Coupure d’électricité massive : démêlons le vrai du faux sur les énergies renouvelables

 
Le solaire et l’éolien sont-ils responsables du blackout qui a eu lieu en Espagne et au Portugal fin avril ? C’est ce que pensent de nombreux « experts », mais la ministre espagnole de la Transition écologique tient à recentrer le débat.
électricité
Photo de Karsten Würth sur Unsplash

Plus d’une semaine après la gigantesque panne d’électricité qui a paralysé l’Espagne et le Portugal, l’enquête est toujours en cours, et la pression monte sur le gouvernement. Si toutes les hypothèses restent officiellement sur la table, un début d’explication technique commence à émerger pour certains.

Le 28 avril au soir, à 12h33 précises, le réseau électrique espagnol a subi un effondrement sans précédent. En seulement cinq secondes, près de 15 gigawatts — soit 60 % de la consommation nationale instantanée — ont disparu.

Une déconnexion brutale d’origine encore inexpliquée, qui a entraîné l’isolement total du réseau ibérique vis-à-vis du reste de l’Europe. La France, le Portugal et l’Espagne se sont retrouvés coupés les uns des autres, et l’Espagne et le Portugal (qui récupère une grande partie de son électricité en Espagne) plongés dans le noir.

Trains à l’arrêt, hôpitaux en mode dégradé, réseau mobile hors service par endroits : l’incident a duré plusieurs heures, avant un retour progressif à la normale le lendemain matin.

Depuis, une seule chose est sûre : on ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé.

L’exécutif sous pression, la ministre appelle à la prudence

Face aux critiques croissantes, la ministre espagnole de la Transition écologique, Sara Aagesen, a réagi ce week-end. Elle assure que « toutes les hypothèses sont ouvertes« , y compris celle d’une « cyberattaque » comme le relaye l’AFP via Connaissances des Energies.

Mais c’est sur le rôle potentiel des énergies renouvelables que le débat s’est enflammé. Plusieurs analystes pointent la possible implication de fermes photovoltaïques situées dans le sud-ouest de l’Espagne, région fortement dotée en solaire, comme élément déclencheur du déséquilibre. Une thèse évoquée prudemment par le gestionnaire du réseau (REE), mais sans preuve formelle.

panneaux solaires photovoltaiques
Photo de American Public Power Association sur Unsplash

Interrogée à plusieurs reprises sur ce point, la ministre a fini par reconnaître que « parler de solaire photovoltaïque pourrait être précipité, même si on voit sur la carte les différentes technologies de production de la région. Et qu’il y a beaucoup de solaire photovoltaïque dans le sud-ouest de l’Espagne« . Elle précise néanmoins que « nous ne savons pas quelles installations ont cessé de fonctionner dans le système » à cet instant précis.

« Un diagnostic facile », voire « irresponsable »

Sara Aagesen n’a pas mâché ses mots face à ceux qui, à droite ou dans certaines tribunes médiatiques, ont directement incriminé la transition énergétique. « Les énergies renouvelables ne sont pas dangereuses en soi« , a-t-elle martelé, dénonçant « un diagnostic facile«  et « irresponsable« .

Pour le gouvernement, le véritable enjeu est ailleurs : renforcer la résilience du réseau. Car si les renouvelables peuvent effectivement introduire une variabilité plus forte dans la production, l’incident de dimanche dernier ne peut être réduit à un simple défaut du solaire.

En effet, « il y a eu bien d’autres jours avec plus de production solaire en Espagne, et bien moins de demande, et (que) le système a très bien fonctionné » comme le précise la ministre.

D’ailleurs, pour répondre à Pascal Praud : non, ce n’est pas certain que le blackout ait été le fait d’une surproduction solaire, comme le répond très bien Nicolas Goldberg sur le live de Clément Viktorovitch.

Le média espagnol La Vanguardia précise sur le sujet que « l’énergie solaire injectée dans le réseau « avait été programmée la veille et que la journée d’hier (lundi 28 avril) s’est déroulée dans le strict respect du calendrier prévu« . Sous-entendu, il n’y aurait pas eu de surproduction solaire.

Cet incident interroge donc aussi la capacité d’adaptation du système électrique ibérique, son articulation avec le reste du continent européen, et la façon dont il encaisse les déséquilibres de production à grande échelle.

Une architecture à revoir ?

En Espagne, comme dans d’autres pays européens, la montée en puissance des énergies renouvelables s’est parfois faite plus vite que l’adaptation des infrastructures de stabilisation. Absence de stockage massif, sous-dimensionnement de certaines lignes à haute tension sont des fragilités qui peuvent exister si les installations solaires se sont rapidement multipliées, surtout sur un réseau vieillissant.

Le black-out espagnol remet donc brutalement sur la table la question du dimensionnement des interconnexions et des dispositifs de sécurité du réseau, à l’heure où le mix énergétique européen s’électrifie à marche forcée. L’Espagne attend d’ailleurs avec impatience la nouvelle interconnexion avec la France, qui lui permettra d’importer (ou d’exporter) quasiment deux fois plus d’électricité qu’actuellement.

Le rapport d’analyse technique est attendu dans les prochains mois. Il devrait permettre de mieux comprendre ce qui s’est réellement passé ce jour-là.


Envie de retrouver les meilleurs articles de Frandroid sur Google News ? Vous pouvez suivre Frandroid sur Google News en un clic.

Les derniers articles