Non, rouler à 110 km/h sur autoroute n’a pas « aucun intérêt » selon cet économiste

 

Certains médias relayent le discours présumé d'un chercheur français, auteur du GIEC, qui aurait dit que "rouler à 110 km/h n'aurait aucun intérêt" sur autoroute. Mais la réalité de son discours est en fait bien différente.

Porsche Taycan
Porsche Taycan

Mais, comment un économiste français, auteur des 4e et 5e rapports du GIEC, aurait pu tenir un discours pareil ? Annoncer que rouler à 110 km/h (au lieu de 130 km/h) sur autoroute n’a aucun intérêt est quand même culotté. C’est ce que laisse, en tout cas penser, les titres d’articles de certains médias automobiles, comme le relève Arrêts sur images.

Si l’on creuse un peu plus le sujet, on se rend compte que Christian Gollier, le fameux économiste cité par nos confrères et consœurs tient un discours un peu plus modéré en pratique. Et surtout, il donne un avis d’économiste, et absolument pas un avis de scientifique soucieux de sauver la planète par tous les moyens disponibles, quels qu’en soient leurs coûts. Ce qui ne veut pas dire que son avis ne doit pas être pris en compte, au contraire, mais qu’il faut comprendre le fond de ses propos avant de les relayer, et les nuancer.

Ce qu’a vraiment dit l’économiste

L’économiste annonce qu’en « 2022, avec la guerre en Ukraine, je me suis dit que j’allais rouler à 110 km/h pour réduire l’achat de pétrole en Russie (…) J’ai fait les calculs après avoir fait cet effort et ce passage de 130 à 110 km/h présente bien l’avantage d’améliorer l’efficacité énergétique des moteurs. On parcourt plus de kilomètre par litre d’essence. Mais cela est très faible. On gagne peu en autonomie et en émissions de CO2, par rapport au temps perdu ».

Avant d’ajouter que « le coût essentiel de cela, c’est le temps de parcours qui est augmenté de 20 %. Quand vous mettez une valeur sur le temps, le gain en écologique et de pouvoir d’achat est largement dépassé par le coût du temps perdu« . Quelle valeur Christian Gollier prend-il en compte pour conclure de la sorte ?

Source : D. Chauveau

« Chaque heure travaillée en France fabrique en moyenne environ 70 euros de valeur pour le pays. J’en conclus que cette réduction de vitesse sur cette distance (1000 km) impose un sacrifice de temps équivalent à 2 x 1,4 x 70 = 196 euros, soit, net de l’essence économisée (11 x 0,81 = 9 euros), un montant égal à 187 euros, tout cela permettant d’éviter d’émettre 28 kg de CO2. Par tonne de CO2 évitée, cela revient à un sacrifice collectif de 6 679 euros – plus de 100 fois le prix de la tonne de CO2 d’aujourd’hui« .

Une pensée de scientifique… ou d’économiste ?

On voit donc là le raisonnement d’un économiste, qui réfléchit, avant tout, pour l’économie, et non pas forcément pour la planète. Ne serait-il pas juste d’affirmer qu’une tonne de CO2 épargnée vaut bien 6 679 euros ?

Le calcul peut également être pointé du doigt. Rappelons en effet que les Français conduisent, en moyenne, par jour, 26 km, principalement pour les allers et retours entre le domicile et leur travail. Se déplacer à plus de 80 km de son domicile ? Cela arrive, en moyenne, six fois par an pour les Français.

Et, lorsqu’un conducteur emprunte une autoroute dont la limitation de vitesse est de 130 km/h, c’est principalement pour se rendre en vacances ou en week-end. Ce qui signifie que le temps « perdu » en roulant à 110 km/h au lieu de 130 km/h est du temps de « repos » et non pas du temps de « travail ».

Si l’on suit le raisonnement de l’économiste, la voiture électrique serait une mauvaise idée, à cause des temps de recharge sur longs trajets, qui font « perdre » du temps. Heureusement, la recharge rapide diminue fortement ce temps, comme on a pu le prouver sur un Paris – Marseille avec différentes voitures électriques dotées d’une autonomie théorique de 400 km. Sachant que la recharge en moins de 10 minutes arrive plus vite qu’on ne le pense.

La mobilité du futur : décarbonée et active

La vision de la mobilité de Christian Gollier est toutefois un mélange de décarbonation et de sobriété. Pour lui, il faut avant tout décarboner l’économie. Et les transports. Et cela passe alors par le train (les transports en commun), le vélo et la voiture électrique, comme il le mentionnait récemment dans un tweet. L’économiste est ainsi pour une sobriété, en privilégiant les transports en commun et le vélo à la voiture lorsque cela est possible.

Quoi qu’il en soit, rouler à 110 km/h au lieu de 130 km/h permet de réduire drastiquement la consommation d’essence… ou d’électricité. Nous avions en effet prouvé que les voitures électriques consomment environ 15 % d’énergie en moins en roulant à 110 km/h au lieu de 130 km/h. Avec les voitures essence et diesel, il semblerait que ce chiffre s’approche plutôt des 20 à 25 % selon les moteurs et les modèles.

Cela s’explique par le meilleur rendement énergétique des moteurs électriques. À ce titre, rappelons que les voitures électriques permettent d’utiliser deux à trois fois moins d’énergie par kilomètre parcouru que leurs homologues thermiques (essence et diesel). Même les voitures à hydrogène ne pourront pas rivaliser avec les voitures électriques.

À une époque où le réchauffement climatique est réel et continu, il paraît dangereux de ne pas utiliser toutes les possibilités qui nous sont offertes pour limiter celui-ci. Abaisser la vitesse sur les autoroutes est une mesure simple et facile à mettre en œuvre avec un résultat immédiat.


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