Mails dynamiques dans Gmail et RCS : Google tente de réinventer les standards

 

Google veut faire évoluer l’e-mail et imposer le successeur des SMS, le RCS, après avoir échoué à proposer sa solution de messagerie. À l’heure de Slack, Whatsapp ou iMessage, on pourrait se dire que c’est une vieille idée qui n’en vaut plus la peine. Pourtant, aussi anciens soient-ils, on a besoin de protocoles standardisés à l’heure du tout propriétaire.

Le mail et le SMS, ces dinosaures

On l’oublie souvent, mais les protocoles de communication qui nous paraissaient révolutionnaires dans les années 90 étaient pourtant beaucoup plus anciens. Le premier email sur le réseau ARPANET a été envoyé en 1971, à l’époque où les micro-ordinateurs n’existaient même pas encore. Le premier SMS, à côté, est un bébé : il n’a été envoyé qu’en 1989.

Malgré leurs défauts, l’email et le SMS ont un avantage indéniable sur la multitude de services qui auraient dû les tuer depuis des années : ils sont universels. Quel que soit mon téléphone, quel que soit l’appareil connecté à Internet que j’utilise, je peux envoyer un SMS et/ou un email à quelqu’un qui le recevra. Ça paraît insensé. Pas besoin d’être abonné à un réseau social ou un service de messagerie cool qui change d’icône moche, pas besoin d’utiliser une certaine marque de smartphones à plus de 1 000 euros, pas besoin de vendre une partie de sa vie privée à des agences de pub. L’email et le SMS, oui, osons le dire, c’est le « turfu ».

Google voudrait amplifier le mail

Du moins on aimerait bien que ça le soit, justement, parce qu’on a besoin de leur évolution, afin de ne pas basculer complètement dans un monde où ne survivraient que ces silos propriétaires. Heureusement, nous avons Google, une entreprise qui excelle dans de nombreux domaines, sauf dans un : imposer des solutions propriétaires de messagerie. Et c’est une bonne chose, car du coup, un acteur majeur s’intéresse encore à l’amélioration de l’email et du SMS. Enfin comme beaucoup de choses chez Google, la réalité est un peu plus complexe qu’elle n’y paraît.

La technologie « AMP for email », présentée en février 2018, semble être prête à se manifester dans la dernière version de Gmail. L’idée, dévoilée lors de l’AMP Conf 2018, est de rendre les emails plus interactifs et dynamiques. Plutôt que d’être ces instantanés statiques dont la date de péremption augmente à mesure que vous procrastinez le traitement de votre boite de réception, les mails « amplifiés » se mettent à jour en fonction des dernières informations (promotions, mise à jour de votre vol, nouvelles suggestions…) et vous permettent d’interagir directement avec le contenu.

Des exemples concrets ont été présentés avec Doodle, Pinterest ou Booking.com : répondre à un sondage, finaliser une inscription ou réserver un vol s’en retrouveraient facilités, sans quitter l’application ou le site Gmail. L’idée, en soi, est intéressante. On n’a de cesse de pester contre l’accumulation des mails et la difficulté de leur traitement. Google a tenté une solution à ce problème avec Inbox, que la firme de Mountain View a malheureusement sacrifié.

Les mails dynamiques sont une autre approche : rendre les mails plus utiles en tant que tels et pas comme simple passage obligé pour se rendre sur une page web peut leur redonner un intérêt qui incite à traiter sa boîte plus régulièrement. Maintenant, dans « AMP for email », il y a un mot qui fâche : AMP.

Les pages AMP partent, elles aussi, d’une bonne intention : fournir un contenu web optimisé pour le mobile, depuis les serveurs de Google, pour ne pas avoir à quitter l’application pour son navigateur web. La technologie s’est attiré les critiques de défenseurs du web pour une approche qualifiée de faussement ouverte. Google contrôle, selon eux, AMP et dépossède les créateurs de leur contenu. Google se défend de ces accusations en rappelant que AMP est open source et que n’importe qui peut contribuer à la spécification.

Le RCS pour oublier l’échec de Google Allo

On peut entendre ces critiques, mais tout de même apprécier les efforts de Google en décalage avec les tendances actuelles. Cette approche est l’une des forces du géant et après le fiasco — on peut le dire — de sa solution de messagerie Allo, on peut voir comme un signe positif le fait que Google se recentre sur la promotion des RCS.

C’est désormais le dada de Google : transformer son app Messages, celle qui marche, en client modèle pour les Rich Communications Services, le protocole du consortium GSMA, déjà en travaux depuis 2008. Google, mais aussi Samsung ou Microsoft, et plus de 40 opérateurs dont Orange planchent déjà sur le sujet. Pour rappel, le RCS ajoute de nombreuses fonctionnalités aux vieillissants SMS : conversations de groupe, appels vidéo, transfert de fichier, partage de géolocalisation… Bref, tout ce qu’une messagerie moderne peut offrir, mais sans les incompatibilités.

Google ne soutient pas RCS la fleur au fusil : son but est là encore de pousser sa propre architecture cloud, Jibe, proposée aux opérateurs pour accélérer le déploiement de la technologie. Une démarche pas désintéressée, donc, mais qui a, là encore, le mérite de s’appuyer sur des protocoles ouverts.