Une voiture électrique qui vieillit recharge-t-elle vraiment plus lentement ?

Oui, mais c'est (souvent) imperceptible

 

Certains nouveaux venus dans le monde de la voiture électrique se posent des questions importantes, notamment sur le plan de la dégradation de la batterie. Ce phénomène bien réel a-t-il des conséquences sur la durée des charges rapides ? Est-ce qu'une ancienne voiture électrique met beaucoup plus de temps à se recharger par rapport à une neuve ? On vous répond.

Le vieillissement de la batterie d’une voiture électrique est un phénomène inévitable. Avec le temps et les kilomètres parcourus, il restera moins d’énergie dans la batterie que lorsqu’elle était neuve. L’impact principal visible est au niveau de l’autonomie maximale qui va diminuer, mais ce n’est pas le seul phénomène que les propriétaires constatent.

En effet, avec des cellules qui emmagasinent moins d’énergie, la puissance maximale de recharge peut être revue à la baisse, comme nous allons le voir ci-après. En outre, des constructeurs agissent proactivement en limitant la puissance de charge après un certain nombre de cycles, ce qui a déjà provoqué la grogne de nombreux propriétaires. Et si la dégradation de la batterie cachait d’autres désagréments que ceux liés à l’autonomie ?

Qu’est-ce que la dégradation d’une batterie de voiture électrique ?

La dégradation d’une batterie de voiture électrique fait couler beaucoup d’encre. Les réfractaires à l’électromobilité affirment bien souvent qu’après quelques années, les batteries sont bonnes à jeter. Si cette assertion est tout naturellement fausse, cela ne signifie pas pour autant que les batteries ne se dégradent pas.

Nous distinguons deux types de dégradation : celle qui est liée à l’utilisation (les cellules se dégradent à chaque cycle de recharge) et celle qui est liée au vieillissement (la dégradation calendaire). La première est généralement liée à l’utilisation qui est faite d’un véhicule. En d’autres termes, plus le propriétaire parcourt de kilomètres, plus sa batterie va se dégrader rapidement. La seconde quant à elle est plutôt inévitable, puisque même sans utiliser une batterie, les cellules vont vieillir avec le temps.

 

BMW i5

La combinaison de ces deux dégradations a un impact visible aisément pour tout propriétaire de voiture électrique. En effet, son autonomie va naturellement baisser avec le temps, sans qu’il n’y ait quoi que ce soit à faire pour stopper le phénomène. Il existe bien entendu certaines bonnes pratiques à mettre en œuvre pour garder sa batterie en bonne santé, cependant il est à ce jour impossible d’éradiquer la dégradation d’un pack de batterie. C’est une notion qu’il faut accepter.

À titre d’exemple, en environ 135 000 kilomètres parcourus en Tesla Model 3 Grande Autonomie entre 2019 et fin 2022, la dégradation mesurée était de l’ordre de 14 %. Il ne faut pourtant pas faire un raccourci en indiquant que le pack se dégrade d’environ 1 % tous les 10 000 kilomètres, car la majeure partie de la dégradation est calendaire. Cela signifie qu’un propriétaire qui aurait roulé seulement 20 000 kilomètres en autant de temps n’aurait pas une dégradation de 2 %, mais plutôt entre 10 et 15 %, peu importe l’usage.

Précisons que les nouvelles batteries LFP qui ne contiennent pas de cobalt sont moins sensibles à la dégradation. En d’autres termes, l’autonomie diminuera moins avec le temps et les kilomètres parcourus.

Cette dégradation a pour effet de rapetisser la quantité d’énergie maximale stockée dans la batterie, ce qui impacte nécessairement la courbe de recharge. Voyons ce qu’il en est.

La courbe de recharge peut évoluer

Si vous n’avez pas en tête ce qu’est une courbe de recharge de voiture électrique, nous avons un dossier dédié récapitulant les informations cruciales sur le sujet. Pour résumer, il s’agit de la puissance que peut accepter la voiture lors de la recharge selon le taux de charge de la batterie. Ainsi, une batterie qui est chargée à 10 % de sa capacité pourra accepter une puisasnce de charge bien supérieure à une autre batterie rechargée à 80 %. Passer de 10 à 20 % prend moins de 5 minutes, alors que passer de 80 à 90 % peut prendre de longues minutes.

Avec la dégradation, la courbe peut se « décaler » vers la gauche, ce qui a pour effet de réduire la durée pendant laquelle la voiture accepte la puissance maximale de charge. En pratique ainsi, les cellules ne pouvant pas accepter autant de courant que lorsqu’elles étaient neuves, il se peut que le pic de puissance de charge soit fortement réduit en durée.

En prenant par exemple une Tesla Model 3 Grande Autonomie, qui accepte jusqu’à 250 kW de puissance maximale sur un Superchargeur de la marque, la dégradation de batterie peut avoir un effet perceptible pour le conducteur. Lorsqu’elle est neuve, la puissance de 250 kW est absorbée entre 0 et 20 % environ, alors qu’avec quelques centaines de cycles de batterie et des années d’utilisation, cela baissera dès 15 %.

Précisons que certaines voitures électriques intègrent ce qu’on appelle un tampon : c’est une réserve dans la batterie, qui sert justement à éviter ce genre de phénomène. C’est pour cette raison que les constructeurs parlent de capacité nette et brute. La capacité nette, c’est celle qui est disponible pour le conducteur, alors que la capacité brute, c’est la capacité disponible additionnée à la capacité « cachée » par la voiture. Et cette capacité cachée peut justement être utilisée pour contrebalancer l’usure des batteries et ainsi ne pas réduire l’autonomie de la voiture. Mais l’inconvénient, c’est que lorsque la voiture est neuve, il est impossible d’utiliser ce tampon.

Si ce phénomène est bien réel, l’impact est cependant à modérer : il est peu probable que la dégradation de la batterie ne fasse perdre plus de 2 à 3 minutes sur une charge de 30 minutes, ce qui est donc de l’ordre de l’imperceptible. Il existe toutefois des exceptions qui peuvent faire peur, comme nous allons le voir ci-dessous.

Un exemple qui peut faire peur : les anciennes Tesla

Une affaire a fait couler beaucoup d’encre entre 2019 et 2021 en Norvège, où les Tesla Model S de première génération ont reçu une mise à jour logicielle qui n’a pas fait que des heureux. En effet, alors que les véhicules étaient jusqu’alors capables de se charger à une puissance de 115 kW, du jour au lendemain, la puissance maximale n’atteignait plus que 95 kW.

Cette réduction de la puissance maximale en charge rapide de l’ordre de 18 % n’a pas plu aux Norvègiens, qui ont décidé d’apporter le dossier devant la justice. Le procès s’est terminé au mois de mai 2021, et Tesla a été reconnu coupable d’avoir altéré la capacité de charge des véhicules sans justification.

Plusieurs milliers de conducteurs de Tesla Model S en Norvège ont reçu autour de 15 000 euros en dédommagement, et Tesla a fait marche arrière en ôtant la limite de charge. De plus, la firme d’Elon Musk en a profité pour booster la capacité de charge rapide à 145 kW, montrant bien qu’il n’y avait pas de réel fondement à la limiter à 95 kW.

Certains voyaient dans cette décision initiale de Tesla une manière de pousser les anciens clients à racheter une nouvelle Tesla Model S, qui aurait pu charger plus rapidement.

Outre ce cas d’école, il existait des Tesla Model S et Model X entre 2014 et 2018 qui avaient une limite de charge en courant continu à pleine puissance. En pratique, il s’agissait par exemple de 500 sessions de Supercharge à pleine puissance, puis les suivantes se faisaient à une puissance réduite, allongeant ainsi le temps de charge de manière considérable.

Depuis cinq ans maintenant, toutes ces histoires ne sont plus d’actualité, fort heureusement pour la firme américaine, et nous n’avons pas connaissance de Tesla Model 3 ou Model Y qui auraient vu leur puissance de charge limitée. Ceci montre bien que Tesla a évolué dans le bon sens, et n’a plus besoin de prendre des précautions non nécessaire pour éviter d’avoir à gérer des remplacements de batterie en garantie.

Non, votre batterie n’est pas bonne à jeter après quelques années

Comme vous le savez désormais, la batterie d’une voiture électrique ne se dégrade pas de manière conséquente en quelques mois ou années, et sa capacité de charge rapide reste généralement presque aussi bonne que lorsqu’elle était neuve. Certains constructeurs mettent en avant la tenue dans le temps de leurs packs de batterie, comme c’est le cas pour Tesla récemment, afin de faire la chasse aux idées reçues sur les véhicules électriques.

Ce n’est pas chose aisée, mais avec des ventes de véhicules électriques qui dépassent année après année les précédents records, gageons que les mentalités évoluent dans le bon sens, puisqu’une voiture électrique n’est pas propre, mais pollue moins qu’une voiture thermique (diesel ou essence). Enfin, bien que la puissance maximale acceptée par la batterie puisse baisser avec le temps, une session de charge rapide typique ne s’allongera pas de plus de 2 à 3 minutes.


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