Pourquoi recharger sa voiture électrique la nuit sera bientôt une mauvaise idée

 
Et si les heures creuses la nuit n’étaient plus pertinentes dans le futur ? C’est ce que laisse transparaître une étude de Bloomberg, en tous cas si l’on considère l’impact carbone lié à l’utilisation d’électricité. Voyons ce qui pourrait changer pour permettre de rouler vraiment sans émission.
Le Wall Connector de Tesla peut charger une Volkswagen ID.4 comme une Tesla Model Y // Source : Tesla

Les conducteurs de voitures électriques qui chargent à la maison le font en majorité la nuit. Tout d’abord, pour la plupart des personnes, c’est le moment de la journée où leur voiture est stationnée et inutilisée, mais surtout, c’est le moment où l’électricité est la moins chère.

Que ce soit avec une offre heures creuses d’EDF, ou bien un contrat avec l’option Tempo, les heures où l’électricité est moins chère sont bien la nuit. Mais dans un monde où l’électricité est de plus en plus issue d’énergies renouvelables, notamment grâce aux panneaux solaires, cette méthode n’a peut-être plus lieu d’être. Voyons comment concilier recharge à moindre coût et à faible intensité carbone.

Des heures creuses qui sont souvent la nuit : quel impact en France ?

Au moment d’écrire ces lignes, en France, le concept d’heures creuses est très majoritairement la nuit. En l’occurrence, sur la plupart des contrats, il n’y a qu’une seule plage d’heures creuses qui va de 22 heures à 6 heures du matin. C’est le cas pour l’option Tempo d’EDF dans 100 % des cas.

Selon les décisions prises localement par Enedis, si vous avez un contrat différent de l’option Tempo, vous pouvez avoir une plage d’heures creuses de 2 à 4 heures à un autre moment de la journée, par exemple de 13 heures à 15 heures. Dans d’autres cas, les 8 heures creuses sont bien consécutives, mais débutent à minuit, pour terminer à 8 heures.

Quel que soit le cas de figure, pendant la majorité des heures creuses, il manque une chose : le soleil. Dit autrement, sur la totalité du parc solaire installé en France, s’il n’y a pas de batteries à côté des panneaux solaires pour stocker l’énergie générée en journée, aucune électricité ne pourra être utilisée en heures creuses la nuit.

Centrale solaire d’Aramon – France // Source : EDF

Par conséquent, l’apport solaire qui est utile pour baisser les émissions de CO2 par kilowattheure produit et consommé par le client final n’apporte que peu de bénéfice pour les conducteurs de voitures électriques chargeant majoritairement à domicile, la nuit.

Bien entendu, il existe d’autres apports en énergie renouvelables qui ne sont pas dépendants du soleil, comme l’éolien — mais qui est dépendant du vent — ou l’énergie hydraulique. En France, l’écrasante majorité de l’électricité décarbonée ne vient pas d’une source renouvelable, mais bien du nucléaire, qui représente aujourd’hui plus de 85 % de la production d’EDF. Ce cas particulier de la France permet, au final, de profiter d’une électricité à très faible intensité carbone même la nuit, puisque le nucléaire apporte de l’énergie tout au long de la journée.

Le problème des heures creuses dans d’autres pays

Dans l’étude proposée par Bloomberg dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises, nous constatons que les différents pays examinés (Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis et Chine) présentent de gros écarts au niveau du nombre de grammes de CO2 par kilowattheure consommé entre le jour et la nuit.

Différence entre le jour et la nuit en terme de gCO2/kWh d’électricité utilisée pour charger une voiture électrique // Source : Bloomberg

Le graphique ci-dessus montre que pour les USA, la Chine et l’Allemagne, nous retrouvons des différences importantes au niveau de l’impact carbone de la charge d’une voiture le jour ou la nuit. Par exemple, en Allemagne, un kilowattheure rejette 45 % de CO2 en plus la nuit que le jour. La raison est bien entendu la perte de l’apport solaire dans le mix électrique du pays.

Le plus gros écart est aux USA, dans toute la région Midwest, où les émissions de CO2 d’un kilowattheures atteignent plus de 600 grammes la nuit, soit 168 % de plus qu’en journée. Vous remarquerez qu’un pays fait office d’exception à cette règle : le Royaume-Uni. La raison est à chercher du côté du parc éolien installé, qui est fortement sollicité la nuit, et permet donc peu ou prou d’avoir une électricité qui n’est pas plus carbonée que lorsqu’il y a un apport solaire en journée.

Pour la Californie, le fait qu’il y ait un parc photovoltaïque installé conséquent permet d’avoir une électricité très peu carbonée en journée, mais dont l’impact carbone double dès la nuit tombée. Ce constat est celui de 2023 d’après l’étude de Bloomberg, et comme chacun le sait, le futur de l’électricité tend vers les énergies renouvelables. En 2030, les différentes régions considérées devraient baisser drastiquement l’impact carbone de leur électricité en journée, comme le présente le graphique ci-dessous.

Différence entre le jour et la nuit en terme de gCO2/kWh d’électricité utilisée pour charger une voiture électrique en 20230 // Source : Bloomberg

Si globalement, l’électricité de 2030 sera plus propre, les écarts entre le jour et la nuit seront beaucoup plus importants. Par exemple, alors que le kilowattheure nocturne en Allemagne ne rejetait que 45 % de CO2 en plus qu’en journée, l’écart atteindrait 256 % en 2030. De quoi pousser les fournisseurs d’électricité à proposer de l’électricité bon marché en journée ?

Pourquoi les heures creuses en journée ont un intérêt ?

La disponibilité de l’électricité est très inégale selon les périodes, justement grâce (ou à cause, selon la manière de voir les choses) aux énergies renouvelables qui sont dépendantes des conditions climatiques. Dit autrement, s’il y a du vent et du soleil, le parc éolien et photovoltaïque va produire beaucoup d’électricité, parfois jusqu’à en produire plus qu’il n’en faut.

À 14 heures le samedi 23 mars 2024, les prix de l’électricité sont négatifs dans beaucoup de pays d’Europe // Source : URL

Et lorsqu’il y a trop d’électricité, les prix SPOT (sur le marché de gros de l’électricité) s’écroulent, comme le graphique ci-dessus le montre. À 14 heures, la quasi totalité de l’Europe de l’ouest a des prix négatifs sur le marché de l’électricité. Plutôt que de gaspiller cette électricité que l’on ne sait plus stocker, il faudrait pouvoir inciter financièrement les consommateurs à l’utiliser, surtout que c’est une électricité très peu carbonée. Par exemple, proposer des tarifs très bas pour recharger sa voiture électrique durant ces périodes serait une bonne piste.

Dans le futur, si les véhicules permettent le V2G (comme avec la future Renault 5 E-Tech), tout un parc de batteries tampon seront disponibles, ce qui assurera aux gestionnaires de réseaux électriques de mieux pouvoir lisser la disponibilité de l’électricité. Et surtout, en remplissant toutes ces batteries lorsqu’il y a un excédent d’électricité, ils s’assureraient de ne pas avoir à payer l’électricité plus cher à d’autres moments de la journée, en plus d’avoir une intensité carbone minimale.

Si pour le moment, les contrats avec des heures creuses restent majoritairement en pleine nuit, nul doute que le futur laissera place à des tarifs plus dynamiques, en fonction de la production et de la consommation réelle à chaque instant. C’est en tout cas ce qui aurait le plus de sens, surtout avec la quantité croissante de véhicules électriques branchés à une borne de recharge.


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