
Avec l’avènement des véhicules définis par le logiciel, nous avons vu éclore quelques problématiques qui étaient encore jusqu’ici très rares dans l’univers automobile. En effet, plusieurs constructeurs, et pas seulement chinois contrairement à ce que l’on pourrait sous-entendre, livrent des voitures qui ne disposent pas de toutes leurs fonctionnalités.
Si cela peut paraître surprenant, mais pas forcément dérangeant dans l’absolu si celles-ci ne sont pas indispensables à la conduite, certains modèles sont victimes de bugs pour le moins exaspérants. Et quand ces mêmes bugs touchent également les aides à la conduite, cela peut devenir même dangereux. Mais comment en est-on arrivé là ?
L’avènement de la voiture électrique a globalement redéfini assez largement l’industrie automobile. Cette nouvelle énergie, corrélée aux avancées technologiques inhérentes du secteur, a fait éclore plusieurs nouveautés intéressantes.
Les SDV : des iPhone sur roues
C’est le cas par exemple des véhicules définis par le logiciel, les fameux SDV dans le jargon pour « Software-Defined Vehicle ». Compte tenu du fait que la voiture électrique, pour être tout à fait pertinente, doit être pensée autour d’une architecture spécifique (même si Stellantis prouve que les plateformes multi-énergie ne sont pas forcément mauvaises non plus), certains constructeurs ont profité de cette « remise à zéro » pour repenser la manière de concevoir une voiture.
C’est pourquoi nombre d’entre eux développent désormais des Software-Defined Vehicle dont les fonctionnalités sont majoritairement gérées par logiciel, avec une architecture centralisée permettant des mises à jour fréquentes et à distance.
Contrairement aux voitures classiques, les SDV sont conçus pour évoluer après leur mise en circulation, tant sur les plans ergonomiques, fonctionnels et sécuritaires. Autrement dit, nous pourrions avoir le droit à des cycles de vie plus longs.
Quand ceux-ci s’articulent généralement autour de trois ans pour un restylage et sept ans pour une nouvelle génération, grâce aux SDV, les cycles de vie pourraient devenir plus long. C’est le cas par exemple de la Tesla Model S. En 2025, la berline électrique américaine est encore au catalogue et, grâce à de nombreuses mises à jour, restent encore plutôt pertinente malgré ses 12 ans de carrière face à une concurrence plus récente comme le trio allemand BMW i5, Audi A6 e-tron et autres Mercedes EQE.

Le problème, c’est que si le SDV semble maîtrisé chez certains constructeurs, comme chez Tesla notamment, d’autres marques rencontrent plus de difficultés. Au point même de nous livrer des voitures pas terminées qui seront « mises à jour ultérieurement », notamment pour certaines fonctionnalités dites « accessoires », autrement dit qui ne sont pas indispensables à la conduite.
Et ne pensez surtout pas que ces véhicules font figure d’exception, car de nombreux constructeurs sont touchés, du généraliste au premium, même européens !
Quels sont les constructeurs en difficulté ?
Même si les constructeurs introduisent des architectures électroniques avancées, ils peinent à livrer des logiciels stables à temps. Et les exemples sont nombreux.
General Motors est sans doute le plus symptomatique avec sa plateforme VIP (pour Vehicle Intelligence Platform) qui utilise un mélange bus de données CAN (très répandu dans l’univers auto) et d’Ethernet pour activer des fonctions comme le Super Cruise (conduite mains libres) et permettre des mises à jour à distance. Mais cette plateforme a ruiné le lancement du Hummer EV, du Cadillac Lyriq et du Chevrolet Blazer EV, tous minés par des bugs logiciels.

En Europe, Volvo cristallise à lui seul toutes la complexité de ce genre de plateforme. Les EX30 et EX90 sont de « vrais » SDV avec un calculateur central, une architecture électrique simplifiée et des logiciels conçus pour évoluer. Mais leur mise en production a été un cauchemar : retards, bugs, fonctions manquantes. Pourtant, ces véhicules sont disponibles à la vente et Volvo promet des mises à jour pour réparer ces bugs. Certains ont déjà été réglés, d’autres restent en suspens.
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Sur le Volvo EX30 par exemple, au lancement, CarPlay n’était pas disponible. Il a fallu attendre plusieurs mois pour qu’il arrive enfin. Certains utilisateurs ont aussi noté des problèmes avec les mises à jour à distance (OTA pour Over-The-Air). Si elles sont censées faciliter l’évolution du véhicule au fil du temps, leur déploiement s’est avéré complexe et ont obligé certains clients à se déplacer chez le concessionnaire pour régler le problème.
La fameuse clé numérique promise par Volvo a aussi mis un temps fou pour arriver, tandis que certains mises à jour OTA ajoutaient des problèmes, comme l’activation du frein qui coupait… la radio FM.
Pire encore pour Volvo avec son SUV électrique haut de gamme, l’EX90. Affiché à un prix de base proche des 90 000 euros, l’auto devrait être irréprochable, mais ce n’est visiblement pas le cas.
Dans un récent rapport, l’organisme indépendant américain Consumer Reports, équivalent plus ou moins à 60 Millions de Consommateurs ou l’UFC-Que Choisir en France, a relevé « un nombre extraordinaire de bugs ».
Sans tous vous les citer, ils ont notamment relevé l’écran central, indispensable pour les commandes du véhicule, qui s’éteignait de façon aléatoire, bloquant notamment le contrôle de la ventilation. Le démarrage du véhicule était parfois impossible pendant plusieurs minutes avec un message d’attente sur le tableau de bord. Autre point inquiétant : le voyant d’airbag s’était allumé pendant une semaine, et le système SOS est resté inopérant jusqu’à une mise à jour à distance.
Un correctif logiciel a été proposé par la marque, mais là encore, les résultats sont décevants. Si certains problèmes comme l’alerte airbag ont disparu, d’autres ont surgi : l’audio via Bluetooth et la radio sont devenus inutilisables, tandis que des messages d’erreur continuaient d’apparaître sans raison. Volvo rencontre de sérieux problèmes à stabiliser son système.

Au-delà des bugs, le manque de fonctionnalités promises à l’achat fait clairement tâche. Par exemple, le capteur LiDAR intégré à l’EX90 et censé ouvrir la voie à des fonctions de conduite autonome, ne sert pour l’instant qu’à « collecter des données » sans aucun usage concret pour l’utilisateur. Un bon exemple de payer pour ne rien avoir.
Chez Ford, on a préféré faire machine arrière. Le projet FNV4 de la marque devait être une grande avancée et destiné à des véhicules comme un nouveau SUV électrique sept places aux États-Unis, mais annulé en 2024. La partie logicielle n’était tout simplement pas prête. Désormais, certaines innovations du projet FNV4 seront intégrées à l’architecture FNV3 déjà existante et plutôt stable.
Et comment ne pas parler de Volkswagen ? Le groupe allemand, de son côté, a beaucoup misé sur sa filiale logicielle Cariad. Malgré des débuts prometteurs et un gros budget, ce fut un désastre. Plusieurs tentatives de restructuration ont échoué. Aujourd’hui, Volkswagen sous-traite à Mobileye, à des partenaires chinois et à Rivian.
Même si les problèmes semblent avoir disparu sur les dernières productions de la marque que nous avons pu prendre en main récemment, on se souvient de très grosses difficultés au lancement de la Volkswagen ID.3 ou encore du Skoda Enyaq, notamment pour la partie infodivertissement.
Volkswagen semble néanmoins aller dans le bon sens via le partenariat avec Rivian qui apportera au moins une architecture zonale, une nouvelle manière d’organiser l’électronique des SDV. La petite ID.2 sera la première à bénéficier du savoir-faire du constructeur américain en la matière.
Les autres sont-ils plus avancés ?
La plupart sont encore à quelques années de proposer de vrais SDV. Stellantis avance prudemment avec son projet STLA Brain. BMW promet un bond technologique avec sa Neue Klasse. Mercedes lancera sa plateforme SDV avec la nouvelle CLA, que nous avons récemment pu prendre en main et qui nous, à première vue, plutôt abouti même s’il y a eu quelques déceptions par rapport à ce qui a été annoncé au préalable.

Curieusement, les constructeurs japonais et coréens sont en retard. Hyundai et Kia progressent, mais leurs produits semblent avoir une génération de retard sur ceux de la concurrence et deux sur Tesla. Toyota a internalisé une grande partie de son développement logiciel aux États-Unis, mais reste loin d’un vrai SDV. Honda, encore très « old school », promet que ses futurs modèles « Série 0 » intégreront une plateforme SDV avec assistant intelligent et IA.
Tous ces projets connaîtront probablement des débuts difficiles. Car même avec de gros moyens, la transition n’est pas simple. Tesla, Rivian et les marques chinoises ont prouvé qu’un vrai SDV change totalement l’expérience utilisateur, même s’ils ont connu des débuts difficiles. Chez les constructeurs chinois, la spécialité, il fut un temps (et encore aujourd’hui sur certains modèles chez XPeng ou encore MG), c’était de livrer des voitures pas vraiment finies.
Nous en avons fait l’amère expérience lors des premiers essais de la MG4, où les ADAS étaient dangereuses sur autoroute. Heureusement, une mise à jour est venue très rapidement corriger le problème.
Même chose chez BYD avec les premiers essais de la Dolphin, où les ADAS faisaient absolument n’importe quoi et où l’auto donnait de grands coups de volant quand on était un peu trop près d’une ligne blanche, notamment à cause d’une alerte de franchissement de ligne très mal calibrée. Problème d’ailleurs réglé depuis.
Chez XPeng, certains modèles sont livrés avec des fonctions manquantes ou des traductions approximatives et qui arriveront plus tard via des mises à jour à distance.
Mais pourquoi est-ce si difficile à développer ?
D’un œil extérieur, on peut évidemment se demander pourquoi est-ce si compliqué, surtout quand on observe les avancées technologiques d’autres industries, à des années-lumière de l’automobile.
Les constructeurs ont pourtant recruté d’innombrables talents issus du monde de la tech’, de chez Tesla en passant par Apple ou encore Google. Ils ont investi des milliards. En théorie, tout paraît à portée de main. Mais sur le terrain, certains projets tournent au cauchemar. Il ne s’agit pas seulement de refaire du logiciel. Il faut réinventer toute l’organisation de l’entreprise autour du logiciel.
Ces entreprises considéraient le logiciel comme un problème à résoudre, pas une expérience à concevoir. Les ingénieurs de General Motors, Ford ou encore Toyota ont travaillé pendant des décennies avec des méthodes cloisonnées, peu propices à l’innovation, et destinées à rester figées durant les 20 ans de vie du véhicule.
Aujourd’hui, ils doivent créer des applications attrayantes, des fonctionnalités inédites, des architectures électriques entièrement nouvelles, inconnues de leurs fournisseurs. Ils doivent proposer des mises à jour dignes de la concurrence (Tesla en tête), le tout en livrant un produit abouti aux clients. Et tout cela en garantissant une cybersécurité quasi militaire.
Pour ne rien arranger à la situation, comme l’explique très bien Doug Field, responsable SDV chez Ford, le ralentissement de la progression des ventes de voitures électriques oblige les constructeurs à concevoir des systèmes compatibles avec des moteurs thermiques ou hybrides. Or, contrairement aux voitures électriques qui peuvent alimenter l’électronique 24h/24, les véhicules thermiques ne possèdent qu’une batterie 12V limitée en guise d’accumulateur, compliquant ainsi grandement le processus.
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