Les moteurs de vélos électriques pourraient bientôt être bridés : pourquoi Bosch est accusé de tirer les ficelles

 
Bosch est accusé par plusieurs acteurs de l’industrie de protéger ses intérêts au travers d’une nouvelle réglementation sur les vélos électriques qui a été récemment proposée par la ZIV. Frandroid fait le point sur la situation.
Trek Rail moteur Bosch
Crédit : Trek

Une proposition de nouvelle réglementation sur les vélos électriques suscite une petite controverse au sein de l’industrie. À l’origine : la ZIV (Zweirad-Industrie-Verband), l’association de l’industrie des deux-roues en Allemagne, qui recommande un durcissement des règles encadrant les systèmes d’assistance électrique.

Selon ce texte, l’assistance des vélos à pédalage assisté devrait désormais être limitée à un ratio de 1:4. En d’autres termes, un cycliste développant une puissance de 100 W ne pourrait recevoir qu’un maximum de 400 W supplémentaires de la part du moteur. Par ailleurs, la puissance d’assistance maximale serait plafonnée à 750 W. Aujourd’hui, les règles imposent uniquement aux moteurs de se limiter à une puissance nominale de 250 W.

Une influence de Bosch ?

Pour la ZIV, ce type de limitation « permettrait de garantir que les vélos électriques conservent leurs caractéristiques de vélo ». En filigrane, elle pointe probablement du doigt certains moteurs dont la puissance en pic atteint parfois les 1000 W, à l’image du système DJI Avinox ou du moteur Owuru qui équipe certains vélos électriques Decathlon, si l’on se fie à nos mesures.

Mais derrière cette évolution technique en apparence neutre, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer une tentative de verrouillage du marché. Bosch, le plus grand fournisseur de moteurs pour VAE en Europe, est accusé par certains membres de l’association d’exercer une influence excessive dans les discussions techniques pour « protéger sa place sur le marché ».

Source : Velotric/unsplash

Annick Roetynck, directrice de l’association LEVA-EU (Light Electric Vehicle Association), ne mâche pas ses mots pour Bike Radar : « Du protectionnisme. Je vais être très directe : une véritable protection. » Elle ajoute : « Je suis stupéfaite par ce qu’ils proposent ».

Des normes injustes pour certains vélos électriques

Selon elle, la position défendue par la ZIV pourrait entraver l’essor de vélos plus puissants, comme les modèles cargo destinés à la logistique urbaine ou au transport de personnes qui ont parfois besoin de puissance en pic importante pour arriver à leurs fins.

Autre point de tension : les implications pour les personnes en situation de handicap, ou plus largement les cyclistes incapables de produire une puissance suffisante. « Les personnes handicapées ou celles qui ne peuvent pas produire suffisamment d’énergie pourraient également avoir du mal à utiliser des vélos électriques si les recommandations du ZIV sont mises en œuvre », déclare Roetynck.

Bosch Performance Line CX (5e gen) (2)
Source : Bosch

Faut-il savoir que le catalogue de Bosch ne propose aucun moteur à plus de 750 W en pic. 750 W, c’est d’ailleurs le maximum qui existe au sein de son offre. Les observateurs pourraient donc interpréter la chose suivante : que Bosch fasse du lobbyisme pour que la réglementation ne dépasse pas les seuils de son catalogue. Attention : tout ceci n’est que spéculation, et non des faits avérés.

La critique est également portée par Hannes Neupert, un vétéran du secteur, actif depuis 1982 dans l’univers du vélo électrique, dans les colonnes de Bikebiz : « Je ne peux pas accepter que Bosch, juste pour protéger de manière primitive son marché principal, tente de disqualifier tous les autres ».

Des accusations fortes

Il dénonce également une dérive stratégique : « Permettez-moi de dire que Bosch cherche à protéger sa position commerciale ici. L’entreprise a pris du retard dans l’innovation des moteurs de vélos électriques et utilise toute son énergie pour tenter de freiner ou d’empêcher d’autres entreprises de gagner des parts de marché au détriment de Bosch ».

Selon lui, l’argument officiel repose sur une « concurrence dangereuse entre les fournisseurs, qui fabriquent des moteurs [plus puissants] tout le temps », mais cette justification masquerait mal les véritables intentions économiques qui se cacheraient derrière.

Vélo électrique marche
Source : Himiway/unsplash

De son côté, le ZIV tente de calmer le jeu. Tim Salatzki, directeur technique de l’organisation, assure que cette position est le fruit d’un long travail collectif : « Bosch est membre du ZIV, mais seulement l’un des 140 membres », tient-il à préciser, évoquant un processus consultatif étalé sur plus de dix-huit mois.

Des impacts potentiels sur les consommateurs

Même tonalité du côté de Bosch. Claus Fleischer, PDG de Bosch eBike Systems, explique : « Nous avons participé aux groupes de travail du ZIV, tout comme les autres entreprises membres. Pour toute question complémentaire, veuillez vous adresser au ZIV. »

Ce débat technique pourrait bien prendre une tournure politique dans les mois à venir, alors que l’Union européenne envisage de revoir son cadre réglementaire sur les véhicules électriques légers. Au-delà des querelles entre industriels, ce sont les usages futurs des vélos électriques – utilitaires, inclusifs ou simplement plus performants – qui pourraient être remis en question.