C’est un fait, établi et soutenu par de nombreuses études : sur son cycle de vie, une voiture électrique pollue bien moins qu’une thermique, et ce même si l’électricité utilisée pour son fonctionnement provient uniquement de gaz ou de charbon. Les préjugés ont cependant la tête dure, et de nombreux articles décrédibilisant la voiture électrique sur l’onglet écologique et humain continuent de circuler.
Après le scandale de l’extraction du cobalt en République Démocratique du Congo par des enfants, un nouvel article nous alerte sur des conditions similaires pour le mica à Madagascar, et tisse un lien direct et très appuyé avec la voiture électrique. Essayons d’y voir plus clair.
Le mica, un matériau très répandu qui ne date pas d’hier
Avant toute chose, penchons-nous sur ce qu’est le mica. Il s’agit d’un minéral qui fait partie du granite, connu pour deux propriétés bien particulières.
La première, c’est son côté scintillant (qui explique son nom, dérivé du latin micare signifiant briller, scintiller). Une fois broyé, il se retrouve sous forme de paillettes dans les peintures métallisées de nos voitures… mais également dans le maquillage, et ce depuis plusieurs dizaines d’années.
Sa seconde (qui, vous vous en doutez, nous intéresse bien plus) concerne ses excellentes qualités isolantes, aussi bien thermiques qu’électriques. Là aussi, son usage est très répandu, aussi bien dans l’électroménager (grille-pains, fours à induction, etc.) qu’autour des câbles électriques dans des utilisations exigeantes : hôpitaux, tunnels, bateaux et autres.
Notons par ailleurs que ce minéral est assez abondant sur notre Terre. Si les plus grosses exploitations se trouvent en Inde et à Madagascar, il s’avère qu’on en trouve aussi en… Bretagne, tandis qu’une catégorie bien spécifique de mica, dit lithinifère, pourrait faire de la France un producteur de lithium à hauteur de plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an — mais nous nous égarons.
Un article très à charge
Si on vous parle aujourd’hui du mica, c’est à cause d’un article très à charge à ce sujet paru chez Aftonbladet, un quotidien suédois extrêmement populaire. Deux journalistes, Staffan Lindberg et Magnus Wennman, se sont ainsi rendus à Madagascar pour enquêter sur son exploitation.
Et ce qu’ils remontent a de quoi faire peur. D’après eux, l’extraction du mica sur l’île est quasi exclusivement réalisé par des enfants dans des mines illégales, pour une paye dérisoire et sans aucune forme de sécurité. Selon eux, des exploitants ont profité d’une importante sécheresse en 2021 pour profiter de la détresse des habitants et ouvrir des mines un peu partout ; ces derniers, privés de ressource, ont dû y travailler pour espérer gagner de quoi se nourrir un minimum.
Si on vous en parle, c’est parce que l’article tisse un lien très direct avec les voitures électriques. D’après ses auteurs, les batteries de nos chères autos sont recouvertes de mica afin de les protéger du feu — rappelez-vous de ses propriétés isolantes dont on parlait plus haut. Chaque batterie en contiendrait environ dix kilos, contribuant a priori en première ligne à la multiplication par cinq de la demande en dix ans.
Peut-on s’y fier ?
L’extraction du mica par des enfants à Madagascar est une réalité dénoncée par beaucoup, y compris l’UNICEF. Aucune raison, donc, de revenir dessus. Ce qui nous gêne, c’est que l’article désigne la voiture électrique comme étant la seule cause de cet effroyable constat.
Certes, à raison de dix kilos par unité, la demande en mica pour le secteur des batteries semble être importante. Ce serait cependant oublier tous les usages listés en début d’article, tous très implantés et très demandeurs. Un constat qui n’est pas aidé par le très faible nombre de chiffres dans l’article ; certes, pour sa défense, cette industrie est particulièrement opaque.
Sans traçabilité ni certification, il est très difficile de déterminer où part le mica extrait à Madagascar ; il est donc d’autant plus difficile de comprendre pourquoi les deux journalistes attaquent aussi frontalement les voitures électriques, alors qu’ils ne peuvent se baser que sur des hypothèses.
Terminons enfin par un détail troublant : l’article a été publié le jour de l’ouverture d’un salon dédié aux voitures électriques à Göteborg, en Suède. Serait-on en présence d’anti-voiture électrique primaire ?
Une exagération parmi tant d’autres ?
Voilà qui nous rappelle autre chose : le scandale autour du cobalt. De nombreux articles ont en effet relayé l’exploitation infantile dans les mines en République Démocratique du Congo au cours des dernières années. Une réalité… très exagérée : « À Contresens », un documentaire de 2020 produit par la RTS (Radio Télévision Suisse), a en effet prouvé que cela ne concernait « que » 20 % des mines de RDC, soit moins de 5 % de la production mondiale.
Entendons-nous bien : c’est 5 % de trop, sans le moindre doute, mais bien loin de ce qu’annonçaient tous ces médias. D’autant plus que ce chiffre ne devrait que baisser, devant la montée des exigences en matière de droits humains et des nouvelles technologies de batteries dénuées de cobalt. On pense ici aux batteries lithium-ion de type LFP (lithium — fer — phosphate) sans cobalt, ainsi que celles au sodium, qui ne contiennent pas de lithium, et qui intéressent énormément la Chine ces derniers temps.
Cet article est également un bon moyen de répéter que tous les autres mensonges restent faux : non, il n’y a jamais de terres rares dans les batteries, non, il n’y en a pas forcément dans les moteurs électriques (la Renault Zoé s’en passe, comme toutes les Renault de la prochaine génération et les prochaines Tesla), oui, le recyclage des batteries est déjà une réalité, et ça se passe très bien.
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