Batteries amovibles contre résistance à l’eau : le paradoxe des smartphones avec la nouvelle directive européenne

Batteries amovibles vs résistance à l'eau

 

En réponse à une directive de l'UE, les fabricants d'appareils électroniques pourraient devoir rendre les batteries de leurs produits plus facilement remplaçables. Cela s'inscrit dans le cadre de la volonté de l'UE d'encourager une économie circulaire dans l'industrie électronique. Cependant, cette nouvelle directive pourrait poser un dilemme : bien que le remplacement facile des batteries puisse prolonger la durée de vie des appareils et réduire leur impact environnemental, cela pourrait compromettre la résistance à l'eau de ces appareils.

Les bandes adhésives étirables qui bloquent la batterie sur l’iPhone 14 Pro // Source : iFixit

Il semble que le Parlement européen ait décidé de jeter un pavé dans la mare de l’industrie électronique. Par un vote massif en faveur d’une nouvelle directive (587 voix pour, 9 contre, 20 abstentions), le Parlement a indiqué clairement son intention d’encourager une économie circulaire dans l’industrie électronique.

Selon cette nouvelle directive, les batteries des appareils électroniques, des smartphones aux ordinateurs portables, devraient être facilement remplaçables par les consommateurs. Un défi majeur pour les constructeurs, dont la majorité ont choisi de privilégier les batteries intégrées dans le cadre d’un design plus épuré et d’une résistance accrue à l’eau et à la poussière.

Un paradoxe de durabilité

L’intention derrière cette directive est noble et orientée vers le futur. En rendant les batteries plus accessibles, l’objectif est de prolonger la durée de vie des appareils et de combattre l’obsolescence programmée, un phénomène couramment critiqué dans l’industrie électronique. Toutefois, la mise en œuvre de cette directive pourrait poser un paradoxe de durabilité.

En effet, la tendance à sceller les batteries à l’intérieur des appareils a contribué à une autre forme de durabilité : la résistance aux éléments avec l’étanchéité. Les smartphones d’aujourd’hui peuvent souvent survivre à une immersion accidentelle dans l’eau ou à une journée à la plage, précisément parce que leurs batteries sont scellées en toute sécurité à l’intérieur du boîtier.

Ainsi, en rendant les batteries plus faciles à remplacer, on risque de compromettre cette résistance, ce qui pourrait à son tour affecter la durée de vie des appareils. C’est un véritable dilemme pour l’industrie, qui va devoir trouver une solution pour concilier ces deux aspects de la durabilité.

Cela implique effectivement de repenser la manière dont les appareils électroniques sont conçus et assemblés. Les constructeurs devront probablement éviter l’utilisation de colle et d’autres adhésifs qui rendent difficile l’ouverture et la fermeture des appareils. C’est ce que nous avons souvent observé lors des démontages d’appareils par iFixit, une entreprise spécialisée dans la réparation d’électronique.

Enlever la batterie du Galaxy S23 n’est pas une mince affaire, il faut tirer à plusieurs // Source : iFixit

La durabilité des smartphones a une incidence directe sur leur bilan carbone. Plus un smartphone a une longue durée de vie, moins son impact environnemental est important. C’est une leçon que nous pouvons tirer du Fairphone, un modèle conçu avec une multitude de pièces amovibles, dont la batterie. Celle-ci a tendance à se dégrader rapidement, souvent dès la troisième année, mais sa conception permet un remplacement rapide et facile, une rareté dans le monde moderne des smartphones. Il suffit de retirer le capot arrière du téléphone, qui ne présente aucune résistance, d’extraire la batterie et de suivre les mêmes étapes en sens inverse pour installer la nouvelle batterie.

Fairphone 4 // Source : iFixit

Le Fairphone 4 offre un excellent exemple de ce que pourrait être le futur des appareils électroniques. Malgré sa grande modularité, l’appareil dispose d’une certification IP54, garantissant une bonne résistance à la poussière et aux chocs, mais pas une étanchéité totale.

Cette nouvelle directive pourrait également encourager les fabricants de smartphones à créer et à diffuser une documentation plus complète, ainsi qu’à rendre les pièces de rechange facilement disponibles. Ce serait un prolongement naturel de la notion de réparabilité, qui est de plus en plus valorisée à la fois par les consommateurs et par les régulateurs.

Comprendre les compromis entre certification de résistance à l’eau et remplacement de batterie pour prolonger la vie des appareils

Dans cette perspective, un smartphone pourrait être vendu avec une certification de résistance à l’eau, et cette certification pourrait être perdue lorsque la batterie est remplacée pour la première fois. Cela pourrait être considéré comme un inconvénient, mais il est important de noter qu’un tel changement pourrait également contribuer à prolonger significativement la durée de vie utile du produit. Au lieu de devoir remplacer tout l’appareil lorsque la batterie commence à faiblir, les consommateurs pourraient simplement remplacer la batterie et continuer à utiliser leur appareil.

Bien sûr, cela nécessiterait une certaine éducation des consommateurs pour leur faire comprendre les compromis impliqués. Cependant, il est clair que la possibilité de remplacer facilement la batterie d’un smartphone ou d’un autre appareil électronique peut grandement améliorer la longévité de ces produits, réduire leur impact environnemental et, au bout du compte, offrir un meilleur rapport qualité-prix aux consommateurs.

Il reste à voir comment les fabricants d’appareils électroniques vont réagir à cette nouvelle directive, mais il est clair que nous sommes à l’aube d’une ère de transformation pour l’industrie électronique, avec un accent renouvelé sur la durabilité, la réparabilité et la responsabilité environnementale.

Il convient de mentionner que nous n’avons pas abordé le sujet des ordinateurs portables dans ce contexte, mais certains acteurs de l’industrie méritent une attention particulière. C’est le cas de Framework, dont le modèle de Laptop 13 est un exemple de durabilité et d’évolutivité. Simple à réparer, facile à mettre à niveau et à démonter, avec des pièces de rechange disponibles et une documentation détaillée, il représente une voie à suivre pour l’industrie. Il est vrai que concevoir des ordinateurs portables aussi fins que le dernier MacBook Air M2 15 tout en respectant ces critères de durabilité et de réparabilité représente un défi de taille. Néanmoins, l’industrie n’a jamais été à court de challenges.