« C’est pensé comme une antithèse au Tesla qui a 600 kg de batterie » : Aemotion nous a présenté une ni voiture ni moto 100 % électrique française

 
Cinq salariés, un prototype imprimé en 3D, et une ambition : révolutionner la mobilité urbaine.

Sur le stand d’Aemotion à VivaTech, l’atmosphère est détendue mais l’ambition bien réelle. Face à leur prototype encore en développement, le co-fondateur designer m’explique avec passion comment cette start-up française compte bousculer nos habitudes de transport dès 2027. Ils sont en train de créer un véhicule hybride qui chercher à réconcilier enfin sécurité automobile et agilité des deux-roues, le tout en 100 % électrique.

Un quadricycle pensé pour contourner les limitations réglementaires

Lorsque je demande ce qui distingue vraiment leur véhicule des autres, le designer sourit avant de plonger dans les subtilités techniques. « Techniquement, c’est un peu barbant, mais la plus grosse modification sera que la voie arrière est réduite pour pouvoir être enregistré comme un tricycle », m’explique-t-il en pointant les roues arrière rapprochées.

Cette astuce réglementaire cache une ambition bien plus large : créer une nouvelle catégorie de véhicule. « Au niveau des codes, on n’est pas dans les codes moto, on n’est pas dans les codes voiture, on est pensé comme une nouvelle catégorie », insiste-t-il. Cette approche permet surtout d’accéder à l’autoroute, privilège refusé aux quadricycles classiques.

Le prototype que je découvre, encore imprimé en 3D, annonce déjà les lignes du modèle final à 95 %. En caressant la carrosserie, on sent la réflexion derrière chaque courbe. La vitesse sera volontairement bridée à 115 km/h pour préserver l’autonomie. « Si on dépasse 115-130 km/h, on grève vraiment trop l’autonomie », justifie l’équipe, bien que le moteur permette d’aller plus haut.

Deux stratégies de batterie pour deux usages distincts

Ce qui m’interpelle le plus, c’est leur approche modulaire de l’énergie. En me montrant les batteries amovibles, le co-fondateur détaille le premier système : deux batteries de 10 kg chacune, rechargeables sur n’importe quelle prise domestique. « Vous pouvez swapper les batteries et les ramener à la maison pour les brancher ».

Cette configuration offre 80 km d’autonomie urbaine, parfait pour les trajets quotidiens. L’idée vise clairement les utilisateurs sans garage fixe ou infrastructure de recharge dédiée.

L’alternative ? Une batterie fixe de plus grande capacité, portant l’autonomie à 200 km. Le revers de la médaille : il faut un chargeur dédié et un espace de stationnement approprié.

En écoutant leur explication, la cible client se dessine : « C’est pensé pour les clients qui seraient en banlieue, un peu loin du centre-ville, qui ont besoin de bouger toute la journée et qui ont besoin de prendre un petit bout d’autoroute de temps en temps. » Comme ce trajet Montreuil-Paris qu’évoque le fondateur : « Un petit bout d’A86, un petit bout de périph… »

Un concentré de technologie française dans 250 kg

Ce qui m’a intéressé en discutant avec l’équipe, c’est leur fierté de l’ancrage français. L’assemblage s’effectue en région Rhône-Alpes, avec 80 % des composants fabriqués localement. Une approche qui facilite le contrôle qualité et réduit l’empreinte carbone, mais aussi un choix assumé de soutenir l’industrie hexagonale.

En inspectant le châssis, je découvre un arceau de sécurité en acier tubulaire. « Vous êtes dans un arceau de sécurité fabriqué en acier, c’est plus proche de la conduite d’un scooter mais vous avez une sécurité supérieure à une moto équivalente », m’assure le designer. La différence se ressent : malgré ses 250 kg, on se sent protégé.

La carrosserie mérite qu’on s’y attarde. Composée de polypropylène expansé français, le même matériau que les casques moto, elle surprend par sa légèreté. « C’est super léger, très costaud et recyclable à 100 % », énumère fièrement le co-fondateur en me faisant tester la résistance d’un échantillon.

Cette approche éco-responsable s’accompagne d’une stratégie de location longue durée permettant la récupération et le recyclage complet des véhicules. La vision circulaire, c’est aussi très tendance.

A quel prix ?

Quand j’aborde la question du prix, l’ambiance a un peu changé. Entre 20 000 et 25 000 euros, un positionnement qui révèle les ambitions du projet. « On est un peu embêtés avec les dernières aides qui étaient valables il y a encore un an », confesse le fondateur, évoquant les incertitudes réglementaires actuelles.

L’équipe garde espoir pour le retour des aides gouvernementales d’ici le lancement commercial. « On est bas carbone, on a une toute petite empreinte, donc ce serait plutôt logique d’avoir des aides », argumente-t-il.

Face à la Citroën Ami, concurrent qui me vient à l’esprit, Aemotion revendique une approche radicalement différente. « Elle coûte deux fois plus cher, mais l’avantage c’est qu’on se donne vraiment la plus-value : faire de l’inter-file, se garer où on veut très facilement », justifie le designer. C’est quand même deux fois moins cher.

Cette plus-value, ils la résument bien : « Nous, on est vraiment calibré pour le cadre ou les professions libérales qui ont besoin d’emporter un peu de matériel, qui ont besoin de bouger dans la ville et qui ont besoin de ne pas perdre de temps à trouver du parking. »

Une équipe resserrée avec des ambitions mesurées

Ce qui m’impressionne le plus chez Aemotion, c’est cette équipe de cinq personnes seulement qui porte un projet aussi ambitieux. « Chacun dans l’équipe avait techniquement une plus-value à apporter pour qu’à la fin, l’équipe des fondateurs soit déjà cohérente pour fabriquer ça », m’explique le co-fondateur avec cette simplicité qui caractérise les vrais entrepreneurs.

Cette structure légère permet une agilité de développement remarquable, mais questionne logiquement sur la capacité de montée en charge. L’objectif initial ? 3 000 véhicules sur cinq ans. L’approche semble mesurée.

L’assemblage restera internalisé sauf succès dépassant les prévisions. « On va grossir pour s’occuper de l’assemblage nous-même », m’assure-t-on. Cette approche permet de maîtriser la qualité mais limite mécaniquement les volumes.

Détail amusant : même le nom définitif du modèle reste à définir. Seule la marque Aemotion est gravée dans le marbre.

Une gamme en gestation

L’ambition ne s’arrête pas à ce premier véhicule, « à terme, on aura une gamme parce qu’on est déjà en train de travailler sur d’autres modèles ».

Certains modèles futurs se rapprocheront davantage de l’automobile traditionnelle, le spectre d’usage va donc s’élargir. Cette diversification vise à toucher différents segments tout en conservant l’ADN de la marque.

Les trois piliers d’Aemotion – agilité, sécurité et plaisir de conduite. « C’est nos trois piliers qui font Aemotion », résume-t-il.

Leur pari technologique semble maîtrisé, l’ancrage territorial assumé et la cible client identifiée. Reste à convaincre un marché français traditionnellement conservateur sur les nouvelles catégories de véhicules.

Le succès dépendra largement du cadre réglementaire et des aides publiques. Dans un contexte de transition énergétique accélérée, les pouvoirs publics pourraient bien soutenir ces alternatives à la voiture individuelle classique, surtout si ces initiatives sont françaises.

Rendez-vous donc en 2027. On a hâte d’essayer les premiers prototypes.


Envie de rejoindre une communauté de passionnés ? Notre Discord vous accueille, c’est un lieu d’entraide et de passion autour de la tech.

Les derniers articles