App Store : Apple trouve un accord à 100 millions de dollars avec les développeurs américains

Mais les nouvelles mesures concerneront tout le monde

 

C’est par le biais d’un communiqué tombé jeudi soir qu’Apple a annoncé avoir trouvé un accord avec les développeurs américains pour mettre un terme à une class action lancée en 2016. Cela a pour conséquence quelques changements au niveau des règles de l’App Store, mais aussi la création d’un fonds d’aide aux petits développeurs de près de 100 millions de dollars.

Source : Unsplash / Laurenz Heymann

L’ombre du procès face à Epic Games n’est jamais loin lorsque l’on entend parler d’Apple et des négociations autour de son App Store. Jeudi soir, la firme de Cupertino a annoncé dans un communiqué être parvenue à un accord avec les développeurs d’applications américains. La fin potentielle d’un mouvement de contestation autour des pratiques du store et d’une procédure lancée en 2016 sous forme d’un recours collectif.

Le tribunal doit encore valider les différentes mesures de l’accord dont « les termes contribueront à faire de l’App Store une opportunité commerciale encore meilleure pour les développeurs », a avancé l’entreprise qui ne manque pas de préciser l’intérêt également pour ses utilisateurs.

Quelques semaines après les critiques de plusieurs sénateurs américains qui voulaient légiférer contre « le contrôle trop important » d’Apple et Google sur leurs boutiques d’applications, contraignant les responsables de ces deux entreprises notamment à devoir témoigner devant le Congrès, le premier tente de faire un geste envers les développeurs. Et plus précisément, les « petits développeurs », ceux qui totalisent moins d’un million de dollars de revenus annuels et qui représentent 99 % des entreprises américaines payant des frais de commissions à Apple (15 % pour eux, 30 % pour ceux ayant de plus gros revenus tirés de l’App Store).

Un accord pour confirmer plus que révolutionné

La société californienne a ainsi détaillé quelques points de l’accord auquel l’entreprise est parvenue après des discussions avec les plaignants. On note notamment le maintien en l’état pour trois ans du programme App Store Small Business pour aider les développeurs à lancer leur app. Un programme qui connaît un certain succès et permet aux petits développeurs de voir leurs frais de commission sur les achats et paiements intégrés réduits à 15 % notamment.

L’App Store est partout // Source : FRANDROID – Anthony WONNER

D’un point de vue fonctionnel et en accord avec les développeurs, Apple conserve le système « App Store Search » qui fournit aux utilisateurs des résultats basés sur le nombre de téléchargements, d’étoiles obtenues et divers signaux de comportement.

Le rapport de transparence de l’App Store, qui indique chaque année le nombre d’applications nouvelles, expulsées du Store, le nombre de développeurs, les revenus… et donne ainsi un panorama aussi bien aux développeurs qu’aux utilisateurs, continuera d’être publié. Il s’enrichit même de nouvelles données à la demande des créateurs d’apps comme des statistiques plus significatives sur les recherches et résultats, l’examen des apps et les raisons des rejets, le nombre de comptes désactivés, etc. Les développeurs pourront ainsi plus facilement faire appel en cas de rejet de leur app.

100 millions de dollars pour dédommagement

Parmi les annonces, la plus marquante est la création d’un fonds de dédommagement pour les petits développeurs qui se seraient sentis lésés par le système de facturation d’Apple. Une dotation globale de 100 millions de dollars qui sera répartie entre les fabricants d’applications qui en font la demande.

Pour le moment, Apple a indiqué des montants allant de 250 à 30 000 dollars en fonction du nombre de plaignants. Le montant sera calculé en fonction des revenus tirés de l’App Store et la somme reversée proportionnelle. Mais il n’est pas impossible que ces sommes évoluent si certains oublient de réclamer leur dû, nous précise-t-on du côté de Cupertino.

La possibilité de proposer des options d’achat hors application

C’est un point qui a souvent fait débat et sur lequel Apple s’était jusque-là montré extrêmement récalcitrant : le paiement hors application. Seulement, pour des Netflix ou Spotify, l’entreprise avait toujours fait preuve d’une grande mansuétude en les laissant utiliser leur propre méthode de paiement et non celle d’Apple, au grand dam de ceux qui devaient s’acquitter des frais de commission via l’app quand les géants en étaient ainsi dispensés.

« L’accord précise que les développeurs peuvent partager des options d’achat avec des utilisateurs en dehors de leur application iOS », explique Apple. En d’autres termes, libre à chaque développeur d’envoyer un email à un utilisateur pour lui proposer de payer le service… tant que cela se fait en ligne ou par tout autre moyen de son choix, mais pas par l’intermédiaire de l’application, le canal évidemment le plus naturel pour un possesseur d’iPhone.

Une personne regardant Netflix
Netflix a quelques passe-droits sur l’App Store // Source : CardMapr

Autre condition exigée par Apple : que les utilisateurs ciblés aient donné leur consentement pour la communication directe et puissent facilement se rétracter. Depuis plusieurs mois, la marque à la pomme a fait de la transparence des informations recueillies par les apps une nécessité et cela entrera encore plus dans ce champ imposé.

Dès juin, Apple avait quelque peu revu ses règles et lâché un peu de lest sur la communication aux utilisateurs de la part d’un développeur. Si au sein de la firme, on ne veut pas parler de concession, on explique avoir plutôt « formaliser » une pratique autorisée.

La firme va également revoir sa grille tarifaire et augmenter le nombre de prix disponibles pour les abonnements payants de moins de 100 à plus de 500. Chaque développeur pourra continuer de fixer ses prix.

Un accord appliqué à tous les développeurs

Là où Apple l’a joué finement, c’est que cet accord met au clair de nombreux points et mesures qui seront appliqués à l’ensemble des développeurs à travers le monde, pas seulement aux développeurs américains ou à ceux qui paient des frais de commission (qui ne représentent que 15 % des plus de 30 millions de développeurs dans le monde). Le tout, sans véritablement bouleverser la donne pour la marque à la pomme.

Car Apple ne donne pas suite à certaines requêtes des développeurs concernant l’obligation notamment d’utiliser son système de paiement in-app et donc de payer la commission. « Cette offre ne fait rien pour résoudre les problèmes structurels et fondamentaux auxquels sont confrontés tous les développeurs, petits et grands, sapant l’innovation et la concurrence dans l’écosystème des applications », écrit la Coalition for App Fairness, partie prenante dans l’affaire et citée par Bloomberg. « Permettre aux développeurs de communiquer avec leurs clients sur des prix plus bas en dehors de leurs applications n’est pas une concession et met en évidence le contrôle total d’Apple sur le marché des applications. »

Et quand on demande à Apple si tout cela va finir de convaincre les développeurs d’abandonner leur demande d’un store alternatif sous iOS notamment, la réponse est assez cinglante : c’est avant tout le souci des gros développeurs, pas des petits.

À noter que toutes ces mesures qui entreront en vigueur dès validation par le tribunal — également dirigée dans cette affaire par la juge Yvonne Gonzalez Rogers en charge du procès Epic — s’appliqueront à la très grande majorité des développeurs, mais à tous. Du côté d’Apple, on précise bien que le fonds par exemple ne concerne que « les petits développeurs » et non les « entreprises qui font des milliards de bénéfices », comme Epic Games. En cherchant ainsi à mettre fin à la class action américaine, Tim Cook et les siens montrent surtout leur intention de poursuivre des échanges sains avec les petits développeurs, ceux qui représentent finalement le plus gros de sa manne financière. Une sorte de bataille judiciaire pour « la garde des enfants » avec Epic qui aurait bien aimé les rallier aussi à sa cause…