
Les constructeurs de PC nous bombardent avec leur nouveau mantra : plus de TOPS, plus de puissance IA, plus de performances. Mais derrière cette course aux téra-opérations par seconde se cache une réalité technique bien plus nuancée.
Démystifier les TOPS : bien plus qu’un simple chiffre NPU
Les TOPS (Tera Operations Per Second) mesurent le nombre de milliards d’opérations arithmétiques qu’un processeur peut effectuer chaque seconde. Contrairement aux idées reçues, cette puissance ne provient pas uniquement du NPU (Neural Processing Unit), cette puce spécialisée dans l’intelligence artificielle que l’on trouve désormais dans les PC.
En réalité, c’est plus malin que ça. Les TOPS d’un système résultent de la combinaison de trois acteurs : le NPU certes, mais aussi le bon vieux CPU et surtout le GPU. Ce dernier, avec ses milliers de cœurs, peut souvent exploser les performances du NPU sur certaines tâches d’IA.

Le NPU, c’est quoi au juste ? Une unité de traitement neuronal optimisée pour les opérations matricielles qu’adorent les réseaux de neurones. AMD, Intel et Qualcomm ont tous développé leur version, atteignant respectivement 50, 48 et 45 TOPS sur leurs dernières générations. L’idée : consommer moins d’énergie qu’un GPU traditionnel pour des tâches équivalentes.

Sauf que dans la vraie vie, les gains énergétiques restent souvent décevants. Les premiers tests montrent que les économies restent marginales face à une carte graphique dédiée moderne, qui peut facilement atteindre plusieurs centaines de TOPS.
Les smartphones ont ouvert le bal
Cette histoire de TOPS, ce n’est pas nouveau. Les smartphones intègrent des NPU depuis plus de cinq ans ! L’iPhone 12 embarquait déjà un Neural Engine de 16 TOPS en 2020, quand les PC peinaient encore à dépasser quelques unités. Les puces mobiles actuelles, comme l’A17 Pro d’Apple ou le Snapdragon 8 Gen 3, cartonnent avec respectivement 35 et 73 TOPS.

Cette avance mobile explique pourquoi les applications IA grand public restent encore largement sous-exploitées sur PC. Les développeurs ont d’abord optimisé leurs algorithmes pour les contraintes des téléphones. Adapter tout ça aux PC demande un boulot supplémentaire que peu d’éditeurs ont entrepris.
Prenez la reconnaissance vocale : Siri, Google Assistant ou les fonctions de transcription automatique fonctionnent parfaitement sur smartphone en exploitant le NPU. Sur PC, ces mêmes fonctionnalités passent encore largement par le cloud, ignorant royalement la puissance locale disponible.
Cette transition mobile vers PC s’accompagne d’une différence d’usage fondamentale. Un smartphone privilégie l’efficacité énergétique pour des tâches courtes. Un PC peut se permettre des calculs plus longs et gourmands, ouvrant la voie à des applications IA plus sophistiquées.
Copilot+ : révolution technique ou opération séduction ?
Microsoft a posé sa ligne dans le sable : 40 TOPS minimum pour sa certification Copilot+, accompagnés de 16 Go de RAM et 256 Go de SSD.

Cette exigence révèle une stratégie commerciale limpide : créer un standard premium pour justifier des prix élevés et différencier l’offre Windows.

Les fonctionnalités exclusives promises – Recall, Cocreate, Live Captions – restent pour l’instant largement théoriques. Recall, censé mémoriser tout ce qui s’affiche à l’écran, a été reporté pour des raisons de confidentialité. Cocreate, l’outil de génération d’images, peine à rivaliser avec Midjourney ou DALL-E.
Cette situation rappelle les débuts de Windows 8 et son interface tactile : Microsoft poussait l’innovation matérielle sans que les applications suivent vraiment. L’écosystème logiciel met toujours du temps à rattraper les nouveautés hardware.
Pourtant, le traitement local présente des avantages indéniables : confidentialité des données, réduction de la latence, fonctionnement sans connexion internet. Ces bénéfices justifient l’investissement dans un NPU puissant, même si les applications tardent à suivre.
GPU dédié vs NPU : le match des titans pour l’IA locale
Pour faire tourner des modèles de langage (LLM) localement, la hiérarchie des performances s’inverse complètement. Une RTX 4090 avec ses 83 TOPS théoriques en intelligence artificielle écrase littéralement n’importe quel NPU actuel. Mieux : sa mémoire VRAM de 24 Go permet de charger des modèles volumineux comme Llama 2 70B, impossible avec les 16 Go de RAM système d’un PC Copilot+.
Pour aller plus loin
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Cette réalité technique explique pourquoi les utilisateurs d’IA préfèrent encore investir dans une carte graphique haut de gamme plutôt que dans un NPU. Les frameworks comme CUDA de Nvidia ou ROCm d’AMD sont matures, documentés, et supportés par l’ensemble de l’écosystème IA.
Le NPU excelle davantage sur des tâches spécifiques et répétitives : reconnaissance d’images, traitement de la parole, filtres temps réel pour visioconférences. Son architecture optimisée lui permet d’effectuer ces opérations avec une consommation énergétique réduite, prolongeant l’autonomie des portables.
Les tâches lourdes et occasionnelles (génération d’images haute résolution, traitement de vidéos) resteront l’apanage du GPU. Les fonctions permanentes et légères (suggestions de texte, corrections automatiques, analyses en arrière-plan) migreront progressivement vers le NPU.
L’écosystème logiciel : le maillon faible de la chaîne
Aujourd’hui, rares sont les applications grand public qui exploitent réellement la puissance des NPU PC. Adobe commence à intégrer quelques fonctions IA dans Photoshop et Premiere, Microsoft déploie des suggestions intelligentes dans Office, mais l’essentiel reste à venir.
Les développeurs font face à un dilemme classique : investir dans l’optimisation NPU pour une base d’utilisateurs encore restreinte, ou privilégier les solutions cloud qui fonctionnent sur tous les PC ? La plupart choisissent la seconde option, repoussant d’autant l’utilité concrète des TOPS.

Cette situation contraste avec l’univers mobile, où les API unifiées (Core ML sur iOS, NNAPI sur Android) facilitent l’exploitation des NPU. Sur PC, chaque constructeur propose ses propres outils de développement, ce qui fragmente l’écosystème et complique la tâche des éditeurs.
Intel avec OpenVINO, AMD avec ses bibliothèques XDNA, Qualcomm avec ses SDK Snapdragon tentent chacun d’attirer les développeurs. Cette guerre des standards rappelle les débuts des API graphiques, avant que DirectX ne s’impose comme référence commune.
Mémoire et stockage, ce sont les goulots d’étranglement oubliés
Un PC peut afficher 100 TOPS sur le papier, s’il manque de RAM ou utilise un SSD lent, les performances IA s’effondrent. Les modèles de langage modernes nécessitent de charger plusieurs gigaoctets de paramètres en mémoire. Avec seulement 16 Go de RAM, impossible de faire cohabiter Windows, les applications usuelles et un LLM décent.
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Le stockage joue également un rôle essentiel. Les modèles IA pèsent lourd : GPT-3.5 fait plus de 350 Go, Llama 2 70B environ 140 Go. Un SSD rapide devient indispensable pour charger et décharger ces modèles à la demande, sans quoi l’utilisateur attend plusieurs minutes avant chaque utilisation.
Cette réalité explique pourquoi les PC gaming haut de gamme, avec leurs 32, 64 et même 128 Go de RAM et leurs SSD NVMe ultra-rapides, restent plus efficaces pour l’IA que les PC Copilot+ bridés par leurs caractéristiques d’entrée de gamme.
Les constructeurs commencent à en prendre conscience. Les prochaines générations de PC IA embarqueront probablement 32 Go de RAM par défaut et des SSD plus capacitifs, quitte à augmenter significativement les prix.
Consommation énergétique : c’est le vrai différenciateur du NPU
Si le NPU ne surpasse pas le GPU en puissance brute, il excelle en efficacité énergétique. Les tests montrent qu’un NPU consomme généralement 5 à 10 fois moins qu’un GPU équivalent pour des tâches d’inférence simples. Cette différence devient importante sur les ordinateurs portables, où l’autonomie est un des gros enjeux.
Cette efficacité se traduit concrètement par des fonctionnalités IA disponibles en permanence sans vider la batterie. La correction orthographique avancée, la traduction temps réel ou la réduction de bruit lors d’appels vidéo peuvent tourner en arrière-plan sans impact notable sur l’autonomie.
Cet avantage énergétique explique pourquoi tous les constructeurs investissent massivement dans les NPU, malgré leur puissance limitée. À terme, cette efficacité permettra d’intégrer l’IA dans des usages quotidiens aujourd’hui impensables : suggestions contextuelles permanentes, analyse continue des habitudes utilisateur, personnalisation en temps réel de l’interface.
Le défi consiste maintenant à développer des applications qui tirent parti de cette disponibilité énergétique, plutôt que de simplement transposer les modèles desktop sur mobile.
Quand les chiffres mentent
Les TOPS annoncés par les constructeurs correspondent rarement aux performances réelles. Ces mesures théoriques, calculées dans des conditions optimales avec des opérations spécifiques (souvent des multiplications de matrices 8 bits), ne reflètent pas l’usage quotidien.
En pratique, les applications mélangent différents types d’opérations, utilisent diverses précisions numériques, et doivent gérer les transferts de données entre mémoires. Ces contraintes divisent souvent les performances réelles par deux ou trois par rapport aux chiffres marketing.
Les benchmarks indépendants commencent à émerger pour mesurer les performances IA réelles. MLPerf, référence dans le domaine, propose des tests standardisés sur des tâches concrètes : reconnaissance d’images, traduction automatique, génération de texte. Ces mesures révèlent des écarts importants entre les promesses marketing et la réalité technique.
Cette situation rappelle la course aux mégahertz des années 2000, quand AMD avait démontré qu’un processeur à 2 GHz pouvait surpasser un concurrent à 3 GHz grâce à une architecture plus efficace.
Où les TOPS font vraiment la différence
Malgré les limites actuelles, certaines applications tirent déjà parti des NPU PC. La transcription automatique de réunions, longtemps réservée aux services cloud, fonctionne désormais localement avec une qualité comparable. Cette évolution garantit la confidentialité des échanges professionnels sensibles.
La création de contenu bénéficie également de cette puissance locale. Les outils de génération d’images comme Stable Diffusion tournent plus rapidement sur NPU que sur CPU, même si un GPU dédié reste supérieur. Pour un usage occasionnel, le NPU évite d’investir dans une carte graphique coûteuse.

Les jeux vidéo commencent à intégrer des fonctionnalités IA : génération procédurale de textures, amélioration de résolution temps réel (DLSS), comportements d’IA plus sophistiqués. Ces innovations nécessitent une puissance de calcul importante, justifiant les investissements dans les TOPS.
Pour aller plus loin
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L’accessibilité représente un domaine prometteur. La traduction temps réel, la génération automatique de sous-titres ou la description vocale d’images peuvent transformer l’expérience des utilisateurs malvoyants ou malentendants, sans dépendre d’une connexion internet.
Alors, on achète des TOPS ou pas ?
Pour l’utilisateur lambda, 40 TOPS ne sont même pas nécessaires aujourd’hui. Les applications grand public actuelles se contentent largement de 10 à 15 TOPS, et aucune limitation réelle ne justifie cette course aux chiffres. Flouter l’arrière plan d’une vidéo en visio-conférence ou réduire le bruit sonore ne nécessite que quelques TOPS.
Microsoft a fixé ce seuil arbitrairement pour créer une segmentation premium, mais 16 Go de RAM constituent un facteur bien plus limitant que les TOPS pour les rares usages IA locaux disponibles. Ici, mieux vaut se diriger vers 32 Go de RAM.
Les créateurs de contenu et professionnels devraient réfléchir à deux fois avant d’investir dans un NPU haut de gamme. Une RTX 4070 ou RX 7800 XT offre plus de polyvalence pour la création 3D, le montage vidéo et l’IA occasionnelle.
Faut-il acheter un PC Copilot+ en 2025 ? Les arguments en faveur restent maigres. Certes, la certification garantit une compatibilité future avec les innovations Microsoft et offre quelques fonctionnalités exclusives comme Recall ou les effets créatifs avancés.
Mais la réalité technique révèle que ces avantages pèsent peu face aux limitations actuelles. La plupart des applications IA vraiment utiles – ChatGPT, Midjourney, Copilot lui-même – fonctionnent via le cloud et n’exploitent pas le NPU local. Même les 16 Go de RAM obligatoires deviennent rapidement insuffisants pour faire tourner des modèles de langage décents localement, ce qui force l’utilisateur à retourner vers les services en ligne.
Alors, on achète un PC Copilot+ avec beaucoup de TOPS ? L’écosystème logiciel reste embryonnaire, les fonctionnalités exclusives peinent à justifier le surcoût, et surtout, l’IA locale demeure fondamentalement limitée par la mémoire disponible. Un PC classique avec 32 Go de RAM et une carte graphique dédiée offre paradoxalement plus de possibilités IA qu’un PC Copilot+ bridé à 16 Go.
Microsoft mise sur un pari d’adoption à long terme, mais en 2025, vous avez intérêt à attendre une seconde génération plus mature, ou à investir cette différence de prix dans plus de RAM et un GPU performant.

Dans quelques années, l’écosystème logiciel devrait enfin rattraper le matériel. Microsoft investit massivement dans Windows 12, conçu dès l’origine pour tirer parti des NPU. Les éditeurs tiers commencent à développer des applications IA natives, plutôt que de simples adaptations de solutions cloud.

La question n’est plus de savoir si l’IA locale s’imposera, mais à quelle vitesse cette transition s’opérera et quels acteurs sauront en tirer profit. Et entre temps, on parlera certainement de plusieurs centaines de TOPS, et non pas des quelques dizaines que l’on peut avoir aujourd’hui.
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