On connaissait les concours de beauté, on connaissait les influenceurs virtuels et générés par IA, alors il fallait que ça arrive : un concours d’influenceuses générées par IA. C’est la plateforme d’influenceurs Fanvue (un concurrent d’OnlyFans) qui a organisé ce concours avec le World AI Creator Awards (Waica), dont les résultats ont été publiés. Malheureusement, la technologie ne semble pas désobjectiver les femmes, mais y participe au contraire.
Un concours pour élire la meilleure influenceuse virtuelle
Le concours Miss AI a enfin publié ses résultats, après quelques 1500 participations venues du monde entier. Les critères étaient assez restreints : il fallait un créateur majeur derrière chaque influenceuse virtuelle et utiliser de l’intelligence artificielle pour la génération des photos desdites influenceuses. Quant aux critères d’évaluation, ils étaient pluriels :
- Beauté : à quel point l’influenceuse est « belle », mais aussi des questions ouvertes ;
- Technologie : à quel point l’influenceuse et les décors générés par IA sont réussis ;
- Influence sociale : à quel point l’influenceuse virtuelle connaît du succès sur les réseaux sociaux.
Chaque influenceuse a été notée dans ces trois catégories, afin d’avoir une note globale à la fin. Dans le jury, on trouvait deux influenceuses virtuelles, un professionnel des relations presse ainsi qu’une historienne des concours de beauté.
La première place est revenue à Kenza Layli, influenceuse virtuelle marocaine avec 207 000 abonnés sur Instagram. Sur le podium, on trouve la française Lalina qui cumule 122 000 abonnés sur ce même réseau social. Enfin à la troisième place, c’est Olivia C, une influenceuse virtuelle portugaise avec 13 000 abonnés sur Instagram.
L’intelligence artificielle aussi participe à l’objectivation des femmes
Il n’est pas si surprenant de voir qu’un tel concours existe : les influenceurs virtuels sont de plus en plus nombreux. L’avantage, c’est qu’on peut générer des photos de manière illimitée pour des coûts assez restreints, en les plaçant dans n’importe quelle situation.
C’est ce que dit constater Sasha Luccionni, chercheuse spécialisée chez Hugging Face, dans une déclaration à Ars Technica : « encore un pas de plus sur la voie de l’objectivation des femmes par l’IA. En tant que femme travaillant dans ce domaine, je ne suis pas surprise mais déçue. » Pour elle, « il n’est pas surprenant que l’on en soit venu à utiliser l’IA pour générer des images de ce à quoi ressemblent les femmes idéales. » De son côté, Meriam Bessa, PDG et co-fondatrice de Phoenix AI, l’entreprise derrière Kenza Layli, se défend dans une interview à L’Opinion : « je suis profondément féministe et humaniste. » L’influenceuse marocaine a d’ailleurs indiqué que l’IA peut « remettre en question les normes et créer des opportunités là où il n’y en avait pas auparavant », rapporte Euronews.
À l’instar des concours de beauté classiques qui existent depuis 200 ans, Miss AI a récompensé les influenceuses les plus consensuelles, que ce soit sur les critères de beauté ou sur leur influence (leur succès sur les réseaux sociaux est dû à leur posture consensuelle). Le discours de la prétendue Kenza Layli publié sur son compte le montre tout à fait : « À mesure que nous avançons, je m’engage à promouvoir la diversité et l’inclusion dans ce domaine, en veillant à ce que tout le monde ait un siège à la table du progrès technologique. » C’est d’ailleurs l’illustration du fonctionnement même de l’intelligence artificielle générative : nourrie d’énormément de photos, elle génère indéniablement des images générales, consensuelles, faute de pouvoir réellement créer de l’originalité.
Par ailleurs, le concours réaffirme des normes de beauté irréalistes, qui peuvent parfois concrètement l’être, avec des corps humains et des visages qui n’existent pas sans modifications. Pour la chercheuse en éthique de l’IA chez Hugging Face Margaret Mitchell, cela vient accentuer les problèmes qui existent déjà avec les influenceurs humains : on sélectionne ce que l’on veut montrer, et on montre une vision irréaliste de la réalité. De quoi accentuer la pression chez les plus jeunes, en particulier chez les jeunes femmes et les adolescentes. D’autant plus qu’aucun concours « Mister AI » ne semble prévu.
Derrière les influenceuses virtuelles et générées par IA, une industrie pornographique
L’objectivation du corps des femmes par ce concours va plus loin. Miss AI permet de mettre en avant Fanvue, une plateforme permettant aux créateurs de monétiser leur audience, en leur proposant des contenus exclusifs. C’est en fait un concurrent direct d’OnlyFans ou de Mym. D’ailleurs, les influenceuses du concours et même les juges, générées par IA, profitent de cette visibilité offerte par Instagram et par le concours pour vendre des photos érotiques ou pornographiques, comme plein d’autres vrais modèles sur les réseaux sociaux.
C’est par exemple ce que proposent les juges Aitana Lopez et Emily Pellegrini sur Fanvue. Quant aux gagnantes, Lalina et Olivia C ont également des comptes respectivement sur Patreon et sur Fanvue. Parmi les 10 finalistes, on comptait aussi Aiyana Rainbow, également présente sur Fanvue.
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