Modération à géométrie variable, financement de harcèlement : YouTube est une nouvelle fois pointé du doigt

 
La plateforme YouTube a bloqué la vidéo d’une journaliste où elle dénonce le harcèlement dont elle fait l’objet, tout en laissant en ligne les vidéos encourageant son harcèlement.
Logo YouTube // Source : Frandroid

YouTube est la plus grande plateforme de partage de vidéo au monde et a récemment fêté ses 20 ans. Son importance incommensurable lui donne une responsabilité particulièrement forte sur le contenu qu’elle peut mettre en avant.

C’est dans ce contexte, par exemple, que la plateforme a mis en place des systèmes de lutte contre la désinformation, notamment au moment du Covid.

Aujourd’hui, c’est un autre aspect de YouTube qui est pointé du doigt : l’application de sa politique de modération, et donc ce que la plateforme contribue ou non à financer via son système de publicité.

L’affaire Alyssa Mercante

En 2024, la journaliste Alyssa Mercante a publié une enquête sur le harcèlement en ligne et une théorie du complot dont faisait l’objet la société Sweet Baby Inc par une partie des joueurs de jeu vidéo. Un préambule à la nouvelle guerre culturelle qui a trouvé écho avec Elon Musk et Donald Trump. Pour ce travail, elle fait depuis elle-même l’objet de campagnes de harcèlement.

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Ce mouvement de joueurs, lui, a évolué pour se structurer tout au long de 2024. Frandroid le documentait en octobre 2024, il tourne désormais autour de serveurs Discord, de comptes X Premium, de forums Reddit et de chaines YouTube.

Des messages reçus ou publiés à propos d’Alyssa Mercante // Source : Alyssa Mercante

Les chaines YouTube en question ont notamment publié de nombreuses vidéos s’attaquant directement à Alyssa Mercante. Elles génèrent beaucoup d’audience et donc beaucoup de revenus.

Cette chaine YouTube a publié des dizaines de vidéos sur Alyssa Mercante // Source : capture Frandroid

La journaliste a décidé de revenir sur cette période, entre autre, par une publication sur son compte Patreon et une vidéo publiée sur YouTube.

Au cours de l’année écoulée, on m’a traitée de bien des choses : de juive, d’espagnole, de raciste, de sexiste, de trans, de pute, de prostituée, de meurtrière d’enfants, de folle, et bien d’autres choses encore. J’ai vu mon visage photoshopé sur des corps en plein acte sexuel, j’ai vu des photos retouchées pour qu’on ait l’impression que je pleure avec une ejaculation qui sort de ma bouche ou des lasers qui sortent de mes yeux.

La modération à géométrie variable de YouTube

Cette vidéo publiée par la journaliste comprenait de nombreux extraits venant des chaînes en questions et des vidéos à son sujet. La vidéo d’Alyssa Mercante n’a pas fait long feu et a été bloqué par la plateforme avec le simple message : « cette vidéo a été supprimée, car elle ne respectait pas les règles de YouTube concernant le harcèlement et l’intimidation ».

Le problème, c’est que les nombreux extraits présents dans cette vidéo proviennent de vidéos YouTube qui sont elles, belle et bien toujours en ligne, parfois plusieurs mois après leurs publications.

Autrement dit, la modération de YouTube est accusée d’avoir bloqué la vidéo d’Alyssa Mercante, en position de victime qui source le harcèlement dont elle fait l’objet, au nom des règles concernant le harcèlement, mais la même modération laisse en ligne les vidéos incriminées dont les extraits sont tirés.

Autre problème souligné par cette affaire, les vidéos incriminées qui restent en ligne continuent de générer des revenus publicitaires pour YouTube et pour les personnes accusées de harcèlement contre la journaliste.

Par ce biais-là, à la manière du service X Premium, YouTube se retrouve à la fois en position d’apporter un soutien financier à des personnes multipliant les vidéos pointant du doigt une journaliste, tout en bloquant la vidéo de la journaliste en question lorsqu’elle compile des extraits de vidéos à son encontre.

La question du financement est la clé de ce mouvement. Les principales chaînes YouTube qui surfent sur cette guerre culturelle dans l’industrie du jeu vidéo sur fond de théories du complot, réalisent de gros scores d’audiences et donc des revenus publicitaires substantiels. Publier à la chaîne des vidéos de désinformation sur ces sujets peut alors devenir une activité grandement rémunératrice pour les auteurs.

Nous avons soumis des questions à YouTube concernant cette affaire pour mieux comprendre les règles de modération et la politique de la plateforme sur le sujet. Nous n’avons pas reçu de réponses au moment de la publication.


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