J’ai testé à Paris le Tesla FSD : pourquoi j’ai hâte que ce système encore interdit soit autorisé en Europe

Une conduite (presque) autonome

 
Encore interdit en Europe, nous avons pu tester le système FSD (Full Self-Drive) de Tesla à Paris en avant-première. De quoi découvrir un système de conduite autonome étonnant de maturité… et faire le point sur ce qui empêche son arrivée dans nos contrées.
Test Tesla FSD à Paris // Source : Frandroid

Déjà déployé aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Chine, en Australie et en Nouvelle-Zélande, le système de conduite autonome de Tesla (le FSD, pour Full Self-Drive) n’est toujours pas autorisé en Europe.

La marque essaie par tous les moyens d’accélérer le processus : après des vidéos de tests et en parallèle d’un lobbyisme prononcé, Tesla a décidé d’aller plus loin en invitant médias et clients à tester en avant-première le FSD dans plusieurs pays européens, dont la France.

Nous avons ainsi pu tester ce système pendant 45 minutes, en périphérie de Paris, à bord d’une Tesla Model 3 (presque) comme les autres. Nous en sommes sortis bluffés par sa maturité, avec des prises de décision et une fluidité remarquable.

Notre vidéo

Un essai en conditions réelles

Un trajet en périphérie de Paris

Nous avions rendez-vous à St Ouen (93), au siège social de Tesla France, où nous attendait une Model 3 a priori tout ce qu’il y a de plus banal – plaques temporaires en W exceptées. Pas de caméras supplémentaires, de LiDAR ou de radar : la seule différence est dans le logiciel, où notre Model 3 d’essai dispose du FSD V14 (la dernière en date) modifié pour l’Europe.

Trajet de l’essai // Source : Frandroid

Le FSD n’étant toujours pas homologué en Europe, le trajet se fera en passager : un employé Tesla, spécialiste du système, prendra la place conducteur. Le trajet d’environ 10 kilomètres cumulera petites rues résidentielles, centres-villes, voies rapides et zones de travaux, entre St Ouen, Bécon-les-Bruyères et Asnières-sur-Seine.

Précisons que la destination a été arrêtée arbitrairement par le conducteur, et que nous avons pu choisir le trajet pour s’y rendre et revenir au point de départ : pas de boucle préenregistrée, donc.

Une mise en confiance quasi-immédiate

Une fois la destination validée, il suffit d’appuyer sur le bouton « Start FSD (Supervised) » en haut à gauche de l’écran, même à l’arrêt, pour que le système démarre.

Test Tesla FSD à Paris // Source : Frandroid

Et si les premiers mètres sont un peu déstabilisants, avec un volant qui bouge tout seul et des manœuvres scrutées de près, il faut bien avouer que la confiance arrive presque immédiatement. La clé ? Les réactions de la voiture, remarquablement douces : freinages, accélérations et changements de caps sont à la hauteur d’un conducteur humain sûr de lui.

Autre élément capital pour la confiance : la visualisation en temps réel sur l’écran central de l’environnement de la Tesla et de sa trajectoire en bleu. Un visuel déjà disponible sur le reste de la gamme, mais toujours bon à prendre.

Test Tesla FSD à Paris // Source : Frandroid

Dernier détail sur l’interface : une spécificité européenne, l’affichage des prochaines actions de la voiture (de type « Initiating left turn maneuver », soit « Début d’une manœuvre de virage à gauche ») – l’une des stratégies de Tesla pour faciliter son adoption européenne, comme on le verra plus tard.

Des prises de décision remarquables

Sans doute le plus bluffant : les prises de décision du système. Les preuves ont été innombrables, allant de la légère décélération en amont d’un dos-d’âne pour ne pas secouer les passagers au discret décalage pour laisser passer un scooter en interfile ou une trottinette électrique en face – toujours, vous l’aurez compris, avec une grande douceur.

Le stationnement est automatique // Source : Frandroid

Et quand on arrive à destination, le FSD trouvera une place et s’y garera – sans action du conducteur, évidemment. À notre retour, la voiture a sélectionné un emplacement avec un ralentisseur : elle a décidé de ne pas le franchir (par crainte de secouer les passagers ? d’abîmer la voiture ? mystère), multipliant ainsi les manœuvres.

Les décisions peuvent parfois aller bien plus loin : dans une rue étroite, la Model 3 s’est arrêtée juste avant une place de parking libre, de quoi laisser le camion qui arrivait en face s’y placer pour que la Tesla redémarre. Les piétons font également l’objet d’un soin tout particulier – on sent que la voiture cherche à déterminer s’ils peuvent traverser, et n’hésitera pas à leur laisser le passage.

Le camion se range, on va pouvoir redémarrer // Source : Frandroid

De façon générale, la version du FSD testée (une V14 modifiée pour l’Europe) était très douce et courtoise, sans agressivité aucune. Les porte-paroles de Tesla, présents avec nous pendant l’essai, ont assuré que les modes de conduite disponibles aux États-Unis (allant jusqu’au féroce Mad Max) n’étaient pas déployés sur cette version européenne.

La voiture n’a pas hésité à se retrouver en contre-sens pour dépasser un camion stationné // Source : Frandroid

Encore plus impressionnant : le franchissement d’une ligne continue pour dépasser un camion en livraison. Un geste techniquement banni par le Code de la route, mais suffisamment dans les mœurs pour que le FSD considère, après avoir vérifié ce qui arrivait en face, qu’il pouvait le faire – dont acte.

D’autres essais en France ont montré d’autres prises de décision remarquables : dans le test de nos amis de La Chaine EV organisé à Bordeaux, la Model 3 s’est décalée en percevant une voiture de police arrivant loin derrière elle, et a spontanément choisi une autre place de parking après s’être rendu compte que l’emplacement initial demanderait trop de manœuvres.

Deux désengagements dans des conditions bien particulières

Un système bluffant, donc, mais qui a tout de même demandé deux interventions humaines durant les 10 km de la boucle d’essai – il est vrai dans des conditions bien particulières.

La première eut lieu à un carrefour, où le feu vert est passé à l’orange juste devant la Tesla, qui a décidé de s’arrêter – alors qu’elle aurait pu continuer. Avec le temps de réaction et de freinage, la voiture s’est arrêtée au niveau du feu, le rendant quasi-invisible pour les caméras (comme l’attestent la disparition des pictogrammes sur l’écran et la brève mention « Traffic light may be out of view », soit « Le feu de signalisation peut être hors de vue »).

Le feu passe à l’orange devant nous // Source : Frandroid

Le FSD a-t-il alors considéré ce carrefour comme une simple priorité à droite ? Toujours est-il qu’il a laissé traverser des piétons, puis a fait mine de redémarrer ; à peine la voiture en mouvement que le conducteur a appuyé sur le frein, désactivant alors automatiquement le FSD (comme toutes les aides à la conduite actuelles).

La seconde intervention a eu lieu sur un rond-point connu pour sa complexité, à cause de sa petite taille et du trafic intense qui l’emprunte. Nous devions faire un 3/4 de tour et la Tesla s’était placée, comme il se doit, sur la voie intérieure. Problème : le camion à notre droite a eu la même idée que nous, mais positionné en voie extérieure.

Un rond-point compliqué, aussi bien pour la machine que l’humain // Source : Frandroid

La situation a donc bloqué au moment de sortir du rond-point. La Tesla et le poids-lourd se sont arrêtés au même moment, puis la Model 3 a pris la décision de redémarrer et de contourner le camion pour prendre la sortie… mais le terre-plein central se rapprochait assez vite, obligeant le conducteur à reprendre le volant et à mettre plus d’angle pour l’éviter.

Une reprise de contrôle // Source : Frandroid

La Tesla aurait-elle pu l’éviter sans intervention ? Probable, mais nous ne le saurons jamais – le conducteur a, de façon très compréhensible, préféré ne pas prendre le moindre risque. En tout cas, une chose étonnante s’est produite : la Model 3 a redémarré au moment même où le conducteur du camion a fait un signe nous indiquant qu’il nous laissait passer. Les caméras l’ont-elles vu ? Le doute est permis, vu la proximité et la hauteur de la cabine vis-à-vis des caméras de la Tesla, mais la coïncidence est cocasse.

Une autorisation qui se fait attendre

Un système incompatible avec la législation

Vous l’aurez compris : les 45 minutes passées en compagnie du FSD auront été riches en enseignements, notamment sur la maturité d’un système pourtant non autorisé en Europe : nos étroits centre-villes ont pourtant peu de choses à voir avec les immenses artères des mégalopoles américaines.

Une situation probablement peu commune aux États-Unis // Source : Frandroid

Reste donc à savoir ce qui bloque. Le nerf de la guerre : la classification du FSD Supervisé en système de conduite semi-autonome de niveau 2, comme le reste des systèmes disponibles en Europe ; seul Mercedes-Benz commercialise un système de niveau 3 avec son Drive Pilot, mais avec des contraintes drastiques (conditions météo adéquates, vitesse maximale de 95 km/h sur autoroute, etc).

De fait, la responsabilité reste sur le conducteur, et la législation est très stricte : les prises de décision de la voiture (comme le changement de voie) doivent être confirmées par la personne au volant, et la conduite autonome de la voiture doit répondre à des règles fixes, comme dictées par des lignes de code (si le feu est rouge alors tu dois t’arrêter).

Le FSD repose uniquement sur des caméras // Source : Tesla

Deux choses auxquelles le FSD ne répond pas, de par sa façon de procéder. Depuis la V12, le FSD utilise un réseau neuronal : plutôt que de suivre une infinité de lignes de code, le système se nourrit des données accumulées par la flotte Tesla pour « apprendre » à répondre à chaque situation donnée.

Son degré de liberté, notamment sur le changement de voie et de direction ou la possibilité de ne pas avoir les mains sur le volant, accentuent cette incompatibilité.

Des tentatives tous azimuts

Ceci dit, Tesla est loin de rester les bras croisés – c’est même plutôt l’inverse. La première brique est un « traditionnel » lobbying envers les institutions, mais avec plusieurs pistes.

La première, c’est l’objectif de modifier la réglementation, via une mise à jour du règlement DCAS (Driver Control Assistance Systems) qui pourrait remplacer l’actuelle norme (UNECE R79) et supprimer les contraintes actuelles de direction et d’initiatives du système. Pour plaider en sa faveur, Tesla a déjà fourni les données des prototypes de voitures sous FSD (comme celle que nous avons essayée), ayant déjà totalisé plus d’un million de kilomètres en Europe.

Tesla FSD // Source : Tesla

Autre voie tentée : le règlement 2018/858 de l’Union européenne, permettant d’obtenir une dérogation d’un pays pour autoriser une technologie ou un véhicule pas encore homologué. Si la dérogation est acceptée au niveau d’un pays, la législation européenne rend l’adoption par les autres pays quasi certaine.

Pour cette dérogation, Tesla cible les Pays-Bas et son RDW (l’organisme en charge de l’immatriculation des véhicules), allant même jusqu’à clamer dans un tweet qu’il « s’est engagé à accorder l’homologation nationale néerlandaise en février 2026 »… avant de se faire sèchement contredire par le RDW, qui précise qu’il n’a accepté qu’une démonstration du FSD. Rien de plus.

Test Tesla FSD à Paris // Source : Frandroid

Troisième moyen, pour le moins offensif : nous. En ouvrant l’accès à des sessions de conduite sous FSD aux médias et au grand public, Tesla s’offre une immense opération de relations publiques pour presque rien, et permet d’avoir un grand nombre de retours (tous très positifs, et à raison) pour appuyer son cas. Évidemment, nous n’avons pas été rémunérés par Tesla pour participer à cette expérience, mais notre simple couverture nourrit sa stratégie.

Notre avis : un système remarquable

Il est l’heure de conclure : le FSD Supervisé a-t-il sa place en Europe ? Pour nous, oui.

Alors, certes, tout n’est pas parfait : si la confiance arrive rapidement en passager, le conducteur voit-il une amélioration de son expérience ou doit-il au contraire rester en hypervigilance constante ? La façon de faire de Tesla pour l’autorisation du système est-elle acceptable ?

La Tesla laisse passer le taxi avant de redémarrer // Source : Frandroid

Des questions rapidement balayées devant la maturité de ce système, entraîné avec « seulement » 1 million de kilomètres de routes européennes ; la nature même du FSD rendra l’expérience toujours plus fiable et reposante au fur et à mesure où la flotte engrange expérience et kilomètres.

Bref, même si on comprend que l’arrivée du FSD en Europe n’est qu’une question de temps, on se surprend à croire que le plus tôt sera le meilleur.

Recherche IA boostée par
Perplexity