Panther Lake : anatomie du processeur de votre prochain PC portable

 
Prévus pour fin 2025, les prochains processeurs mobiles « Panther Lake » d’Intel doivent relever deux défis : relancer la compétitivité du groupe en matière de vente de puces et prouver à l’industrie que sa gravure 18A est au niveau de TSMC. Voici une petite dissection d’une puce stratégique pour le futur d’Intel.
Un prototype de la puce Core Mobile Ultra de 16e génération, nom de code Panther Lake. // Source : Adrian BRANCO pour Frandroid

S’il était vivant, on dirait de ce processeur qu’il a à la fois de l’ambition… Et de la pression sur ses épaules ! De son nom de code « Panther Lake », le nouveau processeur pour PC portables « Core » de 16e génération est en effet l’une des puces les plus stratégiques et vitales de l’histoire du géant Intel.

Dans un marché où Apple profite avant tout le monde des dernières technologies de gravure, où AMD dévore des parts de marché et où Qualcomm semble avoir la palme de la puissance par watt, Panther Lake a fort à faire. Intégré dans des PC portables entre fin 2025 et début 2026, il porte avec lui les espoirs de ventes accrues.

Mais l’enjeu pour Intel va bien au-delà d’un simple succès générationnel.

La nouvelle génération de puces Panther Lake (ici, une plateforme de test affublée d’un logo non officiel) // Source : Adrian BRANCO pour Frandroid

Côté face, il doit bien évidemment permettre à Intel de retrouver sa compétitivité. Successeur de Lunar Lake, il doit réussir à combiner l’efficacité énergétique record de Lunar Lake (2024) et les leçons hautes performances apprises par Arrow Lake (2025).

Côté pile, il doit aussi et surtout prouver que la gravure de sa partie CPU, appelée Intel 18A, est enfin de taille à faire face à TSMC. Et donc à rameuter des clients pour ses usines qui n’ont pas encore trouvé de marché volumique. Si Panther Lake remplit ces deux objectifs, le géant Intel, qui souffre depuis des années, pourrait reprendre du poil de la bête.

Passons donc à la loupe cette nouvelle puce pour se faire une idée du potentiel destin d’Intel. Et des performances potentielles de votre (potentiel) futur PC portable !

Plus de briques signées Intel

Comme pour ses deux aïeuls susmentionnés, Lunar Lake et Arrow Lake, Panther Lake reste une puce désagrégée. Comprendre ici qu’il ne s’agit pas d’une puce construite d’un seul bloc (design monolithique), mais d’un assemblage de morceaux de puces.

Les « compute tiles » gravée en Intel 18A de Panther Lake. // Source : Adrian BRANCO pour Frandroid

Le but de la manœuvre – un procédé hautement technique appelé « packaging » dans le jargon – étant de maintenir le prix le plus bas possible. En effet, plus les puces sont grandes, plus les rendements sont bas et les coûts élevés. En collant des briques de mini-puces, on reconstruit un processeur final moins cher et peu ou prou aussi performant.

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Par rapport à Arrow Lake, la partition change grandement. Alors que les briques du prédécesseur étaient toutes produites par TSMC (CPU en N3B, GPU en N5P, SoC en N6, i/o en N6), il n’en reste plus qu’une ou deux dans Panther Lake. Le hub de contrôle de la plateforme (PCH) est ainsi en TSMC N6 et la variante GPU à 12 cœurs en N3.

Pour le reste, la majorité des briques sont fabriquées Intel : le CPU est en Intel 18A, le GPU à 4 cœurs en Intel 3 et le tout est collé ensemble avec les technologies de packaging maison (Foveros 2.5D).

Loin d’être un détail, la production interne de ces morceaux de puces est un énorme progrès pour Intel. Qui voyait sa marge absorbée par TSMC à qui il commandait les briques les plus techniques et donc les plus chères.

Si on ne peut pas tabler sur une baisse des prix – Intel positionnera ses puces finales par rapport à la compétition, la puce devrait lui coûter moins cher que ses aïeuls, notamment Lunar Lake (2024) qui intégrait, en plus, la mémoire vive.

L’impact du Intel 18A sur le CPU

Avant d’aborder les « organes » de cette puce tout-en-un ou SoC (system on a chip), rappelons que les nouveaux cœurs CPU (lire « Deux nouveaux types de cœurs CPU » plus bas) profitent d’améliorations provenant directement de la méthode de fabrication.

Une galette de silicium ou « wafer » gravé en 18A // Source : Adrian BRANCO pour Frandroid

Appelée Intel 18A, ce que l’on appelle un « nœud » (node en anglais) de gravure, n’est pas une simple réduction de la taille des circuits. Concurrent du node TSMC N3E, ce procédé introduit deux nouvelles propriétés : RibbonFET et PowerVIA.

Source : Intel

Cette structure où les portes (gates) entourent complètement les canaux a deux vertus : réduire les fuites de courant, ce qui permet d’abaisser le voltage minimal, et donc de réduire la consommation énergétique, et améliorer la densité en transistors. Ce qui mène à des promesses allant jusqu’à une amélioration de +15% de performances par watt.

Le détail technique de PowerVIA, le nom marketing de l’alimentation par l’arrière (backside power delivery) // Source : Intel

PowerVIA quant à lui consiste à isoler les circuiteries. Plutôt que de mélanger le signal et l’alimentation énergétique, cette dernière est désormais isolée et placée à l’arrière de la puce.

Si cette conception a présenté de nombreux défis de mise en place – il faut revoir entièrement le routage, etc. – les bénéfices sont un supplément de densité de transistors (entre 5 et 10%) et encore quelques économies d’énergie (environ 4%).

CPU : deux nouvelles microarchitectures

Pour cette nouvelle famille de puces, Intel introduit deux nouvelles microarchitectures : Cougar Cove pour les cœurs haute puissance (P-Cores) et Darkmont, qui est décliné sous deux formes (E-Cores et LP E-Cores).

Commençons par Darkmont puisque c’est elle est qui la plus technique. Évolution de Skymont, ces cœurs qui fonctionnent par quatre comme les mousquetaires existent sous deux formes.

La forme LP E-Core en premier lieu, version à très basse consommation qui sera intégrée dans toutes les déclinaisons de la gamme sous la forme d’un quatuor de LP E-Cores. Isolés des autres cœurs, ils profitent de leur propre mémoire cache et sont les premiers cœurs à être stimulés quand un besoin arrive. Ce seront les seuls cœurs Darkmont présents dans les versions à 8 cœurs CPU.

Les puces Panther Lake à 16 cœurs profiteront, elles, de deux quatuors de E-Cores supplémentaires. Mais ces huit cœurs CPU supplémentaires monteront plus haut en fréquence que les LP E- Cores et ne la joueront pas en solo : ils seront ajoutés à un pool de mémoire partagée par les P-Cores. Le but de la manœuvre étant d’épauler ces gros cœurs pour les opérations très multi-threadées, et ce sans prendre trop de place sur le « die » de silicium.

Si ces « petits » cœurs peuvent être configurés en version basse consommation, ne vous y trompez pas : ce sont de « petits monstres » selon leur papa, Steve Robinson. Et si vous avez un doute quant à leur puissance, réalisez tout de même que ce sont eux qui sont intégrés dans les nouveaux processeurs « Clearwater Forest » à 288 cœurs conçus pour les centres de données.

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Toutes les versions de Panther Lake intègreront quatre cœurs à haute puissance Cougar Cove. Dérivés de Lion Cove, ces cœurs, plus imposants, profitent de leur propre mémoire cache L2 quand les E-Cores s’en partagent un pool à quatre. Mais en sus de cette cache L2, les quatre P-Cores se partagent un gros morceau de 18 Mo de mémoire cache de niveau 3 qui les aide sur les tâches les plus complexes.

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Les promesses ? Des performances en simple cœur au-delà de +10%, mais surtout un gain allant jusqu’à +50% en multicœurs et à même niveau de consommation énergétique. La plus grande finesse de gravure ayant permis de mettre plus de cœurs CPU améliorés. De quoi tutoyer AMD et Apple ?

GPU : nouvelle architecture et plus de cœurs

C’est à nouveau dans un GPU pour SoC mobile qu’Intel intègre sa future architecture GPU. Appelée Xe3, cette nouvelle microarchitecture devrait se retrouver intégrée, dans une version plus gonflée (Xe3P) dans les futures cartes graphiques dédiées qu’Intel devrait annoncer dans les tout prochains mois – si le deal avec Nvidia ne rebat les cartes.

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Disponible en version à quatre ou douze cœurs, c’est bien évidemment dans cette configuration que l’on va pouvoir prétendre jouer aux jeux les plus gourmands en performances. Devenu de plus en plus capable en matière graphique, Intel gonfle ici un peu les muscles et met clairement le gaming à basse consommation énergétique en avant.

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Cette troisième génération de microarchitecture graphique Xe3 fait montre d’une révision importante. Les registres graphiques, qui sont le cœur d’un moteur graphique classique, ont été considérablement améliorés, de même que les moteurs vectoriels et les unités de ray-tracing. Des remaniements qui sont les principales raisons de l’amélioration des performances, puisque la tuile est toujours gravée en TSMC N3, comme chez Lunar Lake.

Intel a fait la démonstration du remake de « Painkiller », un jeu de tir à la première personne (FPS). // Source : Adrian BRANCO pour Frandroid

Les puces finales n’étant même pas encore officialisées avec leurs cœurs, fréquences et prix, on imagine bien que les pilotes graphiques sont encore en train d’être peaufinés. Il n’est donc guère surprenant qu’Intel ne donne pour l’heure aucun graphique de comparaison de performances avec des jeux précis.

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Mais les mesures de performances (benchmarks) internes sont éloquentes : des opérations mathématiques comme le calcul des intersections en ray-tracing (RT intersection) ou le filtrage anisotropique (qui rend les objets lointains plus nets) sont deux fois plus rapides. Permettant à Intel de promettre jusqu’à 50% de performances en plus par rapport à Lunar Lake.

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Le graphique ci-dessus est ici très important : il met en avant l’impact des améliorations de la microarchitecture sur la latence de production d’une seule trame. Un graphique qui met en avant l’importance sur les performances de telle ou telle amélioration.

Notez cependant que l’impact des 16 Mo de mémoire cache L2 ne doit pas être réduit à la production d’une trame. Ce pool de mémoire est en effet critique dans la production des trames supplémentaires générées par l’IA.

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Appelée Multi-frame Generation (MFG, génération de plusieurs trames), cette technologie utilise deux images clés (début/fin) qui sont stockées dans cette mémoire pour créer des images interstitielles. Images « virtuelles » qui ont comme vertu de fluidifier grandement l’expérience de jeu.

L’inconnue à ce jour étant la façon dont Intel a géré le problème de la latence. Côté IA, ce GPU intégré est évidemment celui qui développe le plus de puissance brute, puisque sa version à douze cœurs produit jusqu’à 120 TOPS (10 TOPS par cœur).

NPU : légèrement plus puissant, bien plus compacts

Avec 50TOPS au compteur, le nouveau processeur neuronal (NPU) de Panther Lake ne propose que 2 TOPS de plus que celui de la génération précédente. Une progression modeste ? Certes. Mais puisque la spécification minimale des « AI PC » par Microsoft est de 40 TOPS, Panther Lake reste dans les clous.

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Sa force est dans son efficacité : s’il développe peu ou prou la même puissance, ce NPU est 40% plus petit que son aïeul. Libérant ainsi de la place pour les autres composants.

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Du point de vue architectural, la donne la plus importante est la réduction du nombre d’unités de calcul, puisqu’on passe de six à trois unités. L’astuce étant ici que plutôt que de distribuer le calcul sur plus de « cœurs », chacune de ces unités voit son Multiplieur-accumulateur (Multiply–accumulate ou MAC) doubler. Or en calcul IA, le plus important est cette zone où sont réalisées les multiplications et autres matrices.

Ce qui permet à ce NPU, pourtant marginalement plus puissant, d’être tout à la fois plus efficace énergétiquement et plus performant sur certains calculs précis.

Processeur d’image et moteur multimédia

Une des raisons trop souvent ignorées des progrès de l’autonomie des PC portables est le développement d’unités spécialisées. Dans ce registre, les équipes de Panther Lake ont mis en avant deux co-processeurs : le moteur multimédia et le processeur d’image.

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Le premier est une sous-unité du GPU appelé Xe Media Engine. Autonome dans son comportement, c’est lui qui prend en charge la compression/décompression matérielle de nombreux codecs vidéo, la condition sine qua non pour une opération efficace – on peut tout décoder sur le GPU ou le CPU, mais c’est alors soit plus énergivore, soit beaucoup plus lent.

La nouveauté majeure de ce co-processeur est la prise en charge des codecs X-AVC des appareils photo et vidéo de Sony. Les variantes XAVC-H, XAVC-HS et XAVC-S sont prises en charge non seulement au décodage, mais aussi à l’encodage. De quoi accélérer les montages vidéo de séquences shootées avec les boîtiers Alpha.

Les deux autres améliorations notables étant le passage au décodage/encodage matériel en 10 bits des codecs AVC (h264) et AV1. Avec les mêmes compétences en HEVC (h265) et en VP9, ce moteur multimédia est clairement l’un des plus complets du marché – une donne souvent oubliée des benchmarks. Seul le codec VVC (h266) n’est pas encore pris en charge en encodage (le décodage, si). Finalisée en 2020, cette norme n’est pas encore très utilisée, ce qui explique qu’Intel ne se presse pas pour la graver en dur dans ses puces.

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L’autre composant intéressant est le nouveau coprocesseur d’image. Appelé ISP chez les autres (image signal processor), il prend le nom d’IPU pour Image Processing Unit chez Intel.

Il s’agit d’une unité qui prend en charge les modules caméras et transforme le signal lumineux en une image propre. Ce qui est loin d’être évident dans les faits, puisque les capteurs CMOS des petits modules caméra voient la vie en noir & blanc avec des filtres de couleur (matrice de Bayer) qui leur donnent une idée de l’intensité d’un canal (rouge, vert ou bleu) par pixel. Sans même parler des déformations optiques, ce signal assez « sale » est sublimé par les ISP (pardon Intel, les IPU !).

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Si Intel est généralement discret sur ce composant, pour Panther Lake le géant des puces fut plus ouvert. Présentant ici sa version 7,5 qui a comme bénéfices un mode HDR amélioré, une réduction du bruit et une amélioration des tons pilotée (vous l’aurez deviné) par des algorithmes IA.

Mais il s’avère aussi un énième levier pour améliorer les performances énergétiques de la plateforme. Cet IPU est en effet compatible avec l’interface M-PHI de la MIPI Alliance. Une norme présente dans les smartphones et les PC qui a comme avantage d’éviter l’USB, lequel est plus énergivore, car dépendant du CPU.

Si cette sous-puce made by Intel est assez similaire, mais plus modeste que les ISP de smartphone, notamment de Qualcomm, c’est que les besoins d’un PC en la matière sont plus modestes – un seul module caméra, pas de mode photo haute définition, etc.

Une puce critique pour le destin d’Intel

S’il serait exagéré d’affirmer que le destin d’Intel se joue avec le succès de Panther Lake, il n’empêche que cette puce a une lourde responsabilité. Cette nouvelle génération de puce doit prouver qu’Intel est à la fois revenu dans la course en matière de microarchitectures, mais aussi en matière de qualité de production.

Trois déclinaisons de puces Panther Lake seront lancées : une avec quatre P-Cores et LP E-Cores (8 cœurs CPU) et 4 cœurs GPU et une plus puissante qui reprend cette base en ajoutant 2×4 E-Cores (16 cœurs CPU). Une troisième enfin s’appuiera sur cette déclinaison à 16 cœurs CPU, mais triplera la puissance graphique à 12 cœurs GPU.

Ce faisant, elle a comme mission de rapporter plus de cash dans l’entreprise par le biais de la vente de puces – qui sont théoriquement moins couteuses à produire, car majoritairement issue des usines Intel. Mais aussi prouver que la gravure Intel 18A est au niveau et attirer des clients professionnels pour faire tourner ses usines.

Les résultats des benchmarks, les performances générales (endurance comprise) et le positionnement tarifaire de ses puces n’auront donc jamais été aussi stratégiques pour Intel…


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