JMGO veut « remplacer la TV » : son fondateur nous explique comment les vidéoprojecteurs vont tuer les téléviseurs

 
Deux heures dans les bureaux de JMGO à Shenzhen avec Forrest Li, le fondateur. Le patron du n°2 chinois du vidéoprojecteur ne vise pas une niche de cinéphiles : il veut tuer votre TV.
Forrest Li, CEO et fondateur de JMGO // Source : Frandroid

J’ai passé deux heures dans les bureaux de JMGO à Shenzhen avec Forrest Li, le fondateur et CEO.

Le patron du n°2 chinois du vidéoprojecteur m’a détaillé sa stratégie d’invasion du marché européen. Il ne vise pas une niche de cinéphiles, il veut carrément tuer votre télé.

Pour aller plus loin
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Vidéo

Nous avons publié une vidéo en complément de cet interview, disponible sur YouTube.

« La télé ? Un rectangle noir moche sur votre mur »

Forrest Li ne tourne pas autour du pot quand je lui demande si ses projecteurs vont remplacer les téléviseurs : « Je pense qu’ils les remplacent déjà en partie ». Son argument commercial est redoutable de simplicité : pourquoi s’encombrer d’un écran de 65 pouces qui occupe une grande place dans votre salon quand un projecteur peut disparaître et projeter 120 pouces quand vous en avez besoin ?

Le patron de JMGO a visiblement étudié le marché français. Il note que « en France, il n’y a pas de mur noir comme en Chine, c’est plutôt gris clair ». Autrement dit : cet énorme rectangle OLED noir qui décore (ou plutôt enlaidit) votre salon quand il est éteint, ça ne passe plus. Et il n’a pas tort, j’avais moi-même basculé sur vidéoprojecteur après que ma moitié ait posé un veto catégorique sur une télé plus grande.

JMGO mise tout sur ce positionnement « objet de décoration ». Leurs projecteurs aux formes arrondies (le N1 Ultra ressemble à un galet design) peuvent même servir d’enceinte connectée quand l’écran est éteint. Le produit reste visible sans être agressif, là où une télé est soit allumée (et consomme de l’énergie), soit éteinte (et moche).

Laser tricolore : la solution au problème de la luminosité

Le seul vrai handicap du vidéoprojecteur face à la télé, Forrest Li le reconnaît sans détour : « Leur seule faiblesse reste la luminosité, qui limite l’usage en plein jour ». Mais selon lui, la technologie laser tricolore (RGB) règle progressivement ce problème.

JMGO travaille avec Nichia (le fabricant japonais de LED et lasers) sur ce qu’ils appellent les « lasers 42 », une nouvelle génération de modules rouge-vert-bleu censés augmenter drastiquement la puissance lumineuse. Combien de lumens au final ? Forrest Li reste évasif, mais il promet que leurs futurs modèles « offrent une expérience visuelle claire, même dans un environnement lumineux ».

En parallèle, JMGO développe avec Texas Instruments (fabricant des puces DLP qui équipent presque tous les projecteurs du marché) de nouvelles solutions pour améliorer l’efficacité thermique et donc permettre plus de luminosité dans un châssis compact. Le défi technique est costaud : faire rentrer plus de 3000 lumens dans un boîtier portable sans qu’il se transforme en radiateur bruyant.

Intelligence artificielle partout (évidemment)

Comme tous les constructeurs chinois en 2025, JMGO saupoudre de l’IA sur ses produits. Forrest Li m’a listé les fonctions en développement :

  • Verrouillage intelligent de l’écran : la caméra détecte si quelqu’un passe devant le projecteur et met en pause
  • Positionnement automatique : correction de la géométrie en temps réel si le projecteur bouge
  • Optimisation de la qualité d’image : upscaling IA pour donner un rendu « récent » aux vieux films
  • Adaptation selon la scène : ajustement automatique des paramètres selon le contenu (sport, film sombre, animation…)

Est-ce que c’est révolutionnaire ? Non. Est-ce que c’est du vrai machine learning maison ou du post-traitement rebrandé « IA » ? Forrest Li m’assure qu’ils développent leurs propres modèles, mais impossible de vérifier. Ce qui est certain, c’est que ces fonctions apportent du confort réel, l’autofocus et la correction automatique sont devenus indispensables sur un projecteur portable.

Dolby Vision/Atmos : « Ça coûte cher, mais ça vaut le coup »

J’ai demandé à Forrest Li combien coûtent les certifications Dolby. Réponse cash : « Les frais de licence sont élevés ». Le processus est lourd : enregistrement dans le système Dolby, pré-tests internes, envoi d’échantillons au labo Dolby, validation, tests finaux, rapports… Ça prend des mois et des dizaines de milliers de dollars (probablement plus proche des six chiffres pour un catalogue complet).

Pour aller plus loin
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Mais pour JMGO, c’est non négociable : « Ça permet d’offrir une meilleure expérience audiovisuelle aux utilisateurs, donc ça vaut la peine ». Bref, sans le logo Dolby sur la boîte, impossible de justifier un prix premium face à la concurrence chinoise qui inonde le marché de clones bas de gamme.

JMGO vs Xgimi : « Nous sommes des pionniers »

Quand je lui demande comment il se différencie de son rival direct Xgimi, Forrest Li joue la carte de l’innovation historique.

Il égraine fièrement les premières de JMGO :

  • Premier projecteur intelligent A1
  • Premier projecteur portable à batterie P1
  • Premier projecteur à focale ultra-courte O1
  • Premier projecteur laser tricolore sur gimbal N1

Le message est clair : « Nous innovons, les autres copient ». Difficile à vérifier sans analyser chaque lancement historique, mais JMGO a effectivement sorti le premier projecteur grand public avec gimbal motorisé (cette nacelle qui permet de projeter au plafond). Xgimi a suivi 18 mois plus tard.

Sur le design, Forrest Li insiste beaucoup : « Nous mettons en avant dans nos showrooms la diversité et l’originalité des formes de nos produits ». Pour lui, il faut donc arrêter de faire des pavés rectangulaires noirs anonymes. JMGO préfère les formes organiques, arrondies, qui « rapprochent le consommateur » plutôt que de faire froid et technique.

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Fabrication : tout JMGO sauf les puces et les lasers

Niveau transparence sur la supply chain, Forrest Li joue cartes sur table : « À l’exception des chipsets et des modules laser, tous les autres composants sont conçus et fabriqués par JMGO ».

Concrètement :

  • Puces DLP : Texas Instruments (comme 95% du marché)
  • Modules laser : Nichia principalement
  • Processeur : ARM (probablement Amlogic ou MediaTek pour Android TV)
  • Tout le reste : conception et fabrication JMGO dans leurs usines en Chine

C’est honnête. JMGO ne prétend pas réinventer la roue sur les composants critiques où les géants américains/japonais ont 20 ans d’avance. Ils se concentrent sur l’optique propriétaire (lentilles, miroirs, diffuseurs), le design mécanique et l’intégration logicielle.

Développement Europe : 100 points de vente, bientôt plus

JMGO est déjà présent dans « près de 100 points de vente en Europe » via les réseaux Apple Premium Resellers, des enseignes spécialisées comme Boulanger en France, et un corner chez Smartech aux Galeries Lafayette Paris.

Forrest Li est catégorique : « Pour les projecteurs, la démonstration et l’expérience physique sont essentielles ». Impossible de vendre un projecteur laser tricolore à 2000 € sans montrer ce que ça donne in situ. D’ici fin 2025, JMGO prévoit de multiplier les « zones d’expérience » dans les magasins partenaires français.

Le défi ? Convaincre les enseignes de créer des espaces sombres dédiés en magasin. Parce qu’un projecteur exposé sous les néons blancs d’un Media Markt, c’est contre-productif, l’image paraît délavée et tue l’argument commercial. JMGO négocie actuellement avec Fnac et Darty pour installer des alcôves de démonstration avec éclairage contrôlé.

Gaming : 4K 120Hz en 2026, certification Xbox à venir

Forrest Li m’a glissé une info intéressante : JMGO prépare un modèle gaming en 2026. La fiche technique visée :

  • 4K à 120Hz (vs 1080p à 240Hz sur leurs modèles gaming actuels)
  • Latence sous 20 ms

C’est cohérent avec la stratégie de remplacement de la télé : les gamers veulent du 120 fps en 4K, pas du 1080p. Mais attention, produire un projecteur 4K 120 Hz vraiment fluide et lumineux dans un format portable, c’est un défi technique énorme. Les puces DLP actuelles de TI peinent déjà à tenir ces performances sans surchauffe.

Consommation énergétique : l’argument qu’on n’attendait pas

Forrest Li a sorti un argument auquel je ne m’attendais pas : « Un projecteur consomme environ 110W, beaucoup moins qu’une télé ». Il a raison, un téléviseur OLED de 65 pouces tourne plutôt autour de 150-200 W en usage normal, voire 300 W en HDR poussé.

En France, et En Europe surtout, où l’écoconception et les étiquettes énergétiques ont éliminé des rayons les TV trop gourmandes, c’est un argument commercial pertinent. Forrest Li note d’ailleurs que en Chine aussi il y a des étiquettes énergétiques et que JMGO se positionne en niveau 1 (le meilleur), là où les TV sont généralement niveau 3.

Petit bémol : l’étiquette énergie européenne ne s’applique pas encore aux vidéoprojecteurs. Donc impossible de comparer officiellement. Mais sur le papier, l’argument tient : un projecteur allumé 3h par jour consomme moins qu’une TV équivalente.

Les technologies optiques en développement

Pour les lecteurs techniques, voici ce que JMGO développe actuellement côté optique selon Forrest Li :

Technologie multi-niveaux de diffusion homogène inspirée de l’œil composé, technologie multi-niveaux de renforcement du contraste par diaphragme, et technologie multi-niveaux LSR de réduction des tavelures.

Voilà. C’est exactement ce qu’il m’a dit. Des noms de technologies qui sonnent impressionnants, mais zéro explication concrète sur ce que ça fait vraiment. J’ai essayé de creuser pendant l’interview, mais Forrest Li est resté dans le flou, soit parce que c’est confidentiel, soit parce que c’est encore au stade de recherche et qu’ils ne savent pas eux-mêmes si ça marchera.

Ce que je peux deviner (mais c’est de la spéculation) : la première concerne probablement l’uniformité de la luminosité sur l’écran, la deuxième joue sur le contraste dynamique, la troisième s’attaque au « speckle » (cet effet de points scintillants des lasers). Mais je ne vais pas vous vendre du vent en inventant des détails que le CEO lui-même n’a pas donnés.

Après ce sont les problèmes actuels des vidéoprojecteurs. Par exemple, le fait que le centre est toujours plus lumineux que les coins ou comment améliorer les noirs profonds sans dégrader les hautes lumières.

Est-ce que ça va révolutionner le marché ? Difficile à dire sans tester les résultats. Mais ça montre que JMGO investit sérieusement en R&D optique plutôt que de juste acheter des modules tout faits et coller leur logo dessus.

Et la grosse question : le prix face aux télés OLED ?

Forrest Li est direct : « Le prix d’un projecteur coûte peut-être la moitié ou un tiers d’une télé » de taille équivalente. Un N1 Ultra qui projette 120 pouces tourne autour de 2000-2500 €. Une télé OLED de 120 pouces ? Si elle existe, comptez 15 000 à 30 000€.

Même en comparant avec du 85 pouces (la plus grande taille accessible aux mortels), on est à 3000-4000€ en OLED premium. Le projecteur reste compétitif. Mais (et c’est un gros mais), l’OLED offre des noirs parfaits, une luminosité écrasante en HDR, et aucun souci d’installation. Le projecteur demande un mur blanc ou un écran, une pièce pas trop lumineuse, et un setup audio séparé si vous voulez du son correct.

Forrest Li assume ce positionnement : JMGO vise les gens qui veulent du grand écran sans l’encombrement visuel d’une télé géante. C’est un choix lifestyle autant que technique.

Mais (toujours un mais) : réussir en Europe demande plus que de bons produits. Il faudra convaincre les enseignes d’installer des vraies zones de démo, éduquer le consommateur français qui ne connaît pas la marque, et tenir face à des géants comme Epson, BenQ ou Sony sur le segment premium.

Le pari de JMGO : dans 5 ans, avoir un projecteur dans un salon français sur quatre. Ambitieux ? Totalement. Impossible ? Peut-être pas.


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