Si vous suivez avec assiduité l’actualité autour de l’automobile électrique, vous n’avez sans doute pas manqué un reportage de TF1 à ce sujet qui a fait polémique.
Si ce n’est pas le cas, laissez-nous vous résumer brièvement la situation. Trois journalistes se sont lancés de Villeneuve-d’Ascq jusqu’à Etretat avec trois voitures différentes : une thermique, une hybride et une électrique.
Quand les deux premiers ont réalisé le trajet d’une seule traite et sans encombre, le journaliste à bord du modèle électrique a mis 1h30 de plus. Pourquoi ? Car il a perdu du temps à vouloir chercher et recharger son modèle pour finir son trajet. Pas de chance pour lui, il est aussi tombé sur une borne en panne.
Si tous les défenseurs de l’électrique étaient vent debout contre ce reportage, il y avait de bonnes raisons, car en ayant planifié son trajet ou en ayant été plus prévoyant, le journaliste n’aurait pas perdu autant de temps.
Quoi qu’il en soit, ce dernier a mis en évidence, en quelque sorte, la peur de la panne qui gravite autour de l’univers de la voiture électrique. Sa méconnaissance (voulue ou pas voulue) autour de la voiture électrique n’est pas forcément à blâmer, puisqu’il s’est mis à la place du conducteur lambda qui, peut-être, pour la première fois, effectuait un long trajet en électrique sans (une petite) préparation.
Et justement, c’est cette « peur de la panne » à l’instant T qui a sans doute guidé le journaliste à ne pas forcément faire les meilleurs choix, tout en sachant, en prime, qu’il a manqué de chance avec une borne en panne (ce qui n’est pas si rare en fonction des réseaux soit dit en passant).
Car oui, encore aujourd’hui, si le frein numéro un à l’achat pour une voiture électrique, c’est le prix (il faut compter, en France, entre 20 et 30 % de plus, selon les modèles, pour une voiture électrique par rapport à son équivalence thermique, hors subventions), l’autre réticence, c’est évidemment la peur de la panne.
La voiture électrique et ses vieux démons
En réalité, la voiture électrique est encore confrontée à ses vieux démons. Et ça n’a rien d’anormal, car la vitesse de la transition énergétique au sein de l’industrie automobile a été telle, qu’elle n’a pas pu encore se débarrasser des a prioris qui gravitaient autour d’elle à ses débuts.
Car oui, nous en sommes les principaux témoins, quand nous avons essayé une voiture électrique sur un long trajet il y a cinq ans, ce n’est bien évidemment pas la même chose qu’aujourd’hui. Et encore, nous avons envie de vous dire que c’est faux, car il y a cinq ans, Tesla était encore relativement seul sur le marché, son réseau de Superchargeur était déjà plutôt dense, le trajet se passait bien.
En réalité, quand les marques traditionnelles ont commencé à s’immiscer dans ce secteur, il y a justement cinq ans environ, pour grossir le trait, et l’électrique a commencé à se démocratiser sous perfusion d’aides étatiques, les résultats sur long trajet n’étaient pas les mêmes qu’avec une Tesla. On se souvient d’essai où une Peugeot e-208 de première génération peinait à faire 200 km avec une seule charge à 130 km/h (et sans la clim), alors que son penchant thermique en faisait plus du double sans sourcilier.
De quoi faire renaître de vieux démons donc, mais aujourd’hui, nous qui essayons plusieurs dizaines de voitures par an chez Survoltés, et dans quasiment toutes les conditions, effectivement, le paysage autour de la voiture électrique a bien changé. Preuve en est, à titre personnel, je ne prévois quasiment plus mes trajets longue distance sur autoroute, car je sais pertinemment que je vais trouver environ tous les 30 km (parfois moins) des stations de recharge rapides sur les aires de repos.
Reste à savoir si celle-ci fonctionne correctement, mais là aussi, il y a du mieux. Chez Electra, Tesla ou encore Fastned, les problèmes sont peu courants et la puissance délivrée est souvent la puissance maximale de la borne ou de la voiture, tandis que certains réseaux rencontrent un peu plus de soucis.
D’une manière générale, la densité du réseau de recharge montre que la peur de la panne n’a plus forcément lieu d’être aujourd’hui. Pour ce qui est de la fiabilité des bornes, c’est encore un autre sujet, et il y a encore du travail à faire là-dessus, tout comme sur les moyens de paiement.
Même si les formules d’abonnement et de tarification se sont un peu simplifiées ces derniers mois, cela reste toujours très opaque pour l’utilisateur novice, à qui nous conseillons de choisir une carte « universelle » compatible avec 80 à 90 % des bornes en service sur le territoire. Précisons que toutes les nouvelles bornes installées depuis cette année en Europe ont l’obligation d’intégrer un terminal de paiement via carte bancaire.
Combien y a-t-il de bornes de recharge en France actuellement ?
La France compte près de 14 500 bornes haute puissance dont 7 000 en ultra haute puissance (supérieure à 150 kW), qui permettent une recharge en moins de 20 minutes sur les meilleurs modèles (voire même moins pour certaines autos). Ces bornes se trouvent essentiellement sur les aires de service. D’ailleurs, 100 % des aires de service en France sont désormais couvertes. Et les aires de repos commencent également à accueillir des bornes de recharge rapide.
Le nombre de bornes très haute puissance, de 150 kW et plus, a été multiplié par deux depuis le début de l’année 2023. Cette accélération va se poursuivre avec un soutien massif de l’État :
- 100 millions d’euros du Plan de relance facilitent l’équipement des aires de service des grands axes routiers, avec plus de 2 500 points de recharge déjà financés.
- 300 millions d’euros de France 2030 sont dédiés aux stations de recharge rapides dans les métropoles et les territoires via un appel à projets dédié.
Actuellement, selon le gouvernement, la France compte plus de 1 400 000 points de recharge sur l’ensemble du territoire en intégrant les bornes privées en entreprises et chez les particuliers. Enfin, le Gouvernement ambitionne d’atteindre 400 000 points de recharge ouverts au public d’ici à 2030, contre 100 000 à mi-2024.
L’autonomie des voitures électriques, est-ce encore vraiment un souci ?
Et l’autonomie des voitures ? Selon un récent sondage de réalisé par Bloomberg Intelligence, l’angoisse de l’autonomie est aussi assez persistante.
La question de savoir si cette inquiétude est justifiée, car comme le révèle l’Agence américaine de protection de l’environnement, en Europe, les distances moyennes parcourues sont généralement plus faibles, entre 25 et 35 km par jour en moyenne. Environ 99 % des trajets en voiture font d’ailleurs moins de 150 km.
Tout en sachant que l’autonomie moyenne d’un véhicule électrique en France en 2023 était de 340 km (et ce chiffre a certainement augmenté depuis 2023), l’autonomie n’est en soit plus forcément un problème, surtout au quotidien où la majorité des clients rechargent leur voiture chez eux.
Puis d’une manière générale, comme l’a annoncé Elon Musk, le patron de Tesla, et bien d’autres, une voiture avec beaucoup d’autonomie, ça n’a pas forcément d’utilité, surtout pour les trajets du quotidien.
«Nous aurions pu produire une Model S d’une autonomie de 600 miles (environ 966 km) ». Mais cela aurait été un contre sens selon lui, « car 99,9 % du temps, vous traîneriez une masse de batterie inutile, ce qui dégrade l’accélération, la maniabilité et l’efficacité (…) Même notre voiture avec une autonomie de plus de 400 miles (environ 644 km) offre plus que ce que la plupart des gens n’utiliseront jamais », avait déclaré Elon Musk sur Twitter en 2022.
Pourquoi, tout en sachant que les clients choisissent toujours le modèle avec la plus grosse batterie, et donc la plus grande autonomie, quand ils ont le choix, quitte à mettre plus d’argent (cf, le Hyundai Kona, et bien d’autres autos) ?
Aujourd’hui, la plupart des voitures électriques sur le marché actuellement peuvent parcourir de 400 à 600 kilomètres avec une seule charge. En se basant sur la façon dont le conducteur européen moyen utilise sa voiture, la plupart des gens ne rechargeront leur véhicule qu’une fois par semaine.
Il y a effectivement quelques exceptions, comme les nouveaux modèles « pas chers » que sont les Citroën ë-C3 (autonomie de 321 km WLTP) ou encore la R5 E-Tech (environ 310 km pour le modèle avec un petit accumulateur), mais en dehors de ces modèles qui se cantonneront à 99 % à des trajets urbains et péri-urbains, l’essentiel des modèles en vente ont une autonomie supérieure à 400 km. C’est aussi pour ça qu’ils sont encore aussi onéreux.
Une voiture électrique avec beaucoup d’autonomie, c’est souvent une voiture avec une grosse batterie, donc une voiture lourde et moins efficiente, et une voiture par conséquent chère, car elle embarque plus de matériaux, de technologie, etc.
Et parce que tout le monde n’a pas 50 000 euros à mettre dans une voiture de ce genre (même si les solutions de LLD / LOA actuelles, en plus des subventions, permettent de bien noyer le poisson), une voiture avec beaucoup d’autonomie n’a pas d’intérêt pour la majorité des utilisateurs, surtout à mesure où le réseau de recharge se densifie.
Son seul intérêt, peut-être, c’est de rassurer psychologiquement les acheteurs, surtout ceux qui dépensent des sommes parfois folles, d’avoir une autonomie électrique parfois supérieure à celle d’un modèle thermique.
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