
Ce n’est pas une surprise pour qui suit le dossier (nous l’avons déjà expliqué à plusieurs reprises) mais la puissance des témoignages et des documents diffusé par Cash Investigation dans sa dernière émission mis en lumière révèle un scandale à plusieurs niveaux : environnemental, réglementaire et financier.
Précisons que les voitures hybrides simples (qui ne sont pas rechargeables) ne sont pas pointées du doigt dans l’émission. Elles ont toutefois d’autres problèmes, notamment liées à leurs petite batterie et leur conception comme nous l’avons déjà vu dans des papiers dédiés.
Des chiffres de consommation qui relèvent de la fiction
Depuis des années, les hybrides rechargeables s’affichent comme la solution idéale dans une grande partie de l’imaginaire collectif : un moteur thermique couplé à une batterie, capable de rouler une cinquantaine de kilomètres en électrique avant de basculer sur l’essence. Sur le papier, cela donne des chiffres flatteurs.

L’un des modèles étudiés par Cash Investigation (le Porsche Cayenne hybride rechargeable) affiche par exemple 1,4 l / 100 km. Mais dans la réalité, lorsque la batterie est vide, la consommation grimpe à 13 l / 100 km. Et avec la batterie utilisée de manière “idéale”, on est plutôt autour de 4,6 l / 100 km.
Comme le résume un expert interrogé : « Le véhicule consomme presque trois fois plus » que ce que disent les documents officiels.

C’est exactement ce que démontraient déjà les données collectées par des “mouchards” intégrés aux moteurs : dans la vraie vie, les émissions de CO₂ des PHEV sont en moyenne 3,5 fois supérieures aux valeurs d’homologation. Une sous-estimation systématique qui a permis aux constructeurs de jouer sur un règlement taillé sur mesure.

On avait déjà expliqué le problème : les possesseurs de voitures hybrides rechargeables ne rechargent pas assez leurs voitures. Ils roulent alors souvent avec une batterie vide ou pas assez chargée, ce qui fait grimper les chiffres de consommation.
Quand les constructeurs dictent les règles
Comment en est-on arrivé là ? Dans l’émission, on apprend que le fameux “coefficient d’utilité” (celui qui permet de calculer les émissions officielles d’un PHEV en fonction de l’usage théorique de sa batterie) a été défini en 2014 par un groupe d’ingénieurs. Problème : deux d’entre eux travaillaient alors chez BMW et auraient donc fait pression pour avoir les chiffres de consommation les plus faibles.
Pourquoi ? Tout simplement pour permettre de réduire virtuellement les émissions de CO2, permettant d’éviter les coûteuses amendes de la Commission européennes. Ils ont alors pris comme hypothèse que les conducteurs rechargeraient leurs batteries tous les soirs pour rouler en 100 % électrique. Comme le rappelle un expert cité par Cash Investigation : « Leurs données étaient biaisées ».

Malgré tout, la Commission européenne a validé ce coefficient… beaucoup trop optimiste. Résultat : « Les émissions des hybrides rechargeables sont totalement sous-estimées » et les constructeurs en ont largement profité pour gonfler artificiellement les vertus écologiques de leurs PHEV.
Evidemment, la Commission européenne est désormais consciente de ce problème, grâce aux « mouchards » intégrés aux voitures neuves depuis quelques années, permettant de remonter la consommation réelle aux systèmes informatiques européens. L’idée est donc de moduler ce facteur d’utilisation pour augmenter la consommation annoncée par les constructeurs.
Mais cela ne plaît pas aux lobby allemands de l’automobile : qui annonce publiquement que « cela serait contreproductif et donnerait un avantage à nos concurrents ».
Un jackpot pour les constructeurs
Ce tour de passe-passe réglementaire a permis aux constructeurs, notamment allemands, d’éviter des milliards d’euros d’amendes pour dépassement de seuils CO₂. Selon l’ONG Transport & Environement, le groupe Volkswagen a évité 2,4 milliards d’euros d’amende entre 2021 et 2023, contre 600 millions pour Mercedes et 500 millions pour BMW.
Aujourd’hui, les PHEV représentent 10 à 20 % des ventes des constructeurs allemands. Pas étonnant : « ils margent plus sur une hybride rechargeable que sur une électrique ou thermique », confie un cadre interrogé par Cash Investigation.

Ce levier économique s’appuie aussi sur un argument social : « Il y a toujours un chantage à l’emploi », rappelle un syndicaliste. En clair, les gouvernements hésitent à durcir les règles par peur de fragiliser des usines et des emplois.
Résultat, ce sont les finances publiques qui trinquent : en France, par exemple, les PHEV échappent à la TVS (taxe sur les véhicules de société), et leurs émissions “virtuelles” permettent aux constructeurs d’afficher des bilans CO₂ bien plus verts qu’ils ne le sont.
Des effets pervers jusque dans la concurrence internationale
Ce scandale dépasse le simple cadre européen. Les règles actuelles favorisent aussi l’arrivée de PHEV étrangers sur notre marché. Les véhicules 100 % électriques chinois sont frappés de surtaxes à l’importation, mais pas les hybrides rechargeables.
Résultat : des marques comme BYD peuvent inonder l’Europe de modèles PHEV, en profitant de réglementations biaisées qui minimisent leurs émissions réelles.

Un comble, alors même que l’Union européenne affiche l’ambition de réduire la dépendance aux énergies fossiles. À l’heure où l’électrique à batterie progresse et où les ventes de PHEV stagnent, la permissivité réglementaire risque d’ouvrir un boulevard à la concurrence chinoise.
La fin programmée des PHEV ?
Les signaux commencent toutefois à s’accumuler. La Commission européenne envisage un durcissement des règles pour mieux faire correspondre les données de consommation affichées avec la réalité. L’Agence européenne pour l’environnement a, elle aussi, conclu que ces modèles étaient “nocifs et inutiles” dans la transition énergétique.
Mais la bataille n’est pas terminée, comme le dit le député européen, Pascal Canfin, cité dans l’émission : « on est au milieu de cette bataille, je ne sais pas comment ça va se terminer ».
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