
Les vagues de licenciements successives chez Microsoft ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Elles masquent un changement de culture profond ressenti par des salarié de plus en plus mal à l’aise avec la direction du géant de la tech. Frandroid a pu s’entretenir avec des salariés et ex-salariés de Microsoft.
L’éléphant dans la pièce : l’intelligence artificielle
Microsoft se porte bien, avec 200 milliards de dollars de bénéfice net ces deux dernières années, et une valorisation à plus de 3000 milliards de dollars en bourse.
Alors pourquoi de telles coupes quand tout va bien ? La réponse peut paraitre faussement évidente quand on suit l’actualité des nouvelles technologies : l’intelligence artificielle. Les géants de la tech se sont enfermés dans une course à l’armement sans limites. Microsoft investit par exemple plus de 80 milliards de dollars, et ça, c’est seulement pour son année fiscale 2025.
Il faut trouver l’argent pour soutenir ces investissements monstres et Microsoft semble avoir une réponse toute trouvée : couper dans les dépenses salariales, même quand cela n’a aucun sens stratégiquement.
Il ne s’agit pas de remplacer les salariés de Microsoft par l’IA, mais plutôt de réallouer le budget humain vers le budget d’investissement dans l’infrastructure liée à l’IA. Un changement de cap qui a un impact lourd sur les équipes.
2014 – 2022 : l’ère Satya Nadella
Ce changement de cap ne date pas de cette année fiscale, mais trouve plutôt ses racines à la sortie du Covid, en 2022. Les retours des salariés et ex-salariés que nous avons interrogés sont unanimes sur le changement de culture interne au cours des dernières années. Toutes et tous pointent du doigt un changement de direction et une prise de pouvoir non dite d’Amy Hood, la directrice financière de Microsoft. Un changement d’ambiance également corroboré par Windows Central.
Tout d’abord un retour en arrière. En 2014, Satya Nadella devient le patron de Microsoft et crée un grand changement culturel au sein de la firme, rompant avec la stratégie de son prédécesseur Steve Ballmer.

L’un des principes fondateurs de la culture mise en place par Nadella est le « growth mindset ». Il s’agit de permettre et même d’encourager les salariés à prendre des risques et se tromper. Se servir de leurs échecs comme autant d’opportunité d’apprendre pour s’améliorer ou s’entraider. Une mentalité dont il faut s’imprégner pour sans cesse s’améliorer, et donc améliorer ce que l’on fait pour l’entreprise.
Des idées applaudies par les personnes avec lesquels nous avons discuté. Il s’agissait alors d’une période riche en opportunités et jugée moins stressante pour les équipes.
Sous Satya Nadella, Microsoft va également s’ouvrir à d’autres horizons. Là où sous Ballmer, les produits Microsoft devaient rester toujours centraux à la stratégie, Windows devait passer avant toute autre plateforme, ce n’est plus le cas sous Nadella. La firme propose de plus en plus de ses produits sur l’iPhone ou sur Android, des plateformes concurrents à Windows. Ce n’est pas tout, Microsoft va soutenir et participer au développement de Linux, adversaire historique de son système d’exploitation.
Avec cette culture revitalisant les équipes et une nouvelle mission pour l’entreprise — permettre à chaque individu et à chaque organisation sur la planète les moyens d’en faire plus–, Microsoft revient dans la course des entreprises qui comptent. La firme devient même première en valorisation devant Apple à plusieurs reprises. Satya Nadella est alors considéré comme l’un des meilleurs patrons de la tech.
Pendant le Covid, toutes nos sources soulignent les avantages mis en place par Microsoft « pour mettre la priorité sur le bien-être des salariés ».
Depuis 2022 : la finance prend les rênes
Mais voilà depuis plusieurs mois, depuis la fin du Covid en fait, la culture a une nouvelle fois changé radicalement au sein de Microsoft. Nos sources nous décrivent une entreprise dont les objectifs changent constamment, sans attente claire de la part du management et avec une surveillance quasi policière sur les activités des employés.
« Quelque chose c’est brisé à la tête de Microsoft ». Les échecs autrefois encouragés deviennent des éléments utilisés contre les salariés lors d’entretiens avec le management. Ce faisant, la firme perd « une forme de retour de terrain et son thermomètre ». Un nouveau « règne de la terreur » se met en place où critiquer la société ou son fonctionnement est également vu d’un mauvais œil. L’heure n’est plus à l’amélioration collective ou à l’apprentissage des erreurs.
En parallèle de ce changement de culture, certains avantages aux salariés disparaissent et les salaires stagnent. Un exemple mentionné plusieurs fois est l’accès gratuit à Xbox Game Pass Ultimate auxquels ont le droit les salariés du groupe. Microsoft a menacé de couper cet avantage à la fin de l’année 2023. Après des protestations de la part des employés sur la plateforme interne Viva, la firme est revenu sur cette décision comme l’écrit The Verge en novembre 2023.
C’est le moment où ChatGPT d’OpenAI explose et où Microsoft décide de rediriger tous ses investissements vers l’IA générative.
L’objectif de Microsoft devient la rentabilité à tout prix des investissements colossaux dans l’IA. De là, une idée s’impose au sein des équipes. Ce n’est plus Satya Nadella qui dirige Microsoft, mais Amy Hood, la directrice financière de Microsoft. Il faut donc absolument couper dans les frais où cela est possible.
La société ne se donne plus le droit à l’échec, il faut absolument faire adopter Copilot et cela commence par l’obligation des salariés d’utiliser les outils mis en place. Les performances d’un salarié Microsoft sont désormais en partie indexées sur son niveau d’utilisation de Copilot. Ne pas utiliser l’IA, ou trop peu, devient une cause de licenciement possible. Il faut alors tout faire pour ne pas se retrouver en bas du classement, être le collègue qui aura utilisé le moins Copilot, ou être dans l’équipe la moins utilisatrice de l’IA.
Tout cela a créé une déconnexion croissante entre les salariés et la direction de Microsoft.
À quoi bon se donner à 100 % pour une entreprise toxique quand notre cours de l’action est au plus haut ? On remplit les objectifs à chaque fois et pourtant l’ambiance et les conditions s’aggravent.
Cette déconnexion, cette perte de sens, un Microsoft parfois qualifié de « boite quelconque sans âme », on la retrouve aussi dans la confrontation de certains salariés avec la direction sur le sujet du soutien technologique de Microsoft à l’armée israélienne, ou quand Nadella apporte ses féliciations à Donald Trump pour son élection, jusqu’à se rendre et participer au financement de sa cérémonie d’inauguration.
Microsoft va-t-il droit dans le mur ?
Tout cela fait craindre à certains salariés une forme de fuite en avant de la part de Microsoft. Que se passera-t-il si la bulle de l’IA explose ? Est-ce qu’une autre technologie pourra prendre le relais pour tirer la croissance du groupe ?
Depuis le virage vers l’IA générative, Microsoft a beaucoup misé sur son partenariat avec OpenAI, mais les deux sociétés sont en conflit de plus en plus ouvert. Si bien qu’OpenAI cherche son indépendance technologique de Microsoft.
Tout cela laisse l’impression d’une entreprise pilotée à vue et d’une envie de bénéfices à court terme plutôt qu’à long terme. Les investissements dans l’IA sont massifs, mais que Microsoft vendra-t-il dans quelques années ? Quel est le futur que souhaite Microsoft ? Quelle est la vision de l’entreprise ? Tout cela semble de plus en plus difficile à percevoir.
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