
“Ne vous laissez pas ralentir par votre héritage” : c’est le message d’avertissement lancé par Yun-Ta Tsai, ingénieur chez Tesla sur X (ex-Twitter), mais témoin privilégié d’un moment de bascule chez Nokia au tournant des années 2000. Ce qu’il a vu là-bas (une résistance au changement suivie d’un virage mal négocié qui a terminé en disparition de la marque) ressemble étrangement à ce que traverse actuellement l’industrie automobile traditionnelle.
Le jour où Nokia a dit non au tout tactile
C’est l’histoire d’un débat interne devenu légendaire. À l’époque, Yun-Ta Tsai travaille sur les futurs terminaux mobiles de Nokia. De l’autre côté de l’Atlantique, les équipes américaines poussent pour faire table rase des claviers physiques. Objectif : passer à des smartphones tout tactiles, plus fins, plus modernes, avec une interface orientée sur le logiciel. Le futur, en somme, comme l’a prouvé Apple et l’iPhone mais aussi Google avec Android.
Pour convaincre, on organise des démos, on bidouille des prototypes d’apps sur iPod Touch, on montre ce que pourrait devenir un smartphone tactile abouti. Mais à Helsinki, c’est la douche froide. Les ingénieurs finlandais, brillants mais profondément ancrés dans l’existant, accumulent les objections :
- « Et si l’écran ne répond plus ?«
- « Les gros pouces posent problème«
- « Les utilisateurs vont se sentir perdus sans leurs touches physiques. »
Des “milliers de raisons” s’accumulent, précise l’ingénieur. Mais le vrai problème, selon lui, c’est que Nokia ne voulait pas abandonner son héritage : un clavier physique pratique. Ce qui avait fait son succès était devenu un boulet.
Le faux virage tactile de Nokia
Quand Nokia finit par céder, l’iPhone est déjà là. Et le virage qui s’impose n’est pas celui qu’ils avaient imaginé. Il faut du tactile ? Très bien. Mais alors ce sera avec des écrans résistifs, pas capacitifs comme chez Apple. Pourquoi ? Parce que ces écrans-là permettent l’usage d’un stylet, une soi-disant “différenciation” face à Cupertino relate l’ingénieur.



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Sauf que les écrans résistifs n’offrent pas la même réactivité, ni la même fluidité, ni la même précision au doigt. Ils imposent une distance dans l’interaction. Nokia persiste et signe : sur les terminaux comme le N97, on garde aussi des boutons physiques, voire des claviers coulissants. L’expérience utilisateur devient hybride, bancale, complexe. On veut ménager la rupture, l’adoucir. On finit par ne la faire qu’à moitié.
Et à la fin, Nokia disparaît, d’abord racheté par Microsoft (qui passe au 100 % tactile comme Apple, avec ses Windows Phone), avant que la firme américaine ne revende la licence de la marque à HMD, qui appartient à Nokia Corporation. Mais sans succès commercial.
Un avertissement lancé à l’industrie automobile
Il faut lire cette histoire comme un avertissement. L’homme l’explicite : engager des changements technologiques profonds signifie parfois renoncer son héritage du passé. Or, les constructeurs automobiles classiques semblent aujourd’hui, à bien des égards, dans la même situation.
Ils s’appuient encore sur des moteurs thermiques, des chaînes de production lourdes et des logiques économiques héritées du siècle passé.
Les transformations numériques et logicielles (systèmes d’exploitation embarqués, mises à jour OTA, conduite autonome par intelligence artificielle) sont minimisées, car elles remettent en cause les modèles historiques.

Comme Nokia, ces acteurs savent instinctivement que les consommateurs finaux sont séduits par la promesse d’un monde numérique, mais considèrent qu’ils ne peuvent pas faire sans pédales, ou sans showroom, réseau, centre d’entretien.
Le résultat ? Une industrie paralysée par l’attachement à ses solutions éprouvées, comme la vieillissante dalle résistive face à l’écran capacitif de Nokia. Une inertie qui coûte cher, alors que les nouveaux entrants (Tesla en tête, mais aussi Rivian, Xiaomi, Xpeng, et d’autres) proposent une approche logicielle, plus évolutive, clairement tournée vers l’utilisateur connecté.
Et chez Tesla ?
Chez Tesla, l’analogie ne s’arrête pas à l’interface. C’est toute l’architecture même de la voiture qui est repensée. Le Full Self Driving, cette suite logicielle de conduite autonome en constante évolution, ne vise pas simplement à « aider » le conducteur. Elon Musk l’a répété : le but est de supprimer le volant et les pédales.

Le Tesla Cybercab n’est pas une voiture autonome de plus. C’est une remise à plat complète de ce qu’est une voiture : plus besoin de conduire, plus besoin de posséder. Tesla ne veut pas faire évoluer l’automobile, elle veut l’éliminer pour mieux la réinventer. Là où les constructeurs historiques optimisent l’existant, Tesla parie sur une révolution automobile.
Pour aller plus loin
On est montés à bord du Tesla Cybercab, la voiture électrique à 35 000 € sans volant ni pédales
Et comme pour l’écran capacitif à l’époque de l’iPhone, on voit les résistances surgir : sécurité, habitude, réglementation, faisabilité technique, etc. Autant de “raisons” pour ne pas y croire, qui rappellent étrangement celles de Nokia à l’époque.
Ironie du sort, ce ancien de Nokia œuvre aujourd’hui chez Tesla, où la révolution est totale ; l’OS de la voiture est central, la mise à jour du logiciel fait partie du produit, et l’écran tactile commande tout : de la navigation en passant par la conduite semi-autonome.
Le message de l’ingénieur fuse : quand l’héritage devient une chaîne, il faut oser rompre avec. Et pour les dinosaures de l’industrie auto dont les marges et l’emploi dépendent d’une chaîne d’assemblage lourde et d’un modèle thermique, le temps presse. Les Nokia de l’automobile sont déjà en train de perdre pied.
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