Pourquoi les batteries les plus prometteuses du moment divisent le monde

Quelques doutes s'élèvent

 
Dans le petit monde des batteries de voitures électriques, une technologie fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps : les batteries au sodium, sans lithium. Louées pour leurs nombreux avantages par rapport aux batteries traditionnelles au lithium, une véritable frénésie est en cours à leurs sujets… mais quelques observateurs restent sceptiques sur leur adoption massive. On fait le point.
La fameuse batterie // source : Northvolt

Les batteries au sodium nous intéressent chez Frandroid ; on vous en parle d’ailleurs fréquemment. Un petit rappel : en préférant le sodium au lithium actuellement utilisé sur l’ensemble des voitures électriques du marché, ces nouveaux packs possèdent des qualités bien réelles.

En premier lieu : le prix. Débarrassée du lithium, mais également du cobalt, du manganèse ou du nickel, une batterie sodium-ion coûte beaucoup moins cher à produire qu’une lithium-ion, un avantage clef pour la production de petites voitures abordables. Beaucoup d’acteurs de la batterie s’y penchent donc, mais certaines voix commencent à s’élever pour tempérer un peu les esprits.

48 projets dans les cartons !

Un utilisateur de X (ex-Twitter), tphuang, est ainsi tombé sur une des meilleures preuves de la frénésie qui agite la Chine à propos de ces batteries au sodium. D’après un document qu’il a trouvé sur le site chinois Chuneng, il y aurait actuellement 48 projets d’usines de batteries au sodium au travers du pays, soit une production annuelle colossale de 400 GWh ! De quoi équiper annuellement 10 millions de voitures électriques dotées d’une batterie de 40 kWh.

L’autre chiffre impressionnant, c’est l’investissement total de 160 milliards de yuans, soit près de 21 milliards d’euros.

Parmi les projets les plus importants, on vous a déjà parlé de l’usine de BYD d’une capacité de 30 GWh ainsi que celle de la startup Zoolnasm de 20 GWh, mais on se rend compte que ces deux usines sont loin, très loin de représenter la majorité des productions attendues de batteries au sodium. Reste que l’auteur du tweet reste lucide et estime que la majorité de ces projets pourraient ne pas voir le jour.

Le lithium n’a pas dit son dernier mot

Cette volonté de temporisation est également audible sur le site américain InsideEVs, où on peut lire l’interview d’Evelina Stoikou, experte dans le stockage d’énergie au sein de la Bloomberg New Energy Foundation. D’après elle, l’agitation autour de la technologie sodium-ion est due à un principal facteur : la hausse du prix des batteries lithium ion. « Le sodium-ion a fait l’actualité lorsque les prix du lithium étaient très élevés, juste après les perturbations liées au Covid-19 et la guerre en Ukraine qui a touché le nickel », précise-t-elle.

Seulement voilà, le cours du lithium est en train de s’effondrer, avec une baisse du prix de 14 % entre 2022 et 2023. D’après InsideEVs, le prix du kWh pourrait même tomber sous les 100 dollars en 2027, contre 139 actuellement : voilà donc qui risque de mettre des bâtons dans les roues du développement des batteries au sodium.

Un véritable toboggan // source : Bloomberg

D’autant plus que cette technologie a un défaut par rapport aux batteries lithium-ion : la densité énergétique est bien moindre. En d’autres termes, ces batteries contiennent moins d’énergie dans un même volume et un même poids qu’une batterie lithium-ion.

Certes, les projets en Chine concernent principalement le domaine des micro-voitures et des tricycles, très répandus dans ce marché, mais bien moins au goût des Américains et Européens. Un indice de plus sur la difficulté potentiel d’export de ces batteries ?

Les projets continuent en Europe

Après la Chine et les États-Unis, nous terminons notre tour du monde en Allemagne, où le site Electrive nous annonce qu’un partenariat a vu le jour entre deux entreprises (EAS Batteries & Ionic Liquids Technologies) et trois instituts de l’Université technique de Brunswick sous la forme du projet NaNaBatt.

L’idée ? Développer des cellules de batteries au sodium, donc, avec comme but de rivaliser avec les batteries au lithium en termes de densité énergétique. La durabilité n’est pas oubliée, puisque ces cellules devront garder une capacité supérieure à 90 % par rapport à celle initiale après 1 000 cycles de charge-décharge, soit environ 400 000 km. Rendez-vous dans trois ans pour découvrir les résultats.

Source : Stellantis (pour illustration)

Reste qu’un autre acteur européen a déjà travaillé sur la technologie au sodium. Il s’agit de Northvolt, un fabricant suédois de batteries, qui a dévoilé il y a quelques jours sa première cellule au sodium. Sa promesse ? Une densité énergétique de 160 Wh, semblable à celle qu’on retrouve aujourd’hui sur des batteries LFP (lithium — fer — phosphate). Une cellule qui reste à l’état de prototype actuellement, et qui ne devrait pas sortir en série avant quelques années.

Seconde particularité pour cette cellule : elle ne devrait pas être dédiée à un usage de mobilité, mais plutôt pour du stockage stationnaire (dans des bâtiments, par exemple)… tout comme ce qui devrait sortir du projet NaNaBatt. Peut-être est-ce le moyen de contourner les faiblesses des batteries au sodium au goût des occidentaux, et ainsi les faire arriver sur nos marchés ?


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