou moins clair : Pékin entend s’attaquer à des pratiques jugées trompeuses pour les clients et les investisseurs. Car derrière les chiffres spectaculaires des préventes annoncées en fanfare, les livraisons réelles seraient finalement bien inférieures.

Le ministère de l’Industrie chinois a d’ailleurs lancé en septembre une campagne de trois mois pour lutter contre le marketing mensonger.

L’affaire tombe dans un contexte particulièrement tendu : le marché automobile chinois, le premier marché mondial désormais, est secoué par une guerre des prix qui pousse constructeurs à user de toutes sortes de stratagèmes pour maintenir une image de solidité.

Cette course aux chiffres n’est pas sans rappeler les excès de l’industrie du smartphone, où les annonces de millions de précommandes avaient longtemps servi de vitrine commerciale sans contrôle externe. « Aujourd’hui, c’est devenu un outil marketing pour se vanter, mais c’est nuisible à l’équilibre entre production et ventes », a reconnu William Li, patron de Nio, qui assure ne pas pratiquer ce gonflage artificiel.

Une pratique qui peut nuire à la crédibilité des marques chinoises

L’ampleur de la manœuvre reste difficile à mesurer, mais les soupçons s’ajoutent à d’autres méthodes déjà documentées. L’agence de presse Reuters avait révélé par exemple que certains constructeurs expédiaient des voitures neuves à l’étranger pour les déclarer ensuite comme véhicules d’occasion exportés, afin d’améliorer artificiellement leurs résultats.

Derrière ces dérives, c’est tout le modèle productiviste chinois qui est en cause. Les politiques industrielles ont encouragé une surcapacité, alimentée à grands coups de subventions. Résultat : les ventes progressent (+9,9 % depuis janvier, soit 14,9 millions d’unités en huit mois), mais au prix d’une certaine opacité. En août, la Chine représentait 38 % des ventes mondiales de voitures particulières, un poids qui rend toute manipulation encore plus sensible.

En s’attaquant aux illusions comptables, les autorités chinoises veulent rappeler que la crédibilité d’une industrie ne se bâtit pas seulement sur des chiffres, mais sur la confiance. Et sur ce terrain-là, les constructeurs pourraient bien avoir plus de mal à convaincre que dans leurs communiqués triomphants.

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