J’ai roulé 24 heures en Rolls-Royce Spectre : récit d’une expérience hors du commun

Voitures • 2023

La Rolls-Royce Spectre est la première voiture électrique de l’histoire de la marque. Nous avons pu passer 24 heures en sa compagnie, de quoi s’apercevoir que cette motorisation convient très bien aux valeurs de luxe et de confort prônées depuis toujours par les modèles ornés du Spirit of Ecstasy. Récit.
Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke - Frandroid
Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke - Frandroid
 

Chez Survoltés, nous avons à cœur de vous renseigner au quotidien sur l’actualité des voitures électriques, de répondre aux nombreuses idées reçues sur le sujet et, surtout, de vous conseiller sur le meilleur rapport qualité-prix pour chaque usage via nos nombreux essais et guides d’achat.

Ici, l’exercice est un peu différent : nous avons passé 24 heures à bord de la Rolls-Royce Spectre, peut-être la voiture électrique la plus exclusive au monde.

Alors changeons notre façon de faire : plutôt que de vous conseiller sur votre prochain achat, profitons et tâchons de retranscrire les sensations qu’on peut ressentir dans une voiture dépassant les 400 000 euros. Laissez-vous aller, c’est parti.

Notre vidéo

Fiche technique

Modèle Rolls-Royce Spectre
Dimensions 5,45 m x 2,08 m x 1,56 m
Puissance (chevaux) 584 chevaux
0 à 100km/h 4,5 s
Niveau d’autonomie Conduite semi-autonome (niveau 2)
Vitesse max 250 km/h
Prise côté voiture Type 2 Combo (CCS)
Prix entrée de gamme 340000 euros
Fiche produit

La voiture d’essai nous a été prêtée durant vingt-quatre heures par le constructeur.

Une voiture majestueuse

La découverte de la Spectre s’effectue en plusieurs temps. La première impression confirme immédiatement : c’est bel et bien une Rolls-Royce, ne serait-ce que par ses proportions. Malgré sa carrosserie coupé (la seule de la gamme), la Spectre mesure tout de même 5,47 mètres de long pour 1,99 m de large et 1,57 m de haut.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Ce qui est intéressant, c’est que l’ensemble des attributs d’une Rolls est bien présent… tout en évoluant vers quelque chose de bien plus contemporain.

Pêle-mêle : la calandre Parthénon trône bien à l’avant, mais elle est désormais obstruée et illuminée ; le Spirit of Ecstasy est toujours au bout de l’interminable capot, mais passe au lifting pour mieux fendre l’air ; les roues font désormais 23 pouces, mais le logo « RR » en leur centre demeure vertical même en mouvement.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Évidemment, la personnalisation reste un mot d’ordre. Notre Spectre d’essai, peinte dans ce superbe Magma Red, était au final assez sobre. Il est possible d’aller bien plus loin en choisissant un capot peint en couleur contrastante, un biton courant jusqu’à la malle, de multiples finitions du logo, des jantes ou des étriers de frein.

Notons tout de même la présence de la coachline, cette ligne ininterrompue sur le flanc et peinte à la main, qu’il est évidemment possible de sélectionner de la couleur qu’il nous chante.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Aussi opulente et démesurée qu’elle soit, la Spectre réussit l’exploit de ne pas intimider. Une sorte de charisme naturel, qui inspire le respect sans forcer. Concrètement, tout le monde se retourne sur son passage, mais les signes d’hostilité à son égard ont été quasiment invisibles durant l’essai.

Un habitacle aussi sophistiqué qu’accueillant

Une présentation à quatre épingles

Prendre place à bord de la Rolls-Royce Spectre ne sera jamais l’occasion de perdre sa dignité, grâce à l’ouverture antagoniste des immenses portes assistées électriquement, qui permet de s’assoir sans jamais avoir à se contorsionner. Les célèbres parapluies, au manche de la couleur extérieure de la voiture, se cachent dans chaque aile.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Du cuir du sol au plafond, du bois et du métal : tout est beau, tout est vrai. Le cuir, notamment, coche toutes les cases : passepoil, surpiqûres, embossages, tout y est, tout est personnalisable – sans compter une qualité exquise, avec une douceur et une souplesse difficilement égalables. N’oublions pas non plus la moquette en véritable laine de mouton, à l’épaisseur hors norme.

Les placages en bois se retrouvent sur la planche de bord et la console centrale, et peuvent prendre place sur les contre-portes – les nôtres étaient en cuir perforé, laissant apparaître un motif lumineux. Notre Spectre disposait à titre d’exemple d’inserts en acacia à pores ouverts, aussi discrets qu’élégants.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Le plafond étoilé, signature des habitacles Rolls-Royce depuis des années, renforce sa magie sur la Spectre avec l’apparition aléatoire d’étoiles filantes – c’est bête, mais en surprendre une est source d’une joie presque enfantine : on a vu passer une étoile filante, et peu importe qu’elle soit constituée de fibres optiques ou d’un astéroïde en perdition.

La planche de bord s’offre une disposition très classique, et continue de faire la part belle à l’analogique avec un certain nombre de commandes physiques. Le plaisir tactile continue, avec un crantage optimal des molettes et une résistance parfaite des poussoirs.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Ce n’est pas pour autant que la Spectre refuse d’embrasser le XXIᵉ siècle : les écrans ont le droit de cité. Deux, pour être précis : un pour le conducteur, assisté d’une vision tête-haute reflétée dans le pare-brise, et un autre en position centrale pour l’infodivertissement.

Développons sur ce dernier. Au chapitre des louanges, saluons son intégration discrète dans la planche de bord, sa connectivité (compatibilité Android Auto / Apple CarPlay, planificateur d’itinéraire pour optimiser les arrêts recharge sur longs trajets, etc), sa fluidité, sa belle définition et son ergonomie générale.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Reste qu’un point chiffonne : son interface est celle du système iDrive BMW (auquel Rolls-Royce appartient, pour rappel), sans grande personnalisation. Une voiture d’un tel cachet ne mériterait-elle pas un système dédié, une prolongation de l’atmosphère profondément unique de cet habitacle ?

De la place pour quatre

Les dimensions pour le moins respectables de la Spectre lui permettent d’accueillir sans le moindre problème quatre passagers. Les occupants arrière seront presque aussi choyés qu’à l’avant, avec une habitabilité généreuse, des prises USB, des sièges chauffants, un réglage individuel de leur climatisation… et des sièges d’un confort remarquable, sans compter la vue aux premières loges sur le plafond étoilé.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Le coffre, d’une capacité de 380 litres, permettra de partir en week-end. Et ne pensez pas que cette partie de l’habitacle ait été négligée par Rolls-Royce : ici aussi, les finitions sont parfaites, et le soin du détail toujours omniprésent. Le plancher cache un sous-coffre, et se maintient en position relevée par un petit aimant offrant une résistance juste suffisante pour conserver sa position, sans avoir à forcer le moins du monde pour le détacher.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Seule l’absence de coffre avant (frunk) pourra étonner, surtout le volume disponible par le capot, tandis qu’un chargeur à induction quelque part dans l’habitacle eût été apprécié à sa juste valeur. On chipote.

Une expérience de conduite hors du commun

Une fiche technique démesurée

Cette Spectre, donc, est la première Rolls-Royce électrique de l’histoire – hormis la 102EX, un démonstrateur de 2011 sur base de Phantom qui n’avait jamais abouti en série. Chose étonnante : Charles Rolls, un des cofondateurs de la marque, louait les mérites des moteurs électriques dès 1900 ; l’absence de vibration, le couple important et le silence de fonctionnement convenaient parfaitement à l’idée qu’il se faisait de l’expérience procurée par ses voitures. 125 ans plus tard, son souhait est enfin réalisé.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Reposant sur la plateforme Architecture of Luxury de la marque (une profonde évolution de la CLAR qu’on retrouve, notamment, sur la BMW i7), la Spectre offre un unique choix de motorisation. Deux moteurs électriques (un sur chaque essieu) développent une puissance cumulée de 430 kW (585 ch) pour 900 Nm de couple, de quoi propulser les 2 890 kg à vide (!!) de la Rolls de 0 à 100 km/h en 4,5 secondes.

Ces deux machines sont alimentées par une batterie de 102 kWh. Évidemment, le poids démesuré a un impact très concret sur l’autonomie : la Spectre ne peut parcourir « que » 530 km en une charge selon le cycle WLTP, avec une consommation de 22,2 kWh/100 km en incluant les pertes à la recharge.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

En conditions réelles, il faudrait plutôt compter sur les 400 à 450 km. N’écoutant que notre conscience journalistique, nous avons relevé une consommation urbaine de 22,8 kWh/100 km (soit une autonomie totale de 447 km dans ces conditions) et de 24,2 kWh/100 km « seulement » à 130 km/h, soit 421 km en une charge.

Un apaisement total

Mais prenons de la distance avec ces horribles chiffres, parlons de la conduite de cette Spectre – peut-être l’exercice le plus compliqué de cet article, puisque les sensations ressenties n’ont pas grand chose à voir avec celles d’une voiture « normale ».

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

S’il n’y avait qu’un adjectif, ce serait « apaisant ». La Spectre est apaisante. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, dès la fermeture des portes (électriquement, en appuyant sur la pédale de frein), l’insonorisation fait disparaître tout bruit extérieur.

On se retrouve donc dans un habitacle complètement silencieux – un niveau difficilement explicable, et ce même à (très) hautes vitesses. Rolls-Royce a développé un bruit moteur artificiel, mais l’activer reviendrait à passer à côté d’un élément fondamental des sensations ressenties.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Le silence est tel qu’il rend superflue l’idée d’écouter de la musique. Dommage dans un sens, car les quelques morceaux passés ont fait ressortir l’impeccable qualité du système-son « Bespoke Audio » dont on ne saura rien, si ce n’est qu’il a été « développé et perfectionné par Rolls-Royce et des experts de premier plan du secteur ».

Le confort fait également partie intégrante du bien-être ressenti. Les suspensions actives et pneumatiques, associées à des barres antiroulis déconnectables automatiquement, rendent l’expérience d’une douceur hors norme. Tout est feutré, filtré, atténué. Même en conduite à rythme plus élevé, la Spectre ne se désunira jamais ; ce ne sera en aucun cas une voiture de sport, mais on ne la sentira jamais en difficulté.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

La calibration des commandes est également très différente du reste de la production. La direction est étonnamment légère, mais sans jamais être floue ; la réponse de l’accélérateur peut surprendre pour une voiture électrique, dans le sens où la puissance arrive très progressivement – à l’inverse, par exemple, de la brutalité des Tesla – mais sans jamais, ici non plus, donner l’impression d’être lente ou sous-motorisée.

De toute manière, l’indicateur de réserve de puissance sur le tableau de bord, qui tendra vers les 0 % quand on écrase la pédale mais qui dépasse rarement les 60 %, prouve que la Spectre n’a pas à prouver quoi que ce soit.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

C’est sûrement ce dernier point qui résume le mieux l’expérience ressentie à bord de la Rolls : une force tranquille, sans la moindre arrogance ou violence. Une présence douce et réconfortante ; une sensation aussi absurde que certaine infuse alors : rien de mal ne peut nous arriver au volant de la Spectre.

Une expérience de recharge en décalage

Comme dit plus haut, la Rolls-Royce Spectre repose sur une plateforme maison, lointaine cousine de celle de la BMW i7, et qui n’accède donc pas aux dernières technologies du marché.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Ainsi, l’architecture électronique demeure en 400 volts et la puissance maximale de recharge stagne à 195 kW : passer de 10 à 80 % de l’immense batterie demande 34 minutes. Nous aurons attendu 27 minutes à une borne pour passer de 17 à 76 %.

C’est peut-être ici que le bât blesse : l’expérience peut ne pas être en accord avec la sophistication de la Spectre. Passer plus de 30 minutes dans des cafétérias d’aires d’autoroute pourrait ressembler à un certain déclassement ; heureusement, Rolls-Royce rétorque que les clients de Spectre parcourent en moyenne 6 400 km par an à bord de la Rolls électrique, et que « la grande majorité d’entre eux la rechargent à domicile ».

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

En parallèle, BMW promet que les technologies de ses Neue Klasse (sa nouvelle génération de voitures électriques, qui débute avec l’iX3), dont l’architecture 800 volts et la recharge en 21 minutes, seraient généralisées aux autres BMW, Mini et Rolls-Royce électriques. De quoi espérer une Spectre « 2.0 » dans les prochains mois ?

Un tarif qui participe au rêve

429 000 euros : voici comment se concluait la fiche produit de notre Rolls-Royce Spectre. Un prix presque abstrait, puisque les possibilités quasi-infinies de personnalisation peuvent amener à des tarifs pour le moins fluctuants.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Évidemment, mettre une somme qui nous permettrait d’acheter une maison ou un bel appartement en plein Paris dans une voiture laisse songeur. Est-ce bien raisonnable ?

Question à laquelle les clients semblent avoir répondu. Depuis son lancement en 2024, la Spectre se hisse à la deuxième place des ventes de la marque, derrière le Cullinan, son immense SUV. Rolls-Royce nous a fourni quelques informations sur le portrait-robot des propriétaires : en moyenne, « la Spectre est la deuxième Rolls-Royce d’un client et fait partie d’un garage de sept voitures ». Un problème ? Pas de problème.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

On pourrait enfin, et en toute bonne foi, se questionner si une Spectre est objectivement quatre fois meilleure qu’une voiture à 100 000 euros, comme une (excellente) Volvo ES90, un (moelleux) BMW iX ou une (remarquable) Porsche Taycan. Après avoir passé 24 heures à son volant, cette question me paraît être tout à fait hors de propos : une Rolls, c’est une Rolls, et les sensations procurées à son volant laissent peu de doutes sur l’exclusivité de la proposition.

Rolls-Royce Spectre // Source : Robin Wycke – Frandroid

Laissez-nous cependant conclure cet essai sur une ouverture à propos du marché le plus dynamique au monde : la Chine. Certes excellentes pour produire des SUV à prix cassés, quelques marques s’attaquent désormais au grand luxe : les premiers retours européens sur la Nio ET9 ou la Maextro S800 prouvent que les acteurs locaux vont vite et savent s’entourer pour proposer des voitures électriques extrêmement sophistiquées. Reste à voir si elles arriveront en Europe, si ces percées sont aussi révolutionnaires que promises et si la clientèle sera prête à partir dans l’inconnu.

Comment noter quelque chose qui n'a aucune comparaison ? La Rolls-Royce Spectre nous laisse un peu désemparés au moment de conclure cet essai ; elle prouve en revanche que la motorisation 100 % électrique peut parfaitement convenir à une voiture de grand luxe.

Allons plus loin : et si, en se débarrassant de l'immense moteur 12 cylindres des autres Rolls-Royce, la Spectre devenait la meilleure représentante des valeurs de la marque ? La souplesse, le silence et la puissance qu'on exige d'une telle voiture sont la définition même des moteurs électriques, tandis que le confort atteint des niveaux difficilement atteignables.

Alors certes, son prix laisse rêveur, certes, certains détails chiffonnent et certes, la base technique mériterait d'être au meilleur niveau de la production contemporaine, mais la Rolls-Royce Spectre se suffit à elle-même. Vous voulez la meilleure voiture du monde ? Vous l'avez peut-être trouvée.

Points positifs de la Rolls-Royce Spectre

  • Charisme hors norme

  • Soin du détail

  • Confort ultime

Points négatifs de la Rolls-Royce Spectre

  • Aspects pratiques

  • Expérience de recharge en décalage

  • Ne restera qu’un rêve

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