Pourquoi les utilisateurs Android devraient s’inquiéter du conflit Apple-Europe

 
Android domine le marché européen, mais ses utilisateurs ne sont pas à l’abri des répercussions du bras de fer entre Apple et Bruxelles.
Crédits : image générée avec une IA par Frandrodi

Le bras de fer entre Apple et l’Union européenne dépasse largement le cadre d’une simple querelle commerciale. C’est ce que l’on peut comprendre dans la prise de parole d’Apple à quelques médias, dont Numerama.

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Bien que les utilisateurs Android puissent se sentir détachés de ce conflit, les répercussions pourraient bien transformer l’ensemble du paysage technologique européen. Le Digital Markets Act, initialement conçu pour réguler les géants du numérique, crée des précédents qui menacent l’innovation globale, selon Apple.

Apple le dit clairement : la stratégie européenne consiste à forcer Apple à partager ses technologies propriétaires avec ses concurrents.

Concrètement, cela signifie ouvrir l’accès aux réseaux Wi-Fi enregistrés, permettre aux applications tierces de recevoir les notifications sans filtre, ou encore autoriser les accessoires tiers à utiliser les mêmes technologies que les produits Apple. Une approche qui pourrait sembler favorable à Android à première vue… puisqu’Apple est obligé d’ouvrir certaines portes de son univers ultra fermé

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Cette stratégie porte déjà ses fruits dans certains domaines. Apple Pay doit désormais cohabiter avec d’autres solutions de paiement, ce qui offre plus de choix aux consommateurs européens. Les applications par défaut peuvent être modifiées, libérant les utilisateurs de Safari ou de l’App Store s’ils le souhaitent. Et ainsi de suite.

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Pourtant, cette logique d’ouverture forcée pourrait rapidement se retourner contre Google selon Apple. Si l’Europe obtient gain de cause avec Apple, rien n’empêchera l’application des mêmes principes à Android. Les services Google exclusifs, l’intégration privilégiée avec Chrome, ou encore les fonctionnalités réservées aux Pixel pourraient faire l’objet des mêmes exigences d’ouverture.

L’exemple le plus parlant concerne les futurs produits. Apple affirme que si les AirPods devaient sortir aujourd’hui, leur lancement serait probablement impossible en Europe. La Commission exigerait le partage des fonctionnalités exclusives avec les concurrents, ce qui détruirait l’avantage concurrentiel qui justifie l’investissement en recherche et développement.

Cette dynamique menacerait donc directement l’écosystème Android. Les fabricants comme Samsung, qui développent des fonctionnalités exclusives pour leurs Galaxy Buds ou leurs montres connectées, pourraient se voir contraints de les partager avec leurs rivaux. L’innovation perdrait alors son principal moteur : l’avantage concurrentiel.

Le risque d’une Europe technologique à deux vitesses

La fragmentation du marché européen constitue un autre danger sous-estimé. Si les géants technologiques choisissent de limiter leurs innovations en Europe pour éviter les complications réglementaires, le continent pourrait se retrouver avec des versions bridées des services que connaissent les autres régions du monde.

Cette perspective inquiète d’autant plus que l’Europe accuse déjà un retard considérable dans le secteur technologique. Aucun géant européen du numérique ne rivalise avec les GAFAM américains ou les champions chinois. En ajoutant des contraintes supplémentaires, l’Europe risque de creuser encore cet écart, ce qui transformerait le continent en marché de seconde zone pour l’innovation technologique.

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Le paradoxe européen devient alors évident : en cherchant à protéger la concurrence, les régulateurs européens pourraient détruire les conditions mêmes de l’innovation.

Selon Apple, les utilisateurs Android, comme ceux d’iPhone, ont tout intérêt à ce qu’un équilibre soit trouvé rapidement. Car dans cette guerre réglementaire, il n’y aura peut-être que des perdants.

L’Europe assume ce risque

L’Europe assume ce risque au nom d’un principe plus large : empêcher la constitution de monopoles technologiques qui étouffent la concurrence. L’histoire technologique montre d’ailleurs que les innovations les plus révolutionnaires émergent souvent de la concurrence plutôt que de la domination.

Au-delà de la protection du consommateur, l’Europe poursuit un objectif géopolitique plus ambitieux : reprendre le contrôle de son destin numérique. En contraignant Apple et Google à ouvrir leurs plateformes, elle espère créer un terreau favorable à l’émergence d’acteurs européens. Une stratégie risquée mais nécessaire face à la domination écrasante des géants étrangers.

La vraie question n’est donc pas de savoir si l’Europe a raison ou tort de s’attaquer aux géants technologiques, mais si elle saura tirer parti de cette régulation pour faire émerger ses propres champions.

Le succès de cette stratégie déterminera si les utilisateurs européens bénéficieront à terme d’un écosystème plus diversifié et innovant, ou s’ils subiront les contrecoups d’une guerre réglementaire sans gagnant.

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