On le sait, Hyundai fait désormais partie des gros candidats lorsqu’il s’agit de voitures électriques, notamment avec ses modèles Ioniq. Ce qui vient moins facilement à l’esprit, c’est la place que le constructeur coréen s’est faite dans le monde des voitures sportives avec son label N, en thermique et en rallyes WRC, avant l’arrivée de ce premier modèle 100 % électrique.
Le terrain avait été préparé avec le concept-car N 2025 Vision Gran Turismo en 2015, puis le prototype RM20e et le Veloster N ETCR, première voiture de course électrique de Hyundai, et en 2022, le concept RN22e. Voici maintenant venu le temps de réunir le meilleur de ces deux mondes en un seul modèle : la Hyundai Ioniq 5 N. Un exercice hautement périlleux, lorsqu’on sait comment les puristes attendent la marque au tournant avec l’excellente Hyundai Ioniq 5 plus civilisée.
Alors pour se lancer, Hyundai a mis les petits plats dans les grands. Sous la direction du grand manitou allemand Albert Biermann (l’ex Monsieur BMW M, recrue de prestige pour faire briller sa branche motorsport née en 2017), un seul objectif : atteindre un niveau de plaisir de conduite jamais atteint au volant d’une électrique. Car de la bouche même de l’ingénieur responsable dans son équipe du développement des véhicules hautes performances, Dongkyun Kim : “ les voitures électriques sont parfois bien ennuyeuses”… Alors A. Biermann a sa recette, qu’il décrit avec humour comme un mix des groupes AC/DC et BTS, tout un programme !
Que valent réellement les quelque 650 chevaux annoncés et le travail en profondeur sur tous les aspects dynamiques de l’auto ? Cela vaut-il le coup de se plonger dans les profondeurs des dizaines de réglages dynamiques proposés pour trouver les meilleures prestations selon l’humeur du moment les conditions de route, de piste, etc. ?
Nous sommes allés au Pays du Matin Calme pour découvrir par nous-mêmes, parmi les premiers journalistes au monde, le potentiel de cette version à la fiche technique franchement impressionnante, du moins sur le papier. Route, autoroute, circuit et même, piste de drift nous auront permis de nous faire nos premières impressions. La Ioniq 5 N promet son lot de sensations : elle est en effet sensationnelle !
Fiche technique
Modèle | Hyundai Ioniq 5 N |
---|---|
Dimensions | 4,715 m x 1,940 m x 1,585 m |
Puissance (chevaux) | 650 chevaux |
0 à 100km/h | 3,4 s |
Niveau d’autonomie | Conduite semi-autonome (niveau 2) |
Vitesse max | 260 km/h |
Taille de l’écran principal | 12 pouces |
Prise côté voiture | Type 2 Combo (CCS) |
Prix entrée de gamme | 78000 euros |
Essayez-la | Fiche produit |
Cet essai a été réalisé dans le cadre d’un voyage presse organisé par Hyundai.
Design : un peu trop surchargé
La ligne de la Ioniq 5 est déjà assez étrange en version normale, avec ses proportions de berline 5 portes classique, lorgnant vers les années 80, dans un gabarit de crossover de belles dimensions (4,71 m en version N) et avec des détails tech rétro-modernes (pixels carrés de LEDs). Bref, elle a le mérite d’avoir une personnalité propre.
Avec le traitement sportif classique que reçoivent les modèles N, elle devient plus agressive, mais aussi un peu surchargée à notre goût. La silhouette élancée de la berline Ioniq 6 se prêterait probablement mieux au jeu des élargisseurs d’ailes, spoilers, extracteurs XXL, jantes de 21 pouces et autres bas de caisse proéminents.
Selon le coloris, l’effet est cependant plus ou moins violent. On vous laisse deviner celle qu’on préfère entre un sobre gris anthracite et le bleu layette repris des voitures de rallye de la marque ou le blanc mat de notre modèle de test…
Le traitement de l’habitacle transfigure la planche de bord très lisse, voire ennuyante de la Ioniq 5 classique grâce à quelques équipements spécifiques : un beau volant 3 branches bardé de boutons de commandes tous plus prometteurs de performances les uns que les autres (nous y reviendrons), une console centrale là où la version d’origine offre un espace libre, un affichage spécifique sur les deux écrans de 12,3 pouces et de massifs sièges baquets intégraux.
On note aussi des revêtements façon Alcantara plus flatteurs à l’œil comme au toucher, qui achèvent de donner une touche sportive à l’ambiance à bord.
Habitabilité XXL
Avec son empattement de 3 mètres, la Ioniq 5 a toujours été un modèle généreux pour ses passagers. Rien ne change ici aux places arrière, si ce n’est une visibilité un peu amoindrie par la présence des massifs baquets avant. Nous l’avons dit, une console avant fait son apparition. Elle offre plus de rangement et permet aux genoux des passagers avant de se caler sur le revêtement molletonné qui orne ses côtés.
Enfin, côté coffre, la Ioniq 5 N offre moins de volume que ses cousines “normales”. On passe d’une capacité généreuse de 527 litres à 480 litres. Autrement dit, même dans cette version extrême, ce modèle reste tout à fait adapté à un usage familial quotidien, d’autant que son confort est tout à fait acceptable, comme nous le constaterons plus tard.
Technologies embarquées : l’usine à gaz
Attention, usine à gaz ! Les ingénieurs de la branche N se sont lâchés, utilisant à peu près toutes les possibilités offertes par une voiture 100 % électrique, construite sur une base logicielle et donnant un nombre impressionnant de curseurs pour jouer sur beaucoup de tableaux. Un conseil : inspirez, expirez et coupez toute source de distraction, c’est dense…
Commençons par le volant. Ici, déjà, 4 réglages dynamiques différents sont prévus, sans compter les possibilités de personnalisation. Ainsi, le bouton bleu en haut à gauche est dévolu aux modes de conduite (Normal, Sport et… Eco), le rouge en haut à droite, au N Grin Boost qui donne un surcroît de puissance de 41 ch pendant 10 secondes.
Tandis que le bouton rond en bas à gauche permet de passer dans la gamme de modes N, et à droite, d’enclencher le fameux N e-Shift pour passer des (faux) rapports de boîte de vitesse dans une conduite manuelle au moyen des palettes au volant. Celles-ci servent dans les autres moments à régler les différentes forces de régénération au freinage proposées.
Précisons que les voitures électriques ne sont habituellement pas dotées de boîtes de vitesses (sauf quelques modèles comme la MG Marvel R ou la Porsche Taycan, en automatique), et encore moins de moyens de changer les rapports !
Petite pause.
Reprenons : dans l’affichage d’info-divertissement central de 12,25 pouces, le menu N donne accès à une floppée de commandes de réglages supplémentaires destinés particulièrement à l’usage sur circuit. Les actions peuvent se faire sur une liste de critères longue comme le bras : moteurs, direction, suspension active, affichage tête haute, différentiel à glissement limité électronique, contrôle de trajectoire, sonorité, etc. dans un festival d’acronymes que nous vous épargnons ici.
Il est également possible d’accéder à des menus spéciaux pour répartir le couple selon le bon vouloir du conducteur, sur 11 niveaux allant jusqu’à tout miser sur l’avant (traction) ou surtout, sur l’arrière (propulsion). Mais dans ces cas, un seul moteur est en action est la puissance disponible moindre en toute logique.
L’ESC est naturellement entièrement déconnectable. Mais pour se livrer aux joies de la glisse, un mode N Drift Optimizer a aussi été prévu pour faciliter les choses.
La puissance du freinage régénératif pour une conduite sportive à une pédale peut aussi être réglée individuellement (N Pedal). Un launch control est de la partie, réglable pour coller à 3 conditions de grips différentes, histoire d’être sûr de performer au mieux en accélération depuis l’arrêt, avec 3,4 s de 0 à 100 km/h. La vitesse de pointe est fixée à 260 km/h.
Enfin, un mode N Race est proposé pour profiter au maximum d’un track day, prolongeant les performances dans des conditions extrêmes, pour privilégier la performance (option Sprint) ou l’endurance (option… Endurance). Un préconditionnement de la batterie spécifique pour ce genre de jeux peut aussi être programmé, afin de refroidir ou de réchauffer la batterie.
Enfin, la gestion du pédalier est faite pour permettre aux adeptes du freinage au pied gauche, pour placer l’auto et lui donner plus de mobilité, de conserver leurs habitudes à bord de ce lourd vaisseau bardé d’électronique dédiée à tordre les lois de la gravité. Le freinage by-wire régénératif peut à lui seul produire une décélération de 0,6 G et continuer d’agir même lorsque l’ABS entre en fonction. Du grand art.
Conduite : la sportive confortable
Soyons honnêtes : nous n’avons pas pu essayer 1/10e des formidables possibilités de réglages offertes par ce modèle qui sera certainement passionnant pour ses futurs propriétaires. Notre parcours d’essai nous a d’abord menés sur de longues portions d’autoroute au trafic dense qui caractérisent la Corée, bardées de radars qui sont dûment indiqués dans le GPS de bord.
Autant dire que dans ces conditions, pas question de performance. Mais cela représente en revanche une belle occasion d’apprécier le confort de ce modèle préservé dans les modes Eco et Normal, avec une suspension active qui ménage alors les vertèbres, tandis que les sièges baquets se révèlent suffisamment moelleux.
On note le dosage progressif de la régénération facile à commander avec les palettes au volant. Mais il est alors encore plus confortable de laisser les commandes à la conduite semi-autonome (de niveau 2) qui fait merveille pour se maintenir dans le trafic en souplesse. Cela grâce au combo régulateur adaptatif et au centrage dans la voie.
Tout cela est très bien, mais rapidement frustrant avec une telle cavalerie à disposition. Heureusement, une petite route à virages a été prévue pour avoir un avant-goût des sensations de conduite plus dynamiques dont est capable l’auto, avant l’expérience sur circuit du lendemain. Et dès que des courbes se présentent, la 5 N joue parfaitement le jeu, gommant sa masse avec sa direction précise, son train avant accrocheur et sa rigueur de comportement qui laisse imaginer des limites repoussées bien loin.
Mais surtout, ces sensations s’accompagnent d’un plaisir inattendu grâce à la fonctionnalité qui simule des rapports d’une boîte de vitesses, accompagnée d’une sonorité de moteur thermique factice évidemment, mais très, très bien réalisée. Un peu à la manière de l’Abarth 500e qui fait énormément de bruit, aussi bien dans l’habitacle qu’à l’extérieur.
De quoi d’un coup perdre ses repères et se croire presque au volant d’un modèle thermique classique, la force du couple et de la puissance de l’électrique en plus. Le meilleur des deux mondes à ce stade.
Dans la découverte crescendo de cette super GTI des temps modernes, nous avons pu aussi bénéficier d’une aire plane détrempée pour tester le mode drift proposé par les ingénieurs de la marque, visant un public de débutants qui ont envie de se faire plaisir dans ce type de conditions, sans se faire trop peur ni brûler un train de pneus (de très performants Pirelli P Zero spécifiques pour ce modèle).
Malgré les différents moyens de déclencher la dérive (lever de pied après une action particulière sur les palettes au volant pour plus de régénération, coups de gaz…) et les aides électroniques spécifiques, la maîtrise d’une toupie de 2,2 tonnes réclame toujours un sacré toucher. De l’aveu même des responsables du projet, ce mode n’est pas encore tout à fait satisfaisant. Mais de futures mises à jour à distance OTA (over the air) pourront le voir s’améliorer.
Enfin, vient le temps de faire des tours de manège, sur une partie de l’ancien circuit de Formule 1 de l’éphémère Grand Prix de Corée à Yong-am, au sud du pays. Petit rappel du potentiel sous notre pied droit : 650 ch et 770 Nm de couple dans la configuration la plus extrême… Avec un instructeur à nos côtés, nous partons en convoi pour une série de tours à bonne vitesse, passant par différents modes pour tester les réactions de l’auto à la limite.
Et au volant, on comprend très vite que le plaisir de conduite, la progressivité des réactions, les joies de la glisse ont été au cœur des préoccupations des metteurs au point de l’auto, bien plus que la performance pure, et c’est tant mieux ! Cet engin est fait pour s’amuser dans de nombreux cas de figure, faire des erreurs de pilotages qu’il pardonnera, faisant oublier son embonpoint. Quel pied !
Un plaisir pensé pour durer, avec pour référence l’incontournable circuit du Nürburgring en Allemagne où Hyundai possède un centre de développement. Le but est de pouvoir en effectuer deux boucles (2 x 20,8 km) sous un temps de 8 minutes en Track Mode en position Endurance avec sa gestion thermique spécifique de la batterie, là où nombre d’électriques se cassent le nez et rentrent au point de départ en mode tortue (et torture pour le pilote). On pense notamment à la Tesla Model 3 et à la Porsche Taycan.
Précisons que la Hyundai Ioniq 5 N dispose d’un planificateur d’itinéraire, que nous n’avons pas pu tester lors de ce bref essai à l’étranger.
Autonomie, batterie et recharge
La version N de la Ioniq 5 bénéficie d’une batterie spécifique de quatrième génération, offrant une capacité utile de 84 kWh. C’est largement plus que les 77 kWh de la version classique de la Ioniq 5 classique.
Avec une consommation relevée de 22 kWh/100 km sur autoroute à vitesse modérée, on peut imaginer une autonomie dans ces conditions d’environ 350 km. La norme WLTP annonce une autonomie de 448 km et une consommation de 21,2 kWh / 100 km.
La recharge de cette batterie haute capacité sous architecture 800 volts donne en théorie la capacité de repasser de 10 à 80 % en juste 18 min. La Ioniq 5 conserve donc ici son avantage recharge. Encore faut-il trouver une borne de recharge ultra-rapide (au moins 350 kW).
Prix, disponibilité et concurrence
La Hyundai Ioniq 5 N est attendue à un tarif de 78 000 euros en France, ce qui la place 13 000 euros au-dessus de sa version haut de gamme classique. Face à elle, une Tesla Model Y est autrement plus abordable, mais aussi autrement moins ludique et sportive. Une Porsche Taycan débute quant à elle dans des sphères autrement plus élevées, avec un prix d’entrée fixé à 96 080 euros…
Les premières livraisons de la Hyundai Ioniq 5 N sont attendues pour février/mars 2024 et les commandes sont d’ores et déjà ouvertes. Dommage qu’elle ne puisse pas être là sous le sapin de Noël…
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