Comment est calculée l’autonomie des smartphones sur l’étiquette énergie

Cage de Faraday, signal 4G calibré, luminosité à 200 nits

 
Comment l’Europe calcule-t-elle vraiment l’autonomie de votre smartphone ? Cage blindée, luminosité à 200 nits, volume à 75 dB : découvrez les secrets d’un protocole technique développé en Bretagne.
Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Depuis ce 20 juin 2025, chaque smartphone vendu en Europe doit afficher son score d’efficacité énergétique. Mais que se cache-t-il derrière cette note A-F ? Dans les laboratoires bretons de SmartViser, Xavier Frere nous dévoile les coulisses techniques d’un protocole révolutionnaire qui standardise enfin la mesure d’autonomie des smartphones européens.

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Une cage de Faraday pour isoler le smartphone du monde extérieur

« Tout ça bien rentré dans une cage de Faraday« , explique Xavier Frere en nous montrant l’imposante boîte métallique qui trône dans son laboratoire. Cette enceinte blindée isole complètement le smartphone de son environnement électromagnétique extérieur, garantissant des conditions de test parfaitement contrôlées.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

À l’intérieur, pas de réseau opérateur réel. « On a une antenne qui permet d’apporter au téléphone de façon contrôlée le réseau 4G et le réseau WiFi« , détaille l’expert. Cette approche évite les aléas des réseaux live : congestion, variations de signal, différences entre opérateurs qui fausseraient les mesures.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Le choix du réseau simulé n’est pas anodin. « Pour que vraiment il y ait un contrôle des conditions, une répétabilité, une consistance, il faut que les réseaux qui sont en face soient extrêmement bien spécifiés », insiste Xavier Frere. L’objectif : qu’un même smartphone testé à Paris, Berlin ou Rome obtienne exactement le même résultat.

Un signal 4G calibré au millième près

Les paramètres réseau font l’objet d’une précision chirurgicale. Le signal 4G est configuré en bande 3 (1800 MHz) avec un niveau de puissance fixé à -90 dBm. « On a pris un niveau de puissance assez élevé, mais surtout avec un débit confortable« , précise l’expert. Le débit disponible est bridé à 40 Mbps, « ça permet de tout faire » sans saturer les capacités du smartphone.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Cette configuration simule des conditions de réception moyennes, ni excellentes ni dégradées. « L’idée c’était pas de le mettre dans les super conditions de confort, mais pas non plus de le mettre dans une zone où il va galérer« , résume Xavier Frere. Un équilibre qui reflète l’usage quotidien moyen des Européens.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Le protocole impose aussi une répartition stricte : 93 % du temps en données cellulaires, 7 % en WiFi. « L’Union européenne a considéré que c’était un mobile, donc il nous accompagne au quotidien », justifie l’expert. Une logique qui privilégie la mobilité sur l’usage domestique.

Luminosité à 200 nits : le compromis européen

L’écran, premier consommateur d’énergie, fait l’objet d’un réglage minutieux. La luminosité est fixée à 200 nits, soit environ 60 % de la luminosité maximale des smartphones actuels. « Globalement entre 200 et 400 c’est ce qu’on utilise au quotidien« , observe Xavier Frere.

Ce choix résulte d’un compromis laborieux avec les constructeurs. « En 2021, tout le monde était réglé à 200 nits. Maintenant les écrans sont plus lumineux et globalement les gens le mettent jamais à 200« , reconnaît Xavier Frere. La négociation a abouti à 200 nits, un niveau qui satisfait l’usage moderne sans pénaliser les smartphones moins puissants.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Autre paramètre crucial : la désactivation des algorithmes d’adaptation automatique. « L’idée c’était de désactiver toutes les algos de gestion de batterie qu’on peut désactiver« , explique Xavier Frere. Exit le mode économie d’énergie, l’adaptation automatique de luminosité ou la gestion intelligente des processus en arrière-plan.

Volume sonore calibré à 75 décibels

Le son ne fait pas exception à cette standardisation poussée. Le volume est réglé pour produire exactement 75 décibels à 20 centimètres du haut-parleur. « On a mis 75 dB à 20 cm« , précise Xavier Frere, qui a développé des outils spécifiques pour cette mesure.

Cette calibration audio nécessite un environnement contrôlé. « Tu as un mur ici, tu vas avoir plus ou moins de dB. Tu as du bois, si tu le mets un centimètre au-dessus, tu mets 1 cm en dessous c’est pas pareil », détaille l’expert. SmartViser a même conçu une planche de test spéciale pour standardiser ces mesures acoustiques.

L’objectif : éviter qu’un constructeur triche en baissant drastiquement le volume de test. « Tout le monde aurait choisi super bas » sans cette contrainte, admet Xavier Frere.

Le cycle de test : 2h30 de boucle jusqu’à l’extinction

Le cœur du protocole repose sur un cycle répétitif de 2h30. « Le protocole vient générer 4 heures d’activité par jour. On vient simuler 30 minutes d’activité toutes les 2h30 », détaille Xavier Frere. Cette boucle se répète indéfiniment jusqu’à l’extinction complète du smartphone.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Chaque cycle comprend plusieurs activités standardisées :

  • Appel vocal : 4 minutes en 4G pour tester la consommation réseau
  • Navigation web : sessions de quelques minutes en WiFi sur des pages de référence
  • Streaming vidéo : lecture de contenus 720p stockés localement (près de la cage) pour éviter les aléas réseau
  • Gaming : simulation via page WebGL plutôt qu’un jeu spécifique
  • Réseaux sociaux : transferts de données simulant uploads et downloads
  • Veille : périodes d’inactivité écran éteint entre chaque activité

« C’est notre application qui va gérer la désactivation du WiFi, l’activation du WiFi, tous les paramètres du smartphone« , précise l’expert. L’automatisation totale garantit une reproduction exacte d’un test à l’autre.

Une simulation de gaming

Le choix du gaming montre bien les compromis du protocole. Plutôt que d’utiliser un vrai jeu, les tests emploient « une page WebGL » qui simule une activité graphique 3D. « On peut pas choisir un jeu, pourquoi on irait choisir un jeu plus qu’un autre ?« , se défend Xavier Frere.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Cette solution évite les biais liés au choix d’un titre spécifique, mais s’éloigne de la réalité du gaming mobile. « Ça permet d’aller stimuler le CPU, le GPU et bien sûr toute la plateforme graphique« , justifie Xavier Frere. La page WebGL sollicite les mêmes composants qu’un vrai jeu, même si l’intensité diffère.

Le contenu de cette simulation reste volontairement générique : « Un environnement avec des poissons, de la musique libre de droit, de la vidéo libre de droit« , décrit Xavier Frere.

Calcul final : temps divisé par énergie réelle

Une fois le smartphone éteint, le calcul du score commence. « Il va y avoir deux paramètres qui vont intervenir : l’endurance du mobile qui va être le temps que le mobile va mettre pour passer de 100% à son extinction, et tout ça va être divisé par l’énergie de la batterie », explique Xavier Frere.

Attention : l’énergie n’équivaut pas à la capacité en milliampères-heures. « On vient prendre en compte l’énergie contenue dans la batterie. C’est la capacité de la batterie multipliée par sa tension nominale », précise l’expert. Cette distinction cruciale évite les biais liés aux différences de voltage entre constructeurs.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Un smartphone qui tient 60 heures avec une batterie de 5000 mAh à 3,8 V obtient un index de : 60 / (5000 × 3,8 / 1000) = 3,16. Cet index est ensuite converti en note A-F selon des barèmes européens prédéfinis.

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Des conditions de test strictes

Au-delà des paramètres logiciels, l’environnement physique fait l’objet d’un contrôle draconien. Température stabilisée, hygrométrie contrôlée, absence de vibrations : chaque détail compte pour la répétabilité des mesures.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

« Ils ont une courbe, ils ont la consommation estimée par activité« , décrit Xavier Frere en montrant les tableaux de bord générés. Ces données permettent de vérifier que le test s’est déroulé normalement : « Il est resté en WiFi pendant 7 % du temps et en cellulaire 93 % du temps, il avait toujours le réseau. »

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

Les rapports incluent aussi des métriques détaillées : « 768 chargements de contenu, 120 lectures de vidéos« , énumère Xavier Frere. Cette granularité permet de détecter d’éventuelles anomalies dans le déroulement du protocole.

Un système perfectible mais utile

« L’efficacité énergétique c’est un sujet important pour les consommateurs, c’est clairement un sujet de 2025« , défend Xavier Frere. Malgré ses limites, ce protocole offre enfin un référentiel commun pour comparer l’efficacité énergétique des smartphones européens.

Source : Ulrich Rozier pour Frandroid

« C’est vraiment une mesure d’efficience« , insiste l’expert. Le score ne reflète pas l’autonomie brute mais l’optimisation énergétique. Un iPhone avec une batterie plus petite peut surclasser un concurrent Android moins bien optimisé.

Cette standardisation européenne force aussi les constructeurs à optimiser leurs appareils. « Ça pousse les constructeurs à améliorer la satisfaction client au niveau de l’endurance des smartphones« , observe Xavier Frere.

Reste que ce protocole, aussi rigoureux soit-il, ne remplace pas les tests en conditions réelles. Il offre une base de comparaison uniforme, mais votre usage personnel peut différer radicalement de ces 4 heures d’activité standardisées. Bref, un outil précieux, à condition de comprendre ses limites.

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